La beauté confrontée au mal
(Cet article est susceptible d’intéresser ceux qui ont vu le film ; pour les autres, attention « spoiler » comme on dit en bon français.)
« La Ligne rouge » de Terrence Malick qu’on a pu voir récemment sur Arte est indiscutablement un des meilleurs films sur la guerre. Il n’en manque certes pas et des grands comme ceux de Coppola, de Cimino ou de Kubrick mais la vision de Malick est particulière. Plein d’un contraste saisissant entre une nature paradisiaque et la cruauté des combats. La guerre est la face noire opposée à la beauté du monde.
L’histoire suit le quotidien des soldats américains de la compagnie Charlie contre les forces japonaises lors d’un épisode de la célèbre bataille de Guadalcanal en 1942 durant la guerre du Pacifique.
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« La Ligne rouge » marque le retour de Terrence Malick à la réalisation qu’il avait abandonnée durant près de 20 ans, après ses deux premiers et remarquables films, « Badlands » (« La ballade sauvage ») (1973) et « Days of Heaven » (« Les moissons du ciel ») (1978).
L’adaptation d’un roman
Terrence Malick a basé son scénario sur le roman de James Jones, The Thin Red line, paru en 1963. Jones a servi comme fantassin dans l'armée américaine dans le Pacifique Sud et a participé à plusieurs phases de la bataille de Guadalcanal entre août 1942 et février 1943.
Jones reprend les personnages de son premier livre, « From Here to Eternity » (1952), qui traite des événements liés au bombardement de Pearl Harbor. Ce roman a d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Fred Zinnemann (« Tant qu’il y aura des hommes » en VF) avec Burt Lancaster, Deborah Kerr, Montgomery Clift et Frank Sinatra. (Le film avait remporté l'Oscar du meilleur film en 1953).
Pour sa part, « The Thin Red Line » avait donné lieu à une première adaptation en 1964, dans une version signée Andrew Marton (1).
Le tournage
Terrence Malick et ses producteurs ont réuni un casting étoffé avec de nombreux acteurs masculins de Hollywood : Sean Penn, Nick Nolte, John Travolta, Adrian Brody, John Cusack, George Clooney, Woody Harrelson,…
Le montage initial approchant les six heures, Terrence Malick a été dans l’obligation de supprimer bon nombre de séquences, transformant certains acteurs en quasi-figurant (deux répliques pour Adrien Brody qui il est vrai apparaît souvent à l’écran avec sa face tragique, une seule scène pour George Clooney et pour John Travolta) ; certains acteurs n’ont simplement pas été retenus dans le montage final comme Mickey Rourke et Gary Oldman. Le film dans sa version définitive dure 2 h 42.
Quatre acteurs, particulièrement valorisés par le metteur en scène, livrent une prestation extraordinaire : Nick Nolte, Sean Penn, Jim Caviezel et Elias Koteas.
Le directeur de la photographie est John Toll qui avait gagné deux Academy Award pour Legends of the Fall et Braveheart.
Le tournage a eu lieu en Australie, à Guadalcanal et aux Etats-Unis. L’Australie a été retenu pour des raisons logistiques évidentes et parce que le nord du Queeensland offre des paysages analogues à ceux des îles Salomon (plages, récifs de corail, collines aux herbes hautes). Les prises de vue en Australie ont duré 80 jours, à Guadalcanal 20 jours, 3 jours à San Pedro (2).
Une ouverture paradisiaque
Le film s'ouvre sur l'image d'un énorme crocodile plongeant lentement dans un étang rempli de mauvaises herbes et sur des images d’arbres dans étouffés par des lianes. Les premiers mots (en voix off) nous interrogent : « Quelle est cette guerre au cœur de la nature ? Pourquoi la nature rivalise-t-elle avec elle-même ? Pourquoi la terre affronte-t-elle la mer ? Y a-t-il une force vengeresse dans la nature ? Pas une seule force mais deux » alors que s’élève un très beau chant mélanésien.
Le soldat Robert Witt (Jim Caviezel), pacifiste dans l’âme, déserteur de circonstance, préfère goûter à une vie hédoniste plutôt qu’à la dure condition de soldat. Sur ces îles Salomon, il est au contact de tribus locales qui vivent de peu, en harmonie (apparente) entre elles et en symbiose avec la nature. On pense à un monde d’avant le péché originel. Des enfants s’amusent, des adultes pêchent, des mamans protègent et éduquent leurs enfants, et Witt qui plonge dans une mer turquoise, Witt sur sa pirogue qui pagaie sereinement. Avec un sourire emprunt de bonté qui éclaire son très beau visage.

(Robert Witt - Jim Caviezel)
Mais cette parenthèse enchantée a une fin. Afin de lui éviter la Cour martiale pour désertion, le sergent-chef Edward Welsh (Sean Penn) lui offre la possibilité de réintégrer l’armée comme brancardier.
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