Le constat a été maintes fois fait : la France souffre gravement sur un plan institutionnel d’une multiplications des entités publiques et d’un enchevêtrement de leurs compétences, ce qu’on désigne sous le nom de « millefeuille institutionnel » : 37 000 communes, 101 départements, 26 régions sans oublier la dizaine de milliers de syndicats intercommunaux, les groupements de communes, les sociétés publiques et les associations subventionnées.
Qu’on soit de gauche ou de droite, on déplore cette situation. La solution existe : il faut SIMPLIFIER.
Malheureusement, quelles que soient les équipes au pouvoir, on n’y arrive pas.
Dans la mythologie grecque, Hercule non content de nettoyer les écuries d’Augias s’est également attaqué à l’hydre de Lerne, monstre à plusieurs têtes qui lorsqu’elles étaient tranchées se régénéraient doublement. Dans le secteur public local, cette régénération est également à l’œuvre.
Musée de Fourvières, Lyon (Photo EK)
La Région Ile-de-France, dirigée par Jean-Paul Huchon, constitue une parfaite illustration de ces
dérives qu’un article particulièrement sévère du journal Le Monde a récemment épinglées. (1)
Qu’on en juge
« La région Ile-de-France détient la palme des organismes satellites. Depuis son élection à la présidence de la région, en 1998, M. Huchon a choisi de multiplier les structures parapubliques qui gravitent autour de la collectivité. D'une quinzaine, elles sont passées à trente. (…)
En 2012, ce sont ainsi 120 millions d'euros qui ont été consacrés par le conseil régional aux associations et établissements comme Bruitparif, Natureparif, l'Ordif, le Motif, l'Agence régionale de développement, le comité régional du tourisme... Leurs effectifs ont crû de 58 %, leur dotation a doublé depuis 2004 pour une efficacité difficile à mesurer. Quelque 1 200 salariés y travaillent, soit presque autant que les 2 000 agents régionaux, employés dans les services de la région, hors personnel d'entretien des lycées. »
L'empilement des dispositifs
« En matière culturelle, la région a créé, en 2003, la commission du film dotée d'une subvention de 1,5 million d'euros par an. » (2)
« En 2008, est né le Motif pour promouvoir l'accès à la lecture. Autre structure, Arcadi subventionne le spectacle vivant. »
« Cinq organismes sont consacrés à l'environnement, dont Naturparif, Bruitparif ou encore l'Ordif, qui publie des travaux sur le traitement des déchets. En matière économique, il existe quatorze structures, dont neuf sont nées depuis 1998. Parmi celles-ci, Le lieu du design entend aider les designers. Cervia soutient l'industrie alimentaire. " La région a vocation à intervenir dans tous les domaines qui intéresse la vie des gens ", explique M. Huchon. En 2008, la Région a crée le Centre Hubertine-Auclert, qui défend l'égalité homme-femme. »
Une efficacité douteuse
L’efficacité de toutes ces structures est douteuse, les coûts sont élevés et mal maîtrisés
Dans un rapport interne à la Région, établi en juin, dont s’est procuré Le Monde, il est indiqué que l'évolution «en moyens humains et financiers » des organismes associés est « très supérieure » en proportion à l'augmentation des recettes affectées aux services de la région.
Le rapport observe pour certains organismes « une faiblesse relative des procédures » dans « la mise en concurrence des prestataires », dans l'établissement des « notes de frais (voyages et déplacements) » ou « le recrutement des personnels ». Il ne décèle pas pour autant d'" irrégularités " dans la gestion. »
De nombreux doublons
Toutes ces structures entrainent des doublons. L’article de Béatrice Jérôme donne de nombreux exemples. Ainsi dans le tourisme
« En 2013, la subvention de la collectivité au comité du tourisme régional (CRT) devrait légèrement diminuer pour passer en dessous de 20 millions. Elle a toutefois cru de 187 % depuis 2004. et les effectifs de 142 %. Le CRT compte plus de 100 salariés. Auxquels s'ajoutent les 80 agents chargés d'accueillir les touristes aux aéroports d'Orly (Val-de-Marne) ou de Roissy-en-France (Val-d'Oise). » On n’a pas constaté au cours de la période une amélioration de la fréquentation.
Par ailleurs, et plus grave « Beaucoup de ces organismes pararégionaux coexistent avec d'autres structures publiques. Paris dispose ainsi d'un Office du tourisme et des congrès de Paris. Comme les sept autres départements de l'Ile-de-France ont leur propre comité du tourisme. »
Autres exemples
« En dehors des chambres de commerce, « il existe pas moins de 16 agences de développement ou comité d'expansion économique en Ile-de-France », ce qui crée une « concurrence inopportune » indiquait, en 2008, la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France dans un rapport sur l'Agence régionale de développement (ARD) créée en 2000 par la région.
Une inflexion ?
Selon l’article du Monde, l’exécutif régional envisage de réduire le nombre des agences et de les regrouper sur quelques sites (de manière à diminuer le poids des charges immobilières). De même, dans le budget de la Région pour 2013, la subvention aux organismes associés devrait baisser de 1,8 million d'euros, ceci pour la première fois depuis 1998.
Les raisons de cette dérive
Si Jean-Paul Huchon a apparemment envoyé le bouchon un peu loin, ces dérapages se sont généralisés et ne se limitent malheureusement pas à cette Région et à ce type de collectivité. Le millefeuille institutionnel est source de complexité et de gabegies. Et comme le peuple français, relativement unique en son genre, fait rarement le lien entre ses impôts et les dépenses du secteur public, les politiques disposent de marges de manoeuvre assez larges.
Le défaut principal réside dans l’existence de la clause de compétence générale qui permet à chaque structure d’avoir compétence sur tout domaine « d’intérêt local ». La région qui est pourtant la collectivité de base la plus récente avait à l’origine des compétences précises mais celles-ci se sont progressivement et insidieusement élargies (3).
Nous prendrons un exemple que les Louveciennois connaissent : ici même nous avons salué le très bel investissement réalisé par la Région Ile-de-France pour la rénovation du Lycée Corneille (La Celle Saint-Cloud) mais à quoi a rimé une subvention accordée par cette même Région pour la construction du club-house des tennis du Barry. C’est l’exemple même du saupoudrage qui coûte cher car il est source de bureaucratie (que de temps passés à établir les demandes de subventions, à les instruire, à les verser !) (4). Comme le dit très justement Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, en temps de crise « La dépense publique doit générer de la valeur ».
Le gouvernement Ayrault nous promet un Acte III de la décentralisation dont l’avant-projet circule. Celui-ci est très timide pour le moment sur la question de la limitation des compétences, tout au plus parle-t-on de créer dans chaque domaine un chef de file. Il est évident que les élus (et leurs obligés) trouvent des avantages matériels à l’existence du « millefeuille » et que la chasse aux subventions, constitue un sport national, mobilisant, oh combien, les énergies.
Il ne faudrait pas que les citoyens se mettent à considérer que leurs élus appartiennent à « une classe parasitaire». Ce serait injuste pour ceux qui sont dévoués et intègres. Le risque n’en est pas moins évident et serait dommageable pour la démocratie et la République.
FK
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(1) Ile-de-France : le « système Huchon » - Le Monde daté du 12 décembre, article sous la signature de Béatrice
Jérôme
(2) Cet activisme permet au Président du Conseil régional d’être au festival de Cannes, mais est-ce bien sa place ? Jean-Paul Huchon, qui devait monter les marches du Festival de Cannes en raison de la contribution financière de la Région au film « L'Apollonide, Souvenirs de la maison close » avait finalement décidé de renoncer à monter les marches par solidarité avec son ami, Dominique Strauss-Kahn, « choqué par la violence du réquisitoire » contre ce dernier (16 mai 2012).
(3) Les Régions, créées en 1982, avaient pour mission principale la planification, l’aménagement du territoire et le développement économique. Elles mettent en œuvre la formation professionnelle ainsi que l’apprentissage. Elles ont en charge la construction, l’équipement et le fonctionnement des lycées.
(4) Sur les 143 milliards d'euros dépensés par le « bloc communal » (communes et regroupements), on pourrait en économiser 15, affirme René Dosière, député PS de l'Aisne.
C’est facile pour vous taper sur la gauche.
Par contre on ne vous a pas entendu sur la lamentable dispute Cope-Fillon
M. Huchon fait de belle choses et ça vous agace.
Rédigé par : ETIENNE | 11 janvier 2013 à 19:36
@ Etienne
En effet, nous n’avons pas parlé de « la lamentable dispute Copé/Fillon ».
Ni d’ailleurs de Floranges, du « mariage pour tous » (même si certains de nos commentateurs l’ont fait), de la taxation à 75 %, de l’exil fiscal des fortunés, de Depardieu…
Si nous le faisions, notre site serait bien entendu de nature bien différente.
Nous préférons rester centrés sur les sujets d’intérêt local et sur notre territoire (Louveciennes, les communes environnantes, le Grand Paris, la Région).
Si nous avons relayé l’article du Monde, quotidien qu’on dite de référence, c’est qu’il illustre les dérives de nos collectivités locales. Déjà critiquables en temps normal, ces dérives deviennent insupportables en temps de crise profonde.
La Tribune de Louveciennes n’est pas un site animé par des militants d’un parti politique. La rédaction se veut indépendante. Elle n’est pas plus sévère pour la gauche que pour la droite au pouvoir dans nos collectivités. Nous n’avons pas été particulièrement indulgent pour Pierre Bédier, l’ancien président UMP du conseil général des Yvelines, condamné à 18 mois de prison avec sursis et six années d’éligibilité pour corruption passive et abus de biens sociaux.
S’agissant de Jean-Paul Huchon, nous avons toujours suivi avec beaucoup d’attention son action, notamment en faveur des transports collectifs et du projet du Grand Paris Express dont il est l’un des artisans majeurs. Nous continuerons à le faire.
Et encore merci pour les commentaires des uns et des autres. D’accord, pas d’accord, écrivez-nous. Notre seul souhait pour l’avenir, c’est que les commentaires soient plus étoffés, plus argumentés.
FK/La rédaction
Rédigé par : FK - La rédaction | 12 janvier 2013 à 09:33
Récidive
Surprise au festival de Cannes le 25 mai. DSK monte les marches en charmante compagnie créant un certain malaise chez les organisateurs.
On vient d'apprendre que c'est Julien Dray qui a invité DSK à la projection, et ceci grâce aux contribuables de l'ile-de-France. En effet, Dray est vice-président chargé de la culture au conseil régional de l'ile-de-France et dispose à ce titre de places dont il a fait profiter son ami.
Nous avions souligné dans l'article comment les régions, sortant de leurs attributions initiales, finançaient "la culture" tout azimuth avec des retombées gratifiantes pour les gens faisant partie du système.
Rédigé par : FK/La rédaction | 31 mai 2013 à 12:05