Accrochées aux cimaises des grandes musées du monde, les œuvres des peintres impressionnistes montrent les images idylliques de notre région, à l’ouest de Paris. Nombreuses sont celles qui ont fait connaître à des millions de visiteurs les paysages de Louveciennes immortalisés par Monet, Pissarro, Renoir et Sisley, glorieux représentants d’un mouvement aveuglement discrédités dès ses premiers pas.
En effet, en quelques années, Claude Monet, Camille Pissarro et Alfred Sisley, en dépit de leur gêne financière, malgré leurs difficultés à vivre de leur art, dans la plus profonde détresse, surmontant leur désespoir, ont avec passion immortalisé les reflets changeants de nos routes après l’averse, les irisations du soleil hivernal sur la neige, les humeurs capricieuses du ciel de l’Ile-de-France.
C’est très vraisemblablement grâce à Auguste Renoir que Monet, Pissarro et Sisley, connurent Louveciennes. Tailleur à Limoges, Léonard Renoir avait dû quitter cette ville où le travail se faisait rare, il était « monté » à Paris avec sa famille pour tenter de survivre. Arrivé à l’âge de la retraite, se loger dans la capitale étant au-dessus de ses moyens, le père d’Auguste avait été contraint, comme tant d’autres infortunés, de se rabattre sur les logements précaires des banlieues éloignées, difficiles d’accès comme Louveciennes, ignoré du chemin de fer, et c’est certainement en venant voir ses parents, qu’Auguste découvrit le village et sa lumière si particulière. Il y vint donc, il y brossa quelques toiles, il convainquit ses camarades d’atelier de l’y suivre.
Camille Pissarro à Louveciennes
De nombreux documents précisent que Camille Pissarro vécut 22, route de Versailles, dans une grande maison voisine de l’ancienne demeure des Pages du Roi, face au débouché de le rue du parc de Marly. Arrivé au printemps de 1869, il n’en repartit qu’en juillet 1872 pour aller s’installer à Pontoise, après une coupure de quelques mois au moment de la guerre franco-allemande alors qu’il était aller chercher refuge en Angleterre et que les Prussiens occupaient sa maison, détruisant les nombreuse toiles que l’artiste y entreposait ainsi qu’une quantité de tableaux que lui avait confié Claude Monet, qui craignait une saisie de ses biens, afin de les mettre en sécurité. Nous relevons dans les archives communales, notamment celles de l’école publique, que Lucien, le fils aîné, a été régulièrement inscrit à l’école du village en 1870 puis à nouveau en 1872 ; les registres de l’état-civil enregistrent la naissance du second garçon, Georges, déclaré à la mairie le 22 novembre 1871.
Camille Pissarro devait peindre de nombreux tableaux de Louveciennes, particulièrement aux abords proches de sa maison. C’est, par exemple cette route de Versailles peinte par un beau jour d’hiver, ou cette image de l’intimité familiale nous montrant Julie, qui deviendra sa femme, et leur petite fille.
Camille Pissarro – La route par la neige, Louveciennes, vers 1872, Bührle Kollektion Zürich
Camille Pissarro – La route de Versailles, Louveciennes, 1870, Bührle Kollektion Zürich
Auguste Renoir n’habita pas de manière constante à Louveciennes, tout au plus il vint y passer quelques jours de temps à autre, sinon louer un logement pour l’été. C’est ainsi qu’il occupa, rue de Montbuisson, la demeure dont le jardin communiquait avec celui du Docteur Baudot, son médecin parisien qu’il avait convaincu du charme du village. Jeanne Baudot, la fille du docteur, s’intéressant à la peinture, Auguste Renoir lui prodigua de judicieux conseils et plusieurs toiles de cette artiste nous apportent la preuve que sa sensibilité personnelle profita avec bonheur de l’enseignement du maître.
Auguste Renoir, quoique le paysage ne soit pas son sujet préféré, nous laisse pourtant quelques toiles touchantes dont cette « Provende des poules » qui représente la maison où s’est retirée sa vieille mère, ici assise devant sa porte.
Auguste Renoir – Provende des poules, vers 1895, collection particulière
Alfred Sisley à Louveciennes
Si pour Auguste Renoir nous possédons des témoignages et pour Camille Pissarro des preuves administratives de son passage à Louveciennes, il n’en est malheureusement pas de même pour Alfred Sisley. Officiellement, si l’on peut dire, le domicile du peintre est uniquement attesté par une inscription écrite de la main de l’artiste, dans la marge de l’un des catalogues de l’exposition de 1874 : 2, rue de la Princesse à Louveciennes. En revanche, bien que l’urbanisation, dans ce cas particulier du moins, ait passablement altéré le paysage, il était tout à fait possible, il y a une cinquantaine d’année encore, d’affirmer sans risque d’erreur que le 2, rue de la Princesse se trouvait face au débouché du chemin de l’Etarché, et que le sujet de la « Rue de Louveciennes, le soir » était bien bien sa demeure de la terrasse de laquelle il avait pu peindre plusieurs vues de l’ensemble de l’entrée du chemin de l’Etarché.
Alfred Sisley – Une rue à Louveciennes, le soir, 1875, collection particulière
Alfred Sisley – Neige à Louveciennes, 1878, Musée d’Orsay
Claude Monet à Saint-MichelClaude Monet avait choisi le petit hameau de Saint-Michel, à l’écart sur les hauteurs de Bougival. Lui aussi vécut dans une misère noire. Généreusement Camille Pissarro, qui grâce à sa femme élevant poulets et lapins et récoltant des légumes dans son jardin, ne souffrait pas de la faim, prenait son pauvre camarade en pitié et lui permettait de survivre. Parfois Claude Monet installait son chevalet à côté de celui de Camille Pissarro, peignant le même motif que son ami ou à côté d’Auguste Renoir il illustrait la joie de la Grenouillère, dans le village voisin de Croissy.
Claude Monet – Bains à la Grenouillère, 1869, National Gallery, Londres
Edgar Degas
Edgar Degas, le misanthrope qui a horreur de la campagne, a passé un été 13, route de Versailles à Louveciennes.
S’il ne peignit jamais en extérieur, il se pourrait fort bien que les blanchisseuses du village aient été les modèles qu’il a immortalisés sur ses toiles.
Edgar Degas – La repasseuse, 1869, Neue Pinakotheke, Munich
Les sites peints, un siècle et demi plus tard
La comparaison entre le tableau peint par l’artiste et le motif est extrêmement intéressante. En même temps, cette comparaison suscite quelques réflexions.
D’abord, nous ne pouvons manquer d’être frappé par le fait qu’un nombre relativement important de sites aient peu changé au cours de ces cent cinquante ans depuis l’exécution de la toile. Il n’est, pour s’en convaincre, que de s’arrêter au milieu de la rue de Paris à Port-Marly, en faisant face au café-tabac « Le Brazza », ayant en main les reproductions des tableaux des inondations de 1872 et 1876 peints par Alfred Sisley : au-dessus du café, les fenêtres, les volets, les couvertures, les cheminées sont identiques à ceux des tableaux, ou de cette « Rue du village ou rue de Voisins ». Et ceci n’est qu’un exemple entre tant d’autres, tout aussi évidents.
Alfred Sisley – La barque pendant l’inondation, 1876, Musée d’Orsay
Camille Pissarro – Rue de village ou rue de Voisins, 1871, City Art Gallery ManchesterLes Impressionnistes, certainement influencés en cela par la photographie naissante, peignaient avec précision. Toutefois, si parfois, nous hésitons, nous demandant pourquoi la ressemblance n’est plus aussi parfaite, la perspective moins convaincante… c’est que nous oublions que pour peindre en plein air, l’artiste, assis sur son pliant ne perçoit plus, comme vous, les choses « à hauteur d’œil » ou bien que, peignant de chez lui, il domine le motif.
Jacques et Monique Laÿ
A l’intention des visiteurs
Bonjour. Sait-on maintenant quand le deuxième tome de "Louveciennes mon village" paraîtra?
Rédigé par : Pascal | 24 janvier 2010 à 10:37
Jacques et Monique Laÿ sont en plein travail de relecture (et de rédaction de quelques compléments). Aucune date de publication n'est pour le moment arrêtée.
Rédigé par : La rédaction | 12 février 2010 à 18:52
La commune de Louveciennes a adhéré à l'association "Eau & Lumière" qui a pour ambition de fédérer sur le territoire français toutes les collectivités souhaitant valoriser "le patrimoine impressionniste" (quelques villes étrangères comme Londres et Venise ont également été sollicitées).
Le premier objectif de l'association consistera en la reconnaissance par le Conseil de l'Europe de ce "patrimoine impressionniste" comme label européen et à son classement comme "itinéraire culturel d'Europe".
Le second objectif sera une inscription possible au patrimoine culturel de l'Humanité géré par l'UNESCO.
Rédigé par : La rédaction | 25 mars 2010 à 14:34