Dans la torpeur du mois de juillet (23 juillet), on pouvait lire sur le site internet du Parisien que les globes extraordinaires de Vincenzo Coronelli n’allaient pas se retrouver au musée-promenade de Marly-Louveciennes, mais à la Bibliothèque nationale de France (BNF) en dépit des efforts des conservateurs successifs, de nos élus et particulièrement ceux de Pierre Lequiller.
Ces fameux globes dits de « Marly » avaient été spécialement commandés par le cardinal d’Estrées, ambassadeur de France à Rome pour Louis XIV et créés entre 1681 et 1683 par Vincenzo Coronelli, moine franciscain italien, merveilleux cartographe et fabricant. Ces deux globes, l’un terrestre et l’autre céleste, pèsent environ 2 tonnes, ont 10 mètres de haut et 3,85 de diamètre. Louis XIV les avait fait placer en 1703 au château de Marly.
Les vicissitudes de la révolution les ont rendu ensuite invisibles pendant deux siècles. A partir de 1875 ils ont été enfermés dans des caisses à la Bibliothèque nationale et sont restés dans un oubli complet jusqu’à leur dévoilement en 1980 lors d’une exposition au centre Georges Pompidou à Beaubourg. En 2000 ils ont fait un voyage à Hanovre pour être présentés à l’exposition universelle. Et tout récemment, en septembre 2005 plus précisément, les deux globes ont été accrochés au Grand Palais à l’occasion des journées du patrimoine, suscitant l’admiration du public.
On nous annonce maintenant, selon une décision apparemment définitive, que les globes seront exposés à demeure à partir de 2006 à la Bibliothèque nationale François Mitterrand. On peut se demander quelle légitimité accorder à cette institution pour accaparer ainsi les fameux globes. Les avoir gardés pendant près d’un siècle, jalousement, à l’abri des regards, bien enfermés dans des caisses ? Ce serait là une récompense bien curieuse.
Une installation des globes dans le musée-promenade de Marly-Louveciennes, agrandi pour l’occasion, ne serait pas une idée nouvelle : elle figurait dans les premiers plans du musée. Depuis 1994, le projet d’un retour à Marly a pris corps. Les globes de Coronelli seraient mis en valeur dans un dispositif d’ensemble (avec notamment les maquettes de la machine de Marly) et redonneraient au site sinon son lustre d’antan tout au moins augmenteraient son pouvoir d’évocation. L’enthousiasme suscité par la présentation au Grand Palais montre quel serait le pouvoir d’attraction de ces chefs-d’œuvre (allez sur les moteurs de recherche de Google et de Yahoo et vous serez étonnés par le nombre d’articles et de photos qui leurs sont consacrés).
Qu’apporteraient ces globes à la bibliothèque François Mitterrand ? Ils ne permettront pas de rehausser l’architecture indigente de Dominique Perreault. Elle consacrerait simplement, une fois de plus, cette manie de centraliser sur Paris toutes les richesses (alors qu’elle en a suffisamment). Faire venir les amoureux d’arts et les touristes au musée-promenade après leurs visites à Versailles a du sens alors qu’un détour par le XIIIème arrondissement en est fortement dénué.
François K.
Notes :
1. Les photos sont publiées avec l’autorisation de leurs auteurs. Vous retrouverez la première due à Jérôme Patalano sur http://jeromeparis.canalblog.com/archives/2005/10/02/856626.htlm ; la seconde est extraite d’un reportage photos visible sur http://nawal.tribulations.free.fr
2. Notre opposition au transfert à la bibliothèque François Mitterrand ne doit pas nous empêcher de saluer l’excellent travail historique fait par la BNF sur Coronelli et à cet égard on consultera la remarquable présentation sur http://editions.bnf.fr/cds/coro/demo/demo.swf