Nicolas Sarkozy a dévoilé le 29 avril dernier son projet de Grand Paris pour faire de la capitale une « ville-monde » de « l'après-Kyoto ». Ce discours présidentiel a été tenu à l’occasion de la présentation au public du remarquable travail de dix équipes d’architectes-urbanistes qui ont planché sur « le Grand Paris » (1).
Frédéric Edelmann a excellemment synthétisé le discours (2) : « Nicolas Sarkozy a effectué un vertigineux parcours glanant chez chaque équipe une ou plusieurs idées fortes : aller de Paris au Havre en suivant la vallée de la Seine ; construire avec une volonté à la fois esthétique et le souci d'une identité renouvelée pour la future capitale ; bâtir librement haut ou bas « pourvu que ce soit beau » ; repenser l'échelle du territoire ; respecter l'histoire sans peur de formes nouvelles ; accepter l'héritage, le bon comme le mauvais, pour le redessiner ; multiplier les forêts (30 % !) ; enfin, et surtout, réinventer les infrastructures de transports, déplacer les gares et les pôles d'échange, respecter la mobilité. »
Et comme l’on fait remarquer judicieusement de nombreux observateurs, à l’instar des présidents de la République qui l’ont précédé, Nicolas Sarkozy souhaite attacher son nom à une œuvre pérenne. Ses prédécesseurs ont privilégié d’une manière frappante les musées : Georges Pompidou, le Musée d’art contemporain de Beaubourg, Valéry Giscard d'Estaing, le Musée d'Orsay, François Mitterrand, le Grand Louvre, Jacques Chirac, le Musée des Arts premiers du quai Branly. Pour Nicolas Sarkozy, ce sera le Grand Paris.
En bon politique, Nicolas Sarkozy a toutefois compris que les visions des architectes mêmes illustrées par des maquettes alléchantes n’étaient pas très « vendeur » auprès du grand public. Il fallait du concret c’est-à-dire des objectifs chiffrés. Il a retenu trois secteurs sensibles : les transports, le logement, l’emploi.
Les objectifs chiffrés
Dans son projet de Grand Paris, le chef de l’Etat se fixe trois objectifs :
* 35 milliards d'investissements prévus pour les transports dont 21 milliards devraient être consacrés au projet d’un réseau automatique rapide qui reliera sur 130 km différents pôles extra-muros. « Si l'on veut que les travaux démarrent avant 2012, il faut qu'avant la fin de l'année, une loi fixe les modalités de la maîtrise d'ouvrage, les outils juridiques et les moyens de financement ». Nous verrons dans le prochain article comment Louveciennes pourra être connectée à ce métro du futur ;
© Christian de Portzamparc
* 70 000 logements de plus par an, soit le double de l'effort actuel, grâce à l'assouplissement des règles d'urbanisme et à une meilleure utilisation des réserves foncières existantes. Estimant que 1,5 million de logements nouveaux sont nécessaires pour répondre aux besoins à horizon de 2030, Nicolas Sarkozy a affirmé que « l'obstacle n'est pas dans la rareté du foncier », mais dans « la réglementation ». Au moment où Louveciennes planche sur un nouveau plan d’urbanisme (PLU), on essaiera d’appréhender dans un prochain article les conséquences que pourraient avoir un changement du droit (cf « Le Grand Paris et nous » (4) ) ;
* un million d'emplois supplémentaires devraient être créés en vingt ans. Nicolas Sarkozy a souhaité la création de « pôles d'excellence à vocation mondiale » en Ile-de-France, notamment à la Défense (secteur financier), à Saclay (sciences et les technologies), au Bourget (aviation et tourisme d’affaires), la Plaine Saint-Denis (industries de la création et des arts numériques), le sud de Paris et Ivry-sur-Seine (biotechnologie ). Louveciennes ne fait pas partie de ces pôles de développement, en revanche leur accessibilité est essentielle ce qui pose la question des transports ; Louveciennes reste fondamentalement une commune résidentielle agréable à vivre ; hormis les emplois procurés par les commerces et les services de proximité, des initiatives innovantes sont cependant possibles (cf « Le Grand Paris et nous » (5).
Des réactions positivesLes réactions au discours ont été étonnamment favorables, à la fois dans les médias (de l’Humanité au Figaro en passant par Libération) et chez les politiques. Il est vrai que les sujets qui fâchent n’ont pas été abordés (compétences, finances…).
Le président socialiste de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, a dit réagir de façon « positive » aux annonces du chef de l'Etat, notamment sur le transport. « Je pense que c'est bien qu'on nous offre un véritable partenariat pour un système de transport qui fonctionnera avec, on l'espère, une échéance de dix ans ou moins », a-t-il déclaré. Mais « je suis un peu sur ma faim quant au mode de financement ». Même tonalité chez le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, qui a évoqué « une évolution positive qui marque presque une rupture avec ce que l'Etat faisait ces dernières années à Paris (…) Je crois à la sincérité des acteurs politiques et donc, si les moyens financiers pour le transport et pour le logement sont vraiment au rendez-vous, ce sera un changement notable ».
On notera qu’il existe une certaine convergence entre le projet de Schéma directeur de la région parisienne (SDRIF) approuvé par le conseil régional (majoritairement à gauche) et les projets sarkoziens, sauf peut-être sur le développement économique où les projets de l’équipe de Jean-Paul Huchon paraissent singulièrement en retrait (2).
Réflexions sur l’idée de « construire Paris sur Paris »
Parmi les nombreuses idées formulées par les dix équipes d’architectes et d’urbanistes, celle d’un Grand Paris compact, dense est la plus largement partagée, notamment par les politiques.
Nous emprunterons à Richard Rodgers et à son équipe leur plaidoyer en faveur d’une densification accrue.
« La compacité doit être la règle première de l’urbanisme contemporain. C’est un concept qui génère efficacité, interaction et urbanité.
Construire la ville - et la vie - sur la ville, c’est reconnaître la vraie valeur du terrain.
La proximité produit l’efficacité, l’interactivité et l ’échange. »
Cette proposition s’accompagne de la volonté d’introduire systématiquement du végétal dans la ville par de larges trames vertes, notamment par la couverture des voies ferrées et des autoroutes…
On apportera à cette proposition de « compacité » une objection d’importance : les architectes consultés ont laissé courir leur imagination en pensant aux vastes espaces planes de la région parisienne. Or Louveciennes est posée sur des coteaux (comme un certain nombre d’autres villes de la région parisienne). Cette topographie devrait logiquement conduire à un traitement particulier ; sur ce sujet nos architectes-vedettes sont muets et on peut le regretter ; il appartiendra dans ces conditions aux conseils oeuvrant, dans le cadre de la réflexion sur le PLU de Louveciennes, de faire des propositions intelligentes afin d’assurer au mieux l’intégration du bâti dans un environnement vallonné et vert.
Références
(1) Dix équipes d'architectes et d’urbanistes - six françaises (Christian de Portzamparc, Jean Nouvel, Roland Castro, Antoine Grumbach, Yves Lion, Djamel Klouche), une britannique (Richard Rogers), une allemande (LIN), une néerlandaise (Winy Maas), une italienne (Bernardo Secchi) – ont participé à la consultation sur l’avenir de la métropole parisienne. Les idées avancées sont souvent séduisantes, certaines discutables ou irréalistes mais toujours stimulantes. On ne peut que conseiller d’aller visiter l’exposition - jusqu’au 22 novembre 2009 - qui se tient à la Cité de l’architecture et du Patrimoine, au Palais de Chaillot, à Paris et de se plonger dans le très bel ouvrage publié par les éditions du Moniteur disponible sous le titre « LE GRAND PARI (S) - Consultation internationale sur l’avenir de la métropole parisienne.
(2) « Nicolas Sarkozy et le Grand Paris : une course sans faute ? », Le Monde du 12 mai 2009
Le quotidien dit « de référence » a également publié un article très critique d’Hervé Kempf sur Nicolas Sarkozy et ses projets sous le titre « Grand Paris, 4/20 » (10 mai 2009) ; Kempf, nouveau venu dans la rédaction, recycle les idées du « gauchisme/autogestionnaire » en les repeignant en vert.
(3) Le projet de SDRIF, adopté le 25 septembre 2008 par le Conseil régional, constitue un document de référence pour l’aménagement et le développement de la région.
« Pour favoriser l’égalité sociale et territoriale, anticiper les mutations climatiques et énergétiques, et développer le dynamisme et l’attractivité de la région, le Sdrif fixe plusieurs objectifs, dans une démarche globale de développement durable. Trois d’entre eux se distinguent :
- Création de 60.000 logements neufs par an : la Région souhaite fixer la moyenne des logements sociaux par commune à 30 % (23 % actuellement).
- Préservation des espaces agricoles et forestiers : plus des deux tiers de nouveaux logements devront sortir de terre dans l’agglomération parisienne. Préserver la biodiversité fait partie des critères qui ont permis d’établir une carte cernant les zones constructibles et limitant l’étalement urbain.
- Développement des transports en commun : une ville plus compacte nécessite des transports publics efficaces et une circulation automobile maîtrisée. Pour y parvenir, plus de 70 projets de transports en commun sont recensés d’ici 2030 dans le projet de Sdrif. »
Consensus brisé
Comme il fallait s'y attendre, la belle unanimité qui a suivi le discours du 29 avril 2009 du chef de l'Etat n'a pas résisté très longtemps.
C'est le projet de loi du Grand Paris (soumis en principe au Conseil des ministres du 7 octobre prochain) qui a mis le feu aux poudres.
Il prévoit la création d'un Etablissement public industriel et commercial (appelé "la société du Grand Paris") chargé notamment de la construction des infrastructures du futur métro automatique et de son financement.
Les élus de gauche craignent que cette loi "organise le retour en force de l'Etat" en restreignant les pouvoirs donnés par la décentralisation à la Région, au Syndicat des transports de la région parisienne et aux communes en matière d'urbanisme.
A suivre.
La rédaction
Rédigé par : La rédaction | 30 septembre 2009 à 14:26