Marie-Antoinette sera indiscutablement une des vedettes médiatiques de l’année 2006.
Le prochain film de Sofia Coppola, de nombreuses biographies (en n’oubliant pas celle de Stephan Zweig qu’on vient de rééditer), des reportages dans les magazines, nous feront mieux connaître le destin de cette reine de France, arrivée en France en 1770, à l’âge de 14 ans, pour épouser le futur Louis XVI, jusqu’à sa mort tragique sous la Terreur.
Le café littéraire de Louveciennes animé par Nicole Volle a eu l’excellente idée de demander à Evelyne Lever, historienne, chercheur au CNRS, spécialiste de l’Ancien régime, de venir nous présenter son ouvrage « Marie-Antoinette Correspondance (1770-1793) » publié aux éditions Tallandier. Prévue à l’origine pour le 21 janvier 2006, cette conférence a malheureusement dû être reportée pour des raisons de santé.
Ce contretemps devrait nous inciter à nous plonger dans cet ouvrage qui regroupe un ensemble de 491 lettres, non seulement celles de Marie-Antoinette, mais également dans un souci de mise en perspective historique, celles de sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse (jusqu’à sa mort en 1780), de son frère, Joseph II, du diplomate autrichien Mercy-Argenteau, de Louis XVI, et au cours des années révolutionnaires, celles de Barnave et bien entendu, celles de l’ami fidèle, le comte Axel de Fersen.
Cette correspondance est restituée dans un ordre chronologique et se lit comme un roman.
Lettres de jeunesse d’une adolescente mal préparée à son métier de reine, recommandations impératives de sa mère décidée à guider sa fille, correspondance parallèle de l’impératrice d’Autriche et de Mercy-Argenteau, ambassadeur d’Autriche, chargé d’informer sa souveraine de tout ce qui concernait la dauphine puis la reine.
Lettres pressantes de Marie-Thérèse, après l’avènement de Louis XVI, s’inquiétant des folles dépenses de Marie-Antoinette (corroborées par les rapports de Mercy-Argenteau) liées à son goût immodéré pour les jeux, les fêtes, les sorties nocturnes, les coiffures et toilettes extravagantes, réponses dilatoires de sa fille.
Lettres de la période révolutionnaire où se révèle l’énergie de la Reine (à défaut de sa clairvoyance) à sauver sa famille et la monarchie.
Pour vous donner une idée de la richesse de cette édition établie, présentée et annotée par Evelyne Lever, on trouvera ci-après les extraits d’une lettre de Marie-Thérèse à Marie-Antoinette ; pour bien comprendre les inquiétudes de l’impératrice, on rappellera que le mariage de Marie-Antoinette avec le futur Louis XVI a eu lieu le 16 mai 1770, que ce mariage n’a été consommé qu’en juillet 1773 et qu’il faudra attendre décembre 1778 pour voir la reine accoucher d’une fille.
Lettre de Marie-Thérèse à Marie-Antoinette (Schönbrunn, 2 juin 1775)
« (…) Je vous avoue que j’ai vu avec grande peine dans des feuilles imprimées que vous vous abandonnez plus que jamais à toutes sortes de courses au bois de Boulogne aux portes de Paris avec le comte d’Artois, sans que le roi y soit. Vous devez savoir mieux que moi que ce prince n’est nullement estimé, et que vous partagez ainsi ses torts. Il est si jeune, si étourdi : passe encore pour un prince, mais ces torts sont bien grands dans une reine plus âgée et dont on avait tout autre opinion. Ne perdez pas ce bien inestimable que vous aviez si parfaitement. Une princesse doit se faire estimer dans ses moindres actions, et point faire la petite maîtresse, ni en parure, ni dans ses amusements. On nous épluche trop pour ne pas être toujours sur ses gardes.
Il y a encore un point plus triste pour moi : toutes les lettres de Paris disent que vous êtes séparée de lit avec le roi, et que vous avez peu de part à sa confiance. J’avoue que cela me frappe d’autant plus, que de jour, étant toujours dissipée et sans le roi, s’il ne vient plus coucher chez vous pour de la succession, il faudra donc y renoncer ; cette amitié, cette coutume d’être ensemble finira bientôt de même, et je ne prévois que des malheurs et chagrins pour vous (…) Votre seule tâche doit être de vous trouver le plus souvent toute la journée chez lui, de lui tenir compagnie, d’être sa meilleure amie et confidente et tâcher de vous mettre au fait des choses pour pouvoir raisonner avec lui et le soulager ; qu’il ne trouve jamais ailleurs plus d’agréments et de sûreté que dans votre compagnie. Nous sommes dans ce monde pour faire du bien aux autres. Votre tâche est une des plus essentielles. Nous ne sommes pas pour nous-mêmes et pour nous amuser, mais pour acquérir le ciel, et qui ne se donne pas gratis. Pardonnez ce sermon, mais je vous avoue, ce lit à part, ces courses avec le comte d’Artois ont mis d’autant plus de chagrin dans mon âme que j’en connais les conséquences et ne saurais vous les présenter trop vivement pour vous sauver de l’abîme où vous vous précipitez. Attribuez à ma tendresse ces alarmes, mais ne les croyez pas superflues. »
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