Entretien avec Pierre-François Viard, conseiller municipal d’opposition, chef de file du groupe Osons
La Tribune de Louveciennes - Sur le devenir de Villevert, votre position se dissocie très nettement de celle du Maire et de l’opposition socialiste qui privilégient l’option économique. Celle-ci apparaît a priori séduisante car elle favoriserait l’emploi et éviteraient les conséquences jugées négatives d’un nouveau quartier d’habitation excentré. Quels sont vos arguments ?
Pierre-François Viard (PFV) - Villevert constitue une opportunité unique pour Louveciennes et non un handicap. Nous avons toujours prôné un quartier mixte et ouvert. Les bonnes questions à se poser pour évaluer l'intérêt du projet proposé par la mairie sont les suivantes : ce projet est-il un projet viable, réaliste, mixte, réversible (c’est-à-dire adaptable) ? Ce projet est-il profitable pour Louveciennes en termes d’environnement, de qualité de vie et d’un point de vue économique ? Ce projet remporte-t-il l'adhésion de tous les acteurs ?
Le projet mixte que nous proposons permettra de maîtriser l'urbanisation générale de Louveciennes et de limiter une densification excessive en centre-ville et sur les Plains Champs. On ne peut rester sur une position aussi tranchée que celle du Maire, Il faut un quartier à composition mixte où tout est imbriqué, des logements, des commerces, des équipements, toutes les villes sont bâties sur ce modèle.
Louveciennes n'a rien à gagner d'un rapport frontal avec l’Etat mais a plutôt intérêt à négocier. L’Etat, par un courrier adressé au Maire et à ses conseillers, a fait connaître son désaccord avec le projet émis par la mairie pour faire de Villevert un pôle économique. L'État souhaite, sur ce site, un projet équilibré associant logements et activité économique. Ce courrier est resté sans effet car la mairie persiste dans son choix ne voulant pas prendre en compte l’avis de la préfecture.
Les risques encourus pour Louveciennes sont de deux ordres. Premièrement, l'État peut ne pas donner son agrément au PLU présenté par la mairie et deuxièmement, l'État a un droit de préemption sur la vente des terrains.
Osons défend l'idée qu'il ne faut pas perdre la main sur Villevert. Pour nous, il est important d'arriver à un consensus avec les services de l'État au risque de se voir imposer par l'État un nombre de logements plus important sans notre aval, plus que les 100 logements corollaires envisagés actuellement dans le PLU . Ce surplus s’ajoutera alors aux nombreux logements déjà prévus sur Louveciennes
Actuellement les orientations évoquées par l'État ne précisent pas le nombre de logements à construire sur Villevert.
Une étude a été mandatée auprès de la Société Yvelines Aménagement pour étudier la rentabilité financière d’un aménagement en prenant plusieurs hypothèses sur le nombre de logements. Les résultats de cette étude incomplète ont fait l’objet d’échanges au Conseil municipal mais n’ont malheureusement pas été rendu publiques pour être étudiés par tous les membres du Conseil et les Louveciennois.
L'État a fait connaître son avis sur l'orientation de Villevert et rien ne se débloque, la mairie fait preuve d'un attentisme persistant depuis de nombreuses années. Ce dossier est plein d’inconnues, nous avons peu d’informations, le maire en fait sa « chasse gardée ». Il faut poursuivre la réflexion.
PFV - Tant que les divergences actuelles sur l’avenir de Villevert subsistent, il faut repousser l’approbation définitive du PLU et poursuivre la réflexion, il faut aboutir à un consensus. Pourquoi ? On va tout figer alors qu’il faut absolument garder la main sur Villevert. Sinon, nous avons un risque sérieux de nous voir imposer dans l’avenir un nombre excessif de logements. Il y a actuellement une poussée en faveur de la construction de logements qui vient des pouvoirs publics notamment en Ile-de-France, et s’il y a un changement de majorité au niveau national, le pourcentage de logements sociaux pourrait bien passer de 20 à 30 % dans une loi SRU modifiée. M. le maire peut alors se trouver à l’avenir devant des interlocuteurs beaucoup moins compréhensifs
Pour nous, tout est lié. Villevert impacte le devenir de la ville. Il ne faut pas traiter Villevert indépendamment du reste. Il faut avoir une vision globale de la ville. Plains Champs pose d’ailleurs les mêmes problèmes que Villevert en termes de circulation, de stationnement à la gare, d’équipements publics…On ne peut donc approuver le PLU en restant dans le vague sur Villevert, ce qui est le cas actuellement. Ce n’est pas acceptable.
Sur la zone actuellement urbanisée de Louveciennes, votre analyse du projet de PLU conduit à plus de 700 logements supplémentaires alors que le Maire prévoit 500 logements, soit 1 500 habitants supplémentaires et un optimum pour Louveciennes de 9 000 habitants. Comment arrivez vous à des chiffres si différents de ceux du maire ?
PFV - L’objectif affiché par le Maire est de faire passer la population de Louveciennes de 7 400 à 9 000 habitants en proposant 510 logements supplémentaires. Il est fort probable que cet objectif soit largement dépassé. Déjà un certain nombre de projets en cours, ne sont curieusement pas repris dans le PLU : les Tennis de Voisins, les Jardins Gaudet qui s’inscrivent dans l’actuel Plan d’occupation des sols (POS) ; d’autres seront permis par le PLU (Cœur volant, La Collinière, …). On devrait être plus proche de 700 logements que de 510 logements. Par ailleurs, la suppression de la taille minimale des parcelles, l’augmentation du Coefficient d’occupation des sols (COS), le changement de zonage et l’augmentation de la taille des familles occupant les grands logements résidentiels entrainera vraisemblablement une hausse de 10 à 20 % de la population actuelle et ceci sans tenir compte du fait que l’avis défavorable de la préfecture sur Villevert amènera à revoir le nombre de logements prévu sur ce site (actuellement les 100 logements corollaires).
On sera à terme plus proche de 11 000/12 000 habitants que de 9 000 habitants.
La densification générale, en particulier dans les quartiers anciens, apparaît excessive dans les secteurs à enjeux et les pôles de centralité. Cette densification entrainera une augmentation importante de la population alors que les infrastructures sont inadaptées. La voirie trop étroite constitue une contrainte physique incontournable et ne peut accueillir une augmentation des flux de véhicules ; les places de stationnement sont insuffisantes en nombre que ce soit dans les rues ou dans le parking de la gare, déjà saturé ; aucune réserve foncière n’a été faite pour recevoir les équipements nouveaux (stade, gymnase, écoles,…).
La qualité du cadre de vie va inévitablement se détériorer. On constate la suppression de plusieurs espaces boisés ou verts importants (Plains Champs, Cœur volant, Avenue Saint Martin, Rougemont, jardins Gaudet…), la suppression des surfaces minimales des parcelles va mécaniquement réduire les jardins et autres îlots de verdure. Des espaces de verdures sont rendus constructibles : le bas du parking Montbuisson, le bas de la résidence du Val de Seine, le bas de la propriété du Maréchal Joffre,… Les finances de Louveciennes vont également être affectées par les coûts des équipements nouveaux alors que la commune reste très endettée. On peut regretter d’ailleurs que le coût des projets ne soit pas présenté dans le rapport du PLU.
L’étude d’urbanisme relative au secteur des Plains Champs arrive maintenant dans sa phase définitive. Votre groupe a manifesté au départ une opposition plutôt frontale au projet pour vous résoudre par la suite à l’accepter. Est-ce le résultat de la concertation menée par l’équipe municipale en particulier par Anne-Laure Pozzo-Deschanel ?
PFV - J’ai des échanges intéressants avec Mme Pozzo-Deschanel et certains membres du groupe majoritaire du conseil municipal. Je ne suis pas et n’ai jamais été dans une opposition systématique mais plutôt dans une démarche critique et constructive.
L’opération des Plains Champs reste à préciser car elle ne tient pas compte du site et de l'environnement existant. Elle a été sortie du PLU et relève du code de l'urbanisme. La municipalité s'est attachée les services d'une « centrale de promotion » qui a proposé un projet massif avec des immeubles de hauteur. Ce nouvel ensemble a été entièrement axé sur la RN 186. Il n'a été tenu compte ni du site en coteau, ni de l'environnement pavillonnaire déjà existant. La commune étant le seul propriétaire du terrain, les travaux de viabilisation vont amputer le montant de la vente du terrain.
Le coût global du projet a été évalué grossièrement et demanderait à être précisé. Nous ne sommes pas à l’abri de surprises.
Le risque de saturation du centre-ville - saturation due aux nouveaux habitants des Plains Champs qui viendront prendre leur train à la gare de Louveciennes – n’a pas été vraiment abordé dans le projet. Or le maire s'appuie sur la saturation du quartier de la gare pour refuser la construction de logements sur Villevert. Il l’a encore redit lors de son allocution des vœux 2012. Ce qui est sans conséquence pour les Plains Champs avec un projet de 150 logements devient pour la mairie la première raison pour laquelle un projet mixte et équilibré n'est pas possible sur Villevert !
Certains à Louveciennes vous reprochent d’avoir une attitude souvent négative sur les projets du Maire. On aimerait vous entendre sur votre conception d’un PLU réussi.
PFV - Si je n’adhère pas à certaines propositions présentées par la mairie, c’est uniquement parce que les propositions faites ne sont pas assez précises (aspects techniques et financiers) pour être retenues en l’état.
En effet, je n’ai pas la même conception du PLU que la mairie.
Pour répondre à votre question, pour Osons le PLU n’est pas seulement un cadre réglementaire obligatoire. C’est avant tout un document stratégique qui fixe l'évolution de la ville pour les 20 années à venir. C’est une vision d’avenir qui implique tous les quartiers. Or à ce jour, le PLU n’a pas été utilisé et n’est pas utilisé comme il devrait l’être.
Les Louveciennois ont clairement exprimé leur souhait pour un développement qui s’accompagne d’une qualité de vie pour les habitants et d’une maitrise des coûts pour les dépenses de la commune.
Deux points sont essentiels pour réussir à concrétiser ces objectifs :
1) Il faut savoir que le PLU ne rassemble pas tous les projets : le développement de certains quartiers s’inscrit dans d’autres procédures comme le POS (pour les Tennis de Voisins, les Jardins Gaudet…), et le code d’urbanisme (pour les Plains-Champs)….
Pour Osons, cette diversité de procédures ne doit pas nuire à une vision globale du développement de Louveciennes.
2) Il n’est pas certain (en raison de l’opposition de l’Etat) que le projet de Villevert présenté dans le plan soit celui qui sera mis en œuvre sur le site, ce qui aura un impact sur l’ensemble de la commune. Notamment pour les logements et la qualité de vie pour l’ensemble de la commune.
Pour Osons, on ne peut approuver le PLU alors que le projet de Villevert est opposable.
Beaucoup de gens se sont impliqués dans la procédure du PLU, le Plan d’aménagement et de développement durable (PADD) a fait notamment l’objet d’un travail considérable. Il serait dommage, voire préjudiciable, de ne pas apporter les études complémentaires nécessaires à la finalisation de certains projets.
Pour Osons, chaque projet de développement d’un quartier doit contribuer à apporter quelque chose de positif à l’ensemble de la commune.
(Entretien recueilli par FK vendredi 20 janvier 2012)