… Joana Vasconcelos au Château de Versailles
« Une artiste femme à Versailles qui travaille sans prétention et avec attention à créer du merveilleux avec une dimension politique, ce n’est pas normal… c’est révolutionnaire ! » Fabrice Bousteau, Beaux Arts Magazine
L’artiste
Joana Vasconcelos est née à Paris en 1971. Elle est d’origine portugaise et travaille à Lisbonne. Elle s’est notamment fait connaître à la Biennale de Venise en 2005 où elle présenta un lustre monumental de 6 mètres de hauteur et de 3 mètres de diamètre intitulé : « A Noiva » soit « La Fiancée » composée de 25 000 serviettes hygiéniques. Il semble que la direction du château n’en ait pas voulu. Cette œuvre est actuellement exposée au Centquatre, 104 rue d’Aubervilliers 75019 Paris jusqu’au 18 septembre 2012.
Elle utilise souvent des objets du quotidien pour en détourner le sens. Cette pratique est courante depuis 1917, date à laquelle Marcel Duchamp exposa un urinoir qu’il intitula « Fontaine ». Le geste était provocateur et d’ailleurs fit scandale. La démarche est ici inverse. L’utilisation de couverts en plastique, de casseroles en inox… accompagne une recherche esthétique évidente. D’autre part, les techniques employées sont artisanales et le plus souvent manuelles à l’inverse, par exemple de Andy Warhol qui, dans sa « Factory », utilisa surtout des procédés industriels.
Les œuvres
Parmi les œuvres exposées on peut distinguer :
- Salon de la Guerre : Coraçâo independente Preto (2006) soit « Cœur indépendant noir »
Couverts en plastique, fer peint, moteur assurant la rotation du cœur sur lui-même, sonorisation (383x222x70).
L’artiste s’est inspirée d’un bijou traditionnel portugais. Il rappelle également les bijoux de deuil portés en France au 19ème siècle. L’utilisation du noir fait écho au nom donné à la salle qui lui sert d’écrin soit le « Salon de la Guerre ». Enfin bien des visiteurs passeront sous ce lustre sans relever qu’il est fait de couverts en plastique, l’objectif de l’artiste n’est pas de choquer mais d’accompagner le public dans sa (re)découverte du château.
- Galerie des Glaces : Marilyn (2011)
Casseroles et couvercles en inox (290x157x410 deux fois).
Les escarpins géants sont réalisés avec des casseroles en inox qui ont été fabriquées pour l’occasion. Ils renvoient bien entendu au glamour de Marilyn mais également à la coquetterie de Marie-Antoinette. Ils s’harmonisent parfaitement avec les lustres en cristal qui éclairent la salle et le visiteur ne sera pas choqué par le parti retenu.
- Salon de la Paix : Coraçâo independente Vermelho (2006) soit « Cœur indépendant doré »
Couverts en plastique, fer peint, moteur assurant la rotation de cœur sur lui-même, sonorisation (371x220x75).
On peut reprendre ici les explications données pour le « Cœur indépendant noir », la couleur choisie rappelant également le nom de la salle soit le « Salon de la Paix ».
- Appartement de la Reine : Perruque (2012)
Acajou, marqueterie d’ébène, cheveux synthétiques (298xØ124).
Bien entendu, cette œuvre fait doublement référence à l’ancien régime. D’abord l’ovoïde est réalisé en marqueterie comme une bonne partie du mobilier du 18ème siècle. Elle renvoie, également aux perruques poudrées portées, à l’époque, aussi bien par les femmes que par les hommes. Enfin, on ne peut pas être insensible à l’harmonie subtile de cette installation avec les tapisseries murales de la pièce.
- Galerie des Batailles : Royal Valkyrie (2012)
Crochet en laine, maille industrielle, tissus, ornements, câbles en acier. Dimensions variables.
- Galerie des Batailles : Golden Valkyrie (2012)
Crochet en laine, maille industrielle, tissus, ornements, câbles en acier (650x1140x1360).
- Galerie des Batailles : Valquiria Enxoval (2009)
Broderies, feutre, dentelles, poteries incrustées de quartz, tissus, ornements. Câbles en acier (400x530x1400).
Valquiria Enxoval
Ces trois volumineuses sculptures sont accrochées au plafond de la Galerie des Batailles. Celle-ci fut voulue par Louis-Philippe ; sur les murs, 33 grandes peintures célèbrent les grandes victoires françaises, de Tolbiac (496) à Wagram (1808).
Les walkyries sont des divinités nordiques qui survolaient les champs de bataille pour recueillir l’âme des héros et les ramener au Walhala, le paradis d’Odin, le Maître des lieux. Evidemment, le thème ainsi choisi s’accorde parfaitement avec la Galerie des Batailles.
- Salle 1830 : Lilicoptère (2012)
Hélicoptère, plumes d’Autruche, cristaux Swarowski, peinture industrielle, feuilles d’or, cuir, tapis, bois de noyer, passementerie (400x530x1265).
A son propos, l’artiste dit ceci : « Il s’agit de la version 2012 du carrosse de Marie-Antoinette ! De cette reine, je retiens sa fascination pour les oiseaux, son caractère illuminé, son goût des préciosités. Il y a tout cela dans Lilicoptère, machine d’or, de cristaux et de plumes d’autruche. Un luxe obscène qui rappelle les causes de la Révolution française ».
- Parterre du Midi : Pavillon de vin (2011).
Fer forgé (550xØ330).
On change ici de registre. Ce pavillon se trouve, en effet dans les jardins. Il a la forme d’une tonnelle destinée à recevoir une vigne. Il rappelle l’importance que la gastronomie avait à la Cour.
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Des cinq expositions d’art contemporain organisées au Château de Versailles depuis 2008, celle de Joana Vasconcelos est, assurément, la plus facile d’accès pour un public non averti et, aussi, la plus esthétique. Elle devrait s’attirer la faveur d’un large public.
Des informations pratiques :
L’exposition présente 15 installations (12 dans le château et 3 dans le parc).
Le lundi : le château est fermé mais le parc est ouvert.
Le mardi : les musées parisiens sont en grande partie fermés il y a donc foule à Versailles, d’autre part l’accès au parc est payant.
Le samedi et le dimanche : c’est le week-end et l’accès au parc est payant.
En conclusion les jours à privilégier sont le mercredi, le jeudi et le vendredi.
Horaires d’ouverture : 9 h à 18 h 30 du 19 juin au 30 septembre 2012.
Jeudi 28 juin, jour de ma visite, j’ai fait la queue pendant 20 minutes pour prendre mon ticket d’entrée, puis 15 minutes avant de pénétrer effectivement dans le château. Il est aussi possible d’acheter son billet, sous un préavis de 24 h, sur le site : www.chateauversailles.fr, ce qui évitera la première attente. D’autre part, la porte d’entrée franchie, il faut prendre aussitôt à droite l’escalier Gabriel ce qui permet d’atteindre directement le salon d’Hercule situé au 1er étage. Un prospectus gratuit, indiquant l’emplacement des œuvres, est alors mis à votre disposition.
JC Bertrand
Pour en savoir plus :
Catalogue d'exposition "Joana Vasconcelos" présentée au château de Versaille (19 juin - 30 septembre 2012).
200 illustrations, 240 pages,
en Français et en Anglais
Editeur : Skira /Flammarion, Prix : 45,00 €
Date parution : 04/07/2012
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