Dans une récente interview donnée au Journal du Dimanche, Jean-Paul Huchon, Président du Conseil régional de l’Ile-de-France dit travailler 15 heures par jour, parfois plus (1). Nous ne mettons absolument pas en doute cette affirmation.
Mais pendant que Président de notre Région se tue au travail, les agents techniques des lycées, sur lesquels il a autorité, sont les champions de l’absentéisme. Un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France vient de mettre en lumière et mesurer des pratiques abusives. (2).
Le Lycée Corneille de La Celle Saint-Cloud qui a
bénéficié d’une belle rénovation financée par la Région Ile-de-France.
Important : les agents TOS de ce lycée ne sont pas mentionnés par le
rapport de la CRC.
Absentéisme massif des employés de restauration et de maintenance
Le rapport de la CRC, consacré à l’analyse de la gestion des ressources humaines du conseil régional depuis 2004, souligne l'absentéisme élevé et onéreux des personnels techniques des lycées d'Ile-de-France. Pour la plupart employés aux tâches de restauration d'accueil et de maintenance, les 8 145 agents rémunérés par la région sont absents, en moyenne, plus d'un mois par an.
Dans certains lycées, « la moyenne des absences dépasse quarante-cinq jours par an soit près du quart du temps effectif de travail des agents.»
Il s'agit pour l'essentiel de personnels techniciens ouvriers de service (TOS) qui relevaient du ministère de l'éducation nationale et dont la tutelle a été transférée aux régions en vertu de la loi de décentralisation de 2004. En Ile-de-France, ce transfert a concerné 469 établissements scolaires.
La CRC souligne « l'impact économique et financier significatif » de cet absentéisme. Elle l'évalue à 40,3 millions d'euros par an soit 10,9 % des charges de personnel en 2011. 59,5 % des absences sont dues à « une maladie ordinaire », ou à un accident du travail ou de trajet : il s’agit là de causes sur lesquelles « la politique de la collectivité est susceptible d'avoir un impact ».
Le rapport relève aussi que les agents des lycées travaillent « trente-neuf heures par an de moins que l'obligation légale » (1 568 heures par an au lieu des 1 607 heures du droit commun de la fonction publique). L'impact de cet « écart » de temps de travail peut être estimé « à environ 6,6 millions d'euros » par an en terme de masse salariale brute.
On ne peut pas dire que les agents TOS ont été maltraités financièrement par leur nouvel employeur. Réticents au départ à quitter le giron de l’Etat, ils ont été gâtés par la région, leur régime indemnitaire a été fortement revalorisé (+ 382 % par rapport à 2007 soit en moyenne un gain de 304 € bruts mensuels par agent concerné). Globalement, l’impact des mesures intervenues à ce titre entre 2007 et le début de l’année 2013 peut être estimé à 44,6 M€ en année pleine, soit l’équivalent de 12,1 % des charges de personnel inscrites au compte administratif 2012 de la région. Par ailleurs, leurs conditions d’avancement leur sont devenues nettement plus favorables.
Réponse pathétique
Dans sa réponse à la CRC, la région explique l’amplification de l’absentéisme par « la pénibilité des métiers » des agents TOS dans les lycées « combinée au vieillissement des personnels ». Elle souligne que des mesures de médecine préventive ont été mises en œuvre, elles ont conduit à enrayer l'évolution de l'absentéisme depuis 2011. La CRC rappelle au Président de la Région que le gouvernement de François Fillon avait créé « une journée de carence » non payée pour les agents en cas d'arrêt pour maladie ordinaire. Cette disposition a été supprimée en 2013 par la gauche arrivée au pouvoir. La CRC ajoute malicieusement qu’ «il convient donc de rester prudent sur la pérennité » de l'amélioration de la présence au travail.
Pratique minoritaire ou largement généralisée ?
Habituellement, devant des cas d’absentéisme peu justifiés dans le secteur public, les syndicats et les hommes politiques clientélistes affirment que ces pratiques sont minoritaires, et lorsque cela ne suffit pas, mettent en avant le côté admirable de certains agents, l’infirmière du service de réanimation des hôpitaux, le professeur de zones d’éducation prioritaire ?...
Lorsqu’une fonctionnaire d’un Conseil régional sort un brulot plutôt vraisemblable (Zoe Shepard, Absolument débordée ou le paradoxe du fonctionnaire), on la met à pied pour disqualifier ses dires.
Il est évidemment plus difficile de récuser le rapport de la CRC (bourré de faits et de chiffres indiscutables) et qui émane d’une instance indépendante.
Que les épinglés se rassurent, rien ne se passera. C’est le genre de rapport dont on parle peu et qui tombe régulièrement dans la trappe.
FK
(1) Le Journal du Dimanche, interview, 12 octobre 2013. A lire en intégralité sur le site internet du JDD.
(2) Le rapport sur la gestion des ressources humaines de la région Ile-de-France (ainsi que les réponses du Président du Conseil régional) est disponible sur le site internet des Chambres régionales des comptes.
Il faut les appeler par leur vrai nom : des tire-aux-flanc.
Rédigé par : GG | 19 octobre 2013 à 11:03
Fonctionnaires = faignants ! Merci à la tribune de louveciennes pour cet article édifiant.
Rédigé par : Bertrand | 20 octobre 2013 à 23:11
J'aimerais vous y voir vous à faire la vaisselle ou le ménage dans un lycée du 93 ! Un peu facile d'écrire ce genre d'article derrière votre bureau de Louveciennes. Il serait intéressant qu'un de vos journaliste se déplace et passe une journée auprès de ces agents dont les conditions de travail ne sont pas faciles, les situations personnelles parfois très difficiles. Ce rapport de la cour des comptes ne tient bien évidemment pas compte des réalités humaines, il donne froidement des chiffres et fait donc passer ces agents comme des tire aux flancs, et vous vous reprenez ça pour aller dans le sens du poil de vos électeurs. Alors prêt à envoyer un de vos journaliste 24 h dans un lycée (de préférence pas celui de la celle St Cloud mais par exemple celui d'Argenteuil.) ?
Rédigé par : Yacine | 21 octobre 2013 à 09:39
@ Yacine
Vous ne récusez pas les chiffres figurant dans le rapport de la Chambre régio-nale des comptes (CRC) mais vous leur opposez « des réalités humaines » prin-cipalement dans les lycées du 93.
Ces réalités, vous souhaitez que nous allions les recueillir sur place mais cela suppose de nombreuses démarches, des autorisations et des délais importants pour les produire.
Yacine, nous vous proposons, de nous livrer directement des « témoignages » (soit de vous-même, soit de proches) qui, après validation, seront publiés dans La Tribune de Louveciennes. (1).
Une remarque : la proximité des élections municipales n’a rien à voir avec cet article dont l’actualité est liée à la publication du rapport de la CRC en sep-tembre 2013.
Nous ne sommes pas non plus dans La Tribune de Louveciennes des opposants au secteur public. Nous souhaitons il est vrai qu’il soit plus efficace ; nous ne supportons pas les gaspillages, les abus payés par tous les citoyens/contribuables y compris ceux du 93 confrontés à « des situations per-sonnelles difficiles ».
La rédaction/FK
(1) Vous pouvez prendre contact avec nous par e mail : louveciennes-tribune@club-internet.fr
Rédigé par : La rédaction | 21 octobre 2013 à 11:51
et vous proposez quoi pour améliorer la situation ?
Rédigé par : Yacine | 21 octobre 2013 à 15:13
@ Yacine
De quelle situation parlez-vous ? Du taux d’absentéisme record ? Des «réalités humaines » ? Apportez à nos lecteurs des témoignages qui expliquent selon vous « la situation ».
Rédigé par : La rédaction | 21 octobre 2013 à 16:21
La situation elle est pas facile et je la connais bien car je travaille dans un lycée (en tant qu'intendant). Les agents TOS sont mal payés, le travail est pas facile et les agents sont peu qualifiés avec souvent de graves problèmes sociaux. C'est quoi votre solution ? oui comment vous réglez l'absentéisme ? Vous virez tout le monde car ce sont des bons à rien ? Ou vous arrêtez de d'entretenir les lycées ? des gachis en France il y en a plein chez les élus les hauts fonctionnaires. Il serait bien de les dénoncer. Je comprends qu'il est plus facile de taper sur les plus modestes comme ce que fait la cour des comptes. Est-ce que vous avez contacté les syndicats de ces personnels. Leur réaction a ces critiques a été sévère. Tout ça est révoltant.
Rédigé par : Yacine | 21 octobre 2013 à 18:13
@ Yacine
Pour nos lecteurs, il est intéressant d’apprendre que vous avez une certaine connaissance du sujet de par votre fonction d’intendant. On peut donc espérer que notre dialogue se basera sur des faits.
Or votre réaction est très émotionnelle. Lorsque vous écrivez que « tout cela est révoltant » on ne sait pas si le reproche s’adresse à la Cour des comptes (en l’occurrence les CRC) ou à La Tribune de Louveciennes qui a eu l’audace de faire écho à ce rapport.
Apparemment vous ne contestez pas le taux d’absentéisme record figurant dans le rapport mais vous estimez que la Cour des comptes aurait dû chercher « la poutre dans l’œil du voisin ». Il existe d’autres gâchis en France (certes, qui le conteste) que la Cour des comptes devrait dénoncer dites-vous, chez les puissants, les élus, les hauts fonctionnaires au lieu de « taper sur les plus modestes ». Yacine, il faut absolument aller sur le site de la Cour des comptes et vous verrez que sur la centaine de rapports qu’émet annuellement cette institution (Cour des comptes + Chambres régionales des comptes) elle ne se focalise pas uniquement sur « les petits ».
Dites-nous également au nom de quoi la Cour des comptes devrait s’interdire de traiter de certains sujets sous prétexte qu’ils concernent des fonctionnaires de catégories C et D ?
Vous écrivez que les agents TOS « sont peu qualifiés » et « mal payés ». Il est cependant généralement admis que les fonctionnaires gagnent autant sinon plus que les agents du privé « non qualifiés » et qu’ils bénéficient d’un avantage important en temps de chômage, la garantie de l’emploi.
Lorsque vous dites que les agents ont « souvent des graves problèmes sociaux », vous touchez quelque chose de plus profond qui relève moins semble-t-il de leur statut ou de leur condition de travail que du « mal de vivre » dans une banlieue difficile avec son cortège de problèmes. Nous ne sous-estimons pas cet environnement que vous connaissez dans votre quotidien. D’où certainement la vigueur de votre indignation.
La rédaction/FK
Rédigé par : La rédaction | 22 octobre 2013 à 09:16
je vois que c'est difficile de discuter. vous ne dites pas qu'elle est la solution à cet situtaion ?
Rédigé par : Yacine | 22 octobre 2013 à 17:25
@ Yacine
Pour discuter avec vous des « solutions », il faut un diagnostic partagé. Or vous refusez les constats de la Chambre régionale des comptes (vous dites « c’est révoltant », « on tape sur les petits »,…). Sur ce plan, on ne peut aller plus loin dans le dialogue.
Il existe cependant une occasion d’aller au-delà de la sécheresse des chiffres, c’est d’apporter un « témoignage » sur le quotidien d’un agent TOS, une femme de service à la cantine, par exemple. Prenez votre temps et envoyez-nous « un témoignage ».
Dernière considération. Il existe dans notre pays un mépris du travail manuel. Lutter contre ce mépris serait un travail de longue haleine (à condition de l’entreprendre). On peut suggérer une mesure (certes partielle) qui consisterait à demander aux jeunes collégiens ou lycéens d’aider le personnel de service dans leur tâche. Pour le moment on les conforte dans leur position de consommateur tyrannique.
La rédaction/FK
Rédigé par : La rédaction | 23 octobre 2013 à 13:11
Au lieu de débattre sur l'absentéisme, il faudrait appliquer une méthode radicale très dissuasive (pénalisation des responsables, controles accrus.)
Rédigé par : gard | 26 avril 2014 à 14:34