Convictions et engagements d’abord au MRP puis dans le parti gaulliste
Dans le précédent article, nous avons suivi l’action de Jean-Paul Palewski à Louveciennes, d’abord comme Président du Comité local de Libération local puis comme maire. Dans un environnement toujours aussi difficile (ravitaillement aléatoire, excès de l’épuration, lutte pour le pouvoir engagé avec le parti communiste…) nous verrons maintenant, toujours sur la base de ses Mémoires – non publiés – son engagement politique d’abord au Mouvement républicain populaire (MRP) puis à partir de 1947 au parti gaulliste (sous ses différentes appellations).
Photo Remise du diplôme « Prestige de la France » à la ville de Louveciennes. A droite : Jean-Paul Palewski.
Christianisme social
« Les convulsions qui agitaient alors la France entière, et dont les remous montaient jusqu’à nous avec une odeur de sang qui soulevait les cœurs, traduisaient un désarroi général. Pour les uns le déchaînement des haines et de la terreur après la Libération n’était qu’une expression révolutionnaire qui entraînait la France vers une dictature que repoussait la majorité de nos concitoyens ; pour les autres, c’était une occasion de frapper à mort toutes les élites, toutes les autorités sociales, toute la bourgeoisie à laquelle ils imputaient une trahison et une complaisance vis à vis de l’occupant ; cela rappelait les pires accusations proférées au temps de la Commune. Les plus purs devenaient suspects. Le Préfet Léonard subissait le contrecoup de ces désordres au comité départemental de Libération devant lequel le Président Serge Lefranc, communiste, proférait les pires insultes et les pires accusations. À Louveciennes, les éléments gauchisants commençaient à m’accuser de dictature quand je parlais de maintenir l’ordre et la liberté pour chacun de s’exprimer. Partout c’était le même conflit et il fallait une diplomatie, une souplesse et une énergie jamais relâchée pour maintenir fermement l’autorité de chacun dans sa sphère.
L’engagement au MRP
« Par la presse, par les tracts, j’avais appris la formation d’un mouvement républicain populaire dont l’action paraissait proche de mes idées. À la fin de l’automne 1944, j’allai au siège qui était alors rue Saint-Lazare, au coin de la rue Taitbout, si mes souvenirs sont exacts. C’était dans un vieil immeuble, au haut d’un escalier noir dont les marches étaient usées, dans un appartement dont les pièces étaient pour la plupart dans l’ombre, que se tenaient les secrétaires du mouvement. Quand je fus inscrit, on me demanda à quelle fédération je voulais appartenir : Paris où j’avais mon cabinet ou la Seine-et-Oise où j’avais mon domicile. J’optai naturellement pour la Seine-et-Oise. Peu après la Fédération de Seine-et-Oise eut son propre siège près de la gare du Nord, rue Saint-Quentin ; Maurice Carite en était le Secrétaire général.
Le dimanche 25 février 1945, le MRP tenait à Versailles une grande réunion publique ; nous étions attendus. « Cher Citoyen - m’écrivait un Percepteur honoraire de Versailles - tous mes compliments pour la grande part que vous prenez à la réunion du MRP annoncée dans notre ville pour le dimanche 25. Je vous attendais, ainsi que beaucoup d’autres républicains, et je vous prédis un fier succès. Je vous assure de tout mon dévouement et je vous serre cordialement les deux mains ». La réunion se déroula avec un grand succès. Je n’ai plus gardé le souvenir de tous ceux qui prirent la parole à cette occasion, mais je reçus des lettres enthousiastes. Une dame versaillaise m’écrivait qu’elle « avait déploré amèrement autrefois la condamnation du Sillon, de Marc Sangnier, inspirateur du MRP», et me remerciait des paroles vibrantes que j’avais prononcées : « Je vous ai entendu avec jubilation déclarer qu’il fallait substituer à la notion de liberté telle qu’elle était comprise en 1789, c’est-à-dire purement individualiste, une autre conception plus large, celle de la liberté dans la fraternité, sentiment qui associe à la première une idée de collectivité et exige le respect de la liberté des autres. Or, à par moi, je déplorais que cette idée de fraternité ne soit, hélas, jamais prêchée ni développée, pas même dans les chaires chrétiennes où l’on parle beaucoup de charité (trop souvent confondue avec l’aumône) et jamais de justice et de fraternité… Libérer l’homme de l’esclavage, de la machine et de l’argent, c’est un noble but, c’est celui du MRP…. ». Mais sceptique elle ajoutait cette phrase que l’on peut encore méditer aujourd’hui : « Que peuvent les meilleures lois et les meilleures institutions quand la masse des citoyens ne songe qu’à s’y soustraire et à en fausser le fonctionnement ? Qui rendra à cette masse l’âme et la conscience que le matérialisme athée du 19ème siècle lui a fait perdre ? Comment l’arracher aux jouissances grossières et faire pénétrer en elle le souffle spiritualiste qui anime et soutien votre mouvement ? J’ai grande peur qu’elle soit à l’heure actuelle totalement incapable de vous entendre. À mon sens, c’est justement la petite bourgeoisie dont Monsieur Bichet a fait l’âpre et sévère critique qui serait la mieux préparée à vous comprendre et à vous suivre. Elle est dans notre pays l’échelon intermédiaire entre le travailleur manuel et l’élite intellectuelle qui se recrute dans ses rangs. Elle est avec la paysannerie l’élément stable de la nation et il faut bien quelques pièces fixes dans le mécanisme du mouvement le plus vertigineux ». Elle signait : « Une vieille versaillaise - L.S. Versailles, le 1er mars 1945 ».
Et toujours des difficultés de ravitaillement
« L’hiver 1944-1945 fut encore très dur à supporter. Le ravitaillement en denrées alimentaires, en charbon, en essence, demeurait très strictement limité. Si le jardin n’avait pas fourni des légumes en suffisante abondance, si la forêt ne nous avait pas donné du bois mort, je ne sais comment les enfants auraient pu supporter ces rudes privations. On vivait avec l’espoir d’une amélioration prochaine, mais nous nous rendions compte que le retour à l’abondance serait lent, qu’il fallait reconstruire tous les équipements collectifs du pays, car les destructions étaient immenses, que cela exigeait beaucoup de temps, de patience, d’efforts, et qu’il valait mieux sacrifier le bien-être individuel à la résurrection de notre patrie. La tâche de ceux qui avaient la charge du ravitaillement était hérissée de difficultés ; dans les régions, les Commissaires de la République s’efforçaient de faciliter l’approvisionnement des villes car, dans les campagnes, s’il y avait pénurie des produits nécessaires à l’agriculture, outils, semences, engrais, la terre, la bonne terre nourricière parvenait encore à nourrir ses habitants. Dans les villes où toutes les activités collectives avaient été interrompues par la guerre, où celles qui étaient encore vivantes demeuraient soumises aux obligations imposées par l’occupant, il fallait reconstituer les cadres d’une vie collective. De plus, l’épuration privait l’administration de certains éléments qui, soit par haine politique, soit fâcheusement entraînés soit par calcul, avait fait le jeu du gouvernement de Vichy. Pour reconstituer les comités, les cadres, on faisait appel à tous ceux dont la conduite nous avait entraînés vers la victoire finale et qui pouvaient avoir quelque attache avec l’objet même de ces multiples groupements d’hommes. Dans les premiers mois de l’épuration, j’avais été sollicité de prêter mon concours à cette œuvre de réconciliation nationale et de remise en ordre. La Saint-Cyrienne, par exemple, avait été durement éprouvée et j’acceptai de faire partie d’un comité renouvelé aux côté de camarades qui avaient donné l’exemple du plus pur patriotisme : Michel Dansac et plusieurs autres camardes de l’armée secrète m’avaient demandé mon concours. »
Divorce consommé avec le Comité local de Libération
« J’essayai d’adoucir la peine des familles de ceux qui ne reviendraient pas et d’aider matériellement tous ceux qui avaient si atrocement souffert pendant les années de l’occupation. Toute cette remise en ordre qui ne pouvait s’effectuer que lentement, avec tact, avec douceur, avec compréhension, suscitait, je dois le dire, des sentiments divers chez ceux-là même qui m’avaient triomphalement acclamé. Ils étaient impatients, transportés par des sentiments de vengeance qu’ils ne parvenaient pas à maîtriser. Le moindre geste de délicatesse humaine suscitait en eux la crainte d’une véritable complicité avec ceux qu’ils considéraient non pas comme des citoyens malheureux, même coupables, mais comme des ennemis qu’il fallait exterminer. Il fallait de longs palabres pour les amener à la raison ; à l’issue de ces séances, qui parfois étaient épuisantes, je savais bien que non seulement je ne les avais pas convaincus, mais qu’ils me gardaient une sourde rancune de les accuser de dureté et de vengeance. Président du Comité local de Libération, j'en étais réduit à convoquer de moins en moins fréquemment ce comité, qui prétendait s’ériger en censeur des décisions du Conseil municipal, et même à refuser d’assister à leurs séances. Entre eux et moi le divorce devenait total ; j'avais la charge d’administrer une commune, d’œuvrer pour tous, de réconcilier les Français, mais non point celle d’être l’exécuteur des basses œuvres. La leçon que je tirais de ces luttes pénibles, harassantes, fut que les passions populaires devaient nécessairement être dirigées et contenues, car le peuple a le sentiment profond de ce qui doit être obtenu, mais il n’a pas le sens des moyens à employer pour y parvenir et il se laisse aller trop aisément à suivre les impulsions les plus extrêmes plutôt qu’à écouter la voix de la sagesse. J’allai bientôt vérifier combien ces observations trouvaient leur champ d’application sur un terrain national. Il était indispensable de lutter pour que la majorité de l’Assemblée exprimât les vrais sentiments de la majorité de nos concitoyens. Ce fut dans cet état d’esprit que j’abordai la campagne électorale pour l’élection de la première Assemblée Constituante. »
Tradition politique familiale
« J’étais donc entraîné dans la lutte politique, mais j’en éprouvais quelques scrupules. D’abord, parce qu’en vertu d’une tradition familiale mon père m’avait toujours appris le dédain de ces joutes oratoires et de ces rivalités d’intérêts ; ensuite, parce que j’avais trop présent à l’esprit le souvenir des luttes politiques d’avant-guerre, des scandales qui s’étaient étalés au grand jour : l’affaire des bons de Bayonne et Marthe Hanau, le scandale Stavisky qui éclaboussait tant de parlementaires, la mort du conseiller Prince, retrouvé assassiné près de la voie ferrée de Paris à Lyon. Il m’avait semblé un moment que l’opinion publique, exaspérée par tant de boue, se soulevait pour obtenir plus de propreté, plus de continuité, plus de volonté saine dans la gestion des intérêts publics, et que le mouvement des Croix de Feu exprimait cet obscur sentiment d’un nettoyage indispensable parmi les hommes et d’un redressement de la conduite nationale. Mais les Croix de Feu n’avaient pas entraîné le peuple qui craignait de perdre sa liberté. Je me souvenais des journées de février 1934, de la tentative avortée de Doumergue, et puis cet affaissement de la conscience nationale. Je me demandais s’il m’appartenait bien à moi, dont les hérédités plongeaient dans une terre étrangère, d’interpréter la volonté d’une fraction, fut-elle aussi étendue que possible, d’un corps électoral que je connaissais mal et de lutter pour des idées et des idéaux que j’interpréterais peut-être avec mon tempérament, mon ardeur, mes sentiments instinctifs, nourris par un amour passionné d’une terre, mais aussi par le souvenir de celle qu’avait connue mes ancêtres. Ce sentiment, ces scrupules, profondément ancrés au fond de moi-même, me faisaient hésiter parfois mais je me sentais entraîné, bousculé par le besoin d’agir, de me donner aux autres et de servir ma Patrie, ce qui emportait toutes mes résistances, tous mes atermoiements, toutes mes hésitations. La Fédération du MRP de Seine-et-Oise m’ayant élu comme président, je devais me présenter ; c’était une conclusion logique à laquelle je ne pouvais que souscrire, d’autant plus que je pourrais de la sorte défendre des idées et des thèses qui m’étaient chères, la liberté religieuse, la liberté et la dignité personnelles de l’homme sur le plan des institutions et participer de toutes mes forces à la reconstruction du pays par une bonne et honnête gestion administrative. La France était encore trop bouleversée, son peuple trop déchiré pour que je puisse me dérober à ce qui était un devoir. Il fallait vaincre et reconstituer l’unité nationale (…) »
Eloignement de la mairie de Louveciennes (1947) et démission du MRP
« Au lendemain des élections municipales, lesquelles eurent sur le plan local pour conséquence de m’éloigner de la mairie de Louveciennes par le jeu d’une coalition entre catholiques, pétainistes et gauchistes divers, je pris la résolution sur le plan politique de rendre publique ma réprobation contre les méthodes employées par les chefs du MRP qui refusaient tout rapprochement avec le Général de Gaulle. Je fis une déclaration au Figaro qui fut publiée le 21 octobre 1947 sous le titre : « Premières réactions du Palais Bourbon ». « Nous sommes nombreux à avoir adhéré au MRP au jour de la Libération, parce que doctrine et programme nous paraissaient correspondre aux aspirations profondes de millions de Français. Je crois que sur ce plan supérieur le MRP continue à traduire ces aspirations. Mais, depuis presque un an, à l’intérieur de notre groupe parlementaire, nous avons, soit par nos votes, soit par des conversations et des discussions, manifesté notre réprobation devant les méthodes employées par certains de ceux qui s’étaient donné mission de conduire le Mouvement.
Nous avons même rendu public ce désaccord dans plusieurs votes à la tribune du Parlement. Par loyauté vis-à-vis de nos amis et surtout vis-à-vis du corps électoral dont nous sommes les mandataires et qui ne s’était pas exprimé, nous nous sommes inclinés devant le barrage évident établi à l’intérieur même de notre groupe contre nos tendances.
Il ne peut plus en être de même aujourd’hui. La France s’est prononcée. Nous pensons qu’un changement d’hommes et de tactique est indispensable pour maintenir l’intégrité de la doctrine du MRP.
C’est pourquoi je vais demander au président de notre groupe de faire désigner par le Conseil politique, sans plus attendre, quatre ou cinq d’entre nous pour élaborer des modifications intérieures et assurer les liaisons extérieures qui s’imposent ! ». (C’est ici que se terminent les extraits des Mémoires de Jean-Paul Palewski).
Photo : Déjeuner des Anciens en Mairie présidé par Jacques Tassin, maire de Louveciennes. A sa gauche, Julien Cain, à droite, on reconnaît Jean-Paul Palewski.
Ses responsabilités au plan national
Après avoir été membre des deux assemblées constituantes (1945-1946), il fut élu député de la deuxième circonscription de Seine-et-Oise (celle Saint-Germain en Laye) en 1945, sous l'étiquette du MRP, puis réélu en 1951 sous l'étiquette du RPF, en 1958 et 1961 sous l'étiquette de l’UNR, et en 1967 député UDR de la deuxième circonscription des Yvelines et réélu en 1968 et 1973. Il fut également le premier président du Conseil général des Yvelines de 1968 à sa mort.
A propos des Yvelines, on n’oubliera pas la part qu’il a pris en juin 1964 à la naissance des nouveaux départements de la région parisienne. Le nom de notre département n’avait pas encore été choisi. À l’issue d'une séance de l'Académie de Versailles, Jean-Paul Palewski évoque les différents choix possibles et notamment celui de département de Versailles. Jehan Despert, poète, l’estimant trop restrictif, lui souffle alors l’idée de choisir « Yveline », dénomination du massif forestier de la région d'où partent toutes les rivières et cours d’eau. Et pour le rendre plus chantant ajoutez-lui un « s » conseille Jehan Despert. L’idée du poète a séduit. Les Yvelines se conjuguent au pluriel.
Pour notre département deux possibilités s’offraient aux députés : rester dans la notion de vallée en l’appelant « Val de Seine » ou plus simplement du nom de la ville préfecture « Département de Versailles ». Ni l’une ni l’autre ne convenait. Premier orateur inscrit dans le débat à l’Assemblée Nationale Jean-Paul Palewski propose le 11 juin 1964 que la préfecture du nouveau département, qu’il souhaitait voir appelé « Yvelines » soit installée à St Germain ; quant à Versailles, cette ville devait devenir la capitale de la région parisienne et accueillir le siège du District avant la création du conseil régional en 1976, et faire ainsi équilibre à la capitale proprement dite. Sur ces derniers points, il ne convaincra pas ses collègues de l’Assemblée.
Son éloge funèbre par Edgar Faure, Président de l’Assemblée nationale
On terminera cette évocation, par des extraits de l’éloge funèbre prononcé par Edgar Faure, président de l’Assemblée nationale :
« Jean-Paul Palewski a écrit dans ses mémoires, non publiés, sous le titre : « Prenez, je vous offre ma vie », cette phrase faite de fidélité et de fierté, qui peint bien le caractère à la fois pudique et passionné de son auteur : « Si, je suis français de tout mon corps et de toute mon âme, je n’ai jamais oublié les plus lointains de mes ancêtres, et j’ai orienté ma vie pour m’acquitter d’une double dette envers la France et envers la Pologne ». Il a ainsi montré qu’on peut concevoir un double attachement patriotique, tenant l’un aux racines culturelles et historiques, l’autre à une option de citoyenneté. »
Engagé volontaire dans l'infanterie en 1916 au titre d'élève de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr. « Ici se dénote un trait de caractère de notre collègue, qui était la tendance à se dépasser, voire à se contredire, au nom d’une exigence intérieure, qu’inspirait au surplus le désir émouvant de se solidariser, de s’enraciner plus profondément encore dans l’humus français. »
« Passionné de voyages, tout à la joie de la découverte, apôtre de la francophonie, il fut un véritable ambassadeur extraordinaire de notre pays, notamment en Pologne, où il était extrêmement connu. Dans toutes ses activités et dans toutes ses missions, Jean-Paul Palewski démontrait une capacité d'accueil qui illuminait tous ceux qui l’approchaient. Mais cet enthousiaste était aussi un technicien (…) Sa fonction de président de la commission nationale des secteurs sauvegardés nous mène à ce qui fut l’une de ses plus belles passions, celle qu’il éprouva, et de plus en plus, au soir de sa vie, pour cette région de France au cœur de laquelle, dans une ancienne ferme, il avait su, à Louveciennes, aménager une admirable propriété de famille, un de ces lieux comme on en voit dans les toiles de Pissarro ou Monet. Élu en 1967 conseiller général du canton de Saint-Germain Nord, et porté à la présidence du conseil général des Yvelines, réélu constamment depuis, il avait consacré, dès lors, une grande part de son énergie à cette province dont il était fier et qui risquerait bientôt d'être bien peu provinciale, si on ne la protégeait du monstre urbain, elle qui depuis toujours province française par excellence, celle qui a donné son nom à notre pays, l’Ile de France. Jean-Paul Palewski aimait à en évoquer les plus nobles figures au cours de conférences, comme celles qu’il consacra au « Beau Dunois, bâtard d'Orléans », à « Péguy et l’Ile de France » et aussi, étendant son horizon de biographe à « Lazare Hoche », au « Maréchal Lyautey », à « Henri Bremond ». Sur Louveciennes même, Jean-Paul Palewski avait publié un livre d'histoire, ouvrage poétique et débordant d’émotions. Son action pour sauvegarder ce noble lieu et l’embellir a suscité de ses concitoyens une reconnaissance durable, dont le plus émouvant témoignage fut donné par l'assistance nombreuse qui se pressait à ses obsèques, en cette froide matinée du 14 décembre 1976.
Avant de prendre congé de cette noble figure, je voudrais citer un trait de son action publique, qui peint tout entier l'homme qu’il était, chargé de souvenirs, et pourtant si attentif au monde de demain. En tant que président du conseil général des Yvelines, il avait organisé, en janvier 1975, une séance spéciale de son assemblée pour les lycéens du département. Cet homme qui ne comptait pas moins de vingt petits-enfants, ne se lassait pas de rencontrer la jeunesse. Ses facultés d'émerveillement et de renouvellement demeuraient juvéniles, témoins ce roman non encore publié, qu’il avait écrit dans la dernière année de son existence, sous un titre symbolique et pour lui parfaitement pensé : « Tout est fini, tout recommence ». Dans ce livre, notre collègue s'adresse justement aux nouvelles générations. Il prête à son héros ces paroles : « Il faudra répondre à l'appel de ces jeunes, satisfaire leurs besoins. Qu'allons-nous leur offrir ? Quelle forme de vie sociale et familiale ? De quels rêves allons-nous pouvoir nourrir leur imagination, leur générosité ou même leurs instincts de violence ? Comment étancher leur soif de passion, de pensée, de savoir ? C’est vrai tout finit un jour, et puis tout recommence ». Il n’avait pas oublié la leçon de son maître Henri Bremond, qui aimait lui-même à rappeler qu’il n’y avait pas de souffrance perdue. C’est sur ce message d’espoir, de confiance en l’avenir que nous quittons Jean-Paul Palewski, en cette fin de l’année 1976. À sa famille, à son groupe, à ses amis si nombreux de partout, j’offre les condoléances très émues de l'Assemblée nationale. »
Merci, pour cette série d'articles !
Rédigé par : Raphaël. | 15 août 2011 à 23:37