A l’occasion de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, nous avons demandé à Jacques et à Monique Laÿ, auteurs de l’ouvrage incontournable, « Louveciennes mon village », d’évoquer le séjour du Maréchal Joffre dans notre commune où il a sa dernière demeure.
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Joseph, Césaire Joffre, 1852-1931, est né à Rivesaltes, son père tonnelier possède des vignes et un verger d’abricotiers. Blond aux yeux bleus – ce qui est rare pour un méridional – il sera le 329ème maréchal de France en 1916 : « L’Homme de la Marne ».
En 1905 il avait épousé une charmante dame dont il avait fait la connaissance à Chatou, Henriette Penon.
Pendant la guerre de 1914, Joffre passe ses permissions sur une péniche aménagée en appartements, amarrée à Bougival, offerte par les bateliers de la Marne. Il se promène dans les environs ; trouvant Louveciennes très agréable, il se promet d’y acheter un terrain, lorsque la guerre sera finie, afin de faire construire. D’autant plus que trois de ses amis, des Louveciennois célèbres, le Professeur Tuffier qui demeure à la Grille-Royale, Louis Loucheur le ministre du logement, qui est à Voisins, Pavillon du Barry, et Monsieur de Alvéar, l’ambassadeur d’Argentine, qui demeure dans la propriété de Cœur-Volant lui ont vivement conseillé de se fixer à Louveciennes.
Convaincu, non seulement Joffre se met à la recherche d’un terrain où faire bâtir, mais en plus il veut absolument que celui-ci se trouve sur une butte ayant une vue directe sur Paris, le Mont Valérien, Saint-Germain-en-Laye, la Seine, jusqu’à Cormeilles-en -Parisis ; le maréchal fait contacter les propriétaires des terrains répondant à son souhait, en vue d’une acquisition.
Après beaucoup de difficultés et de palabres, Joffre parvint à réunir les parcelles convoitées : la construction de la propriété pouvait être envisagée. Toutefois il était nécessaire d’effectuer un remblai afin d’implanter la propriété à l’endroit d’où la vue est la plus belle.
Le maréchal aimait les édifices coloniaux du sud des États-Unis. Bien qu’il eût souhaité prendre comme architecte celui de l’Élysée, c’est finalement à son gendre, M. Laffilée, qu’il confia le soin d’établir les plans de la maison, à partir d’une réalisation d’un architecte anglais, Mr Crosby, habitant du Chesnay, et des esquisses préliminaires de l’épouse du maréchal qui rêvait d’une demeure avec une pièce en bow-window, insistait-t-elle.
De son côté, le maréchal aurait bien voulu une terrasse à la suite du grand salon, mais l’augmentation du coût de la vie en 1923 l’en dissuada. La partie centrale de la maison est inspirée d’une demeure des environs de Bordeaux, la façade principale évoque les maisons du Vermont avant l’Indépendance américaine.
Vue de la propriété, au premier plan le mausolée
C’est également Mme Joffre qui se charge de la décoration intérieure. Il est vrai que son père, Henri Penon était un décorateur réputé qui avait notamment dirigé l’aménagement de la villa pompéienne du prince Victor-Napoléon, avenue Montaigne à Paris et créé pour l’impératrice un salon de musique très admiré à l’Exposition de 1867. Le frère de Mme Joffre, Émile Penon, était artiste peintre de l’École Gustave Moreau.
De la fenêtre du salon, la vue est immense, on surplombe le village, on voit la Tour Eiffel : le maréchal a le Mont Valérien devant les yeux. Les villages qui parsèment la campagne lui rappellent Pékin où il avait été envoyé après le décès de sa première épouse.
Les deux hectares et demi du parc sont aménagés, deux anciennes guérites militaires flanquent l’entrée principale. Le jardin est couvert de fleurs, principalement des roses, fleurs préférées de Mme Joffre qui n’aimait pas les grands arbres, préférant les arbustes en taillis.
Le maréchal est un homme simple, le matin il descend acheter son journal au bureau de tabac-libraire, au pied de l’église, il aime faire la conversation avec les Louveciennois qu’il rencontre. Il participe à la vie du village, il se fait un devoir de décorer les sapeurs-pompiers. A une personne qui lui demandait à quelle adresse elle devrait écrire sur l’enveloppe qu’elle lui posterait, il répondit sans hésiter « Maréchal Joffre, France ». Joffre qui aime beaucoup l’histoire sera même Président d’honneur de l’association historique « Le Vieux Marly ».
Quand le maréchal et son épouse sont Louveciennois, c’est-à-dire de la fin du mois de mai jusqu’au début du mois de novembre, il aime se reposer dans les guérites, au soleil et bien au chaud, les enfants Gircourt, un cultivateur du village, se souviennent qu’ils allaient lui dire bonjour, il les faisait entrer avec lui dans ces petites édicules, il leur racontait des histoires. Trois fois par semaine, le matin, le maréchal va à son bureau de l’École militaire, le jeudi à la séance de l’Académie française. Pourtant c’est à Louveciennes qu’il rédigera ses Mémoires avec le colonel Demazès et le commandant Laffargue, car Joffre n’aime pas plus écrire que parler.
La maréchale aime rendre visite à Mme Fournier, au château de la princesse de Conti, à Voisins, à Mademoiselle Baudot, peintre, « l’élève d’Auguste Renoir ». Pratiquement chaque jour elle va chez les Gircourt, impasse de la Briqueterie, répondant souvent à leur invitation de déjeuner avec eux. Comme la maréchale, la sœur de M. Gircourt, se prénommait Henriette, le 14 juillet, jour de la Saint-Henri, tout le monde se retrouvait donc impasse de la Briqueterie pour un repas de fête ; en cette occasion Mme Joffre envoyait à ses hôtes une caisse de vin de Rivesaltes et un superbe cageot d’abricots.
L’entretien du parc est confié à un Louveciennois, un des « anciens de la Marne », Fernand Topin ; Germaine, son épouse, sera dame de compagnie de Mme Joffre après le décès du maréchal.
Fernand Topin monte la garde à la porte de la « Châtaigneraie »
Le mausolée
Le mausolée, petit temple abritant depuis 1933 les restes du maréchal, a été inspiré de celui des jardins de Trianon. En effet, Joffre n’avait pas voulu être enterré aux Invalides, à côté de quelques généraux ou haut-gradés qu’il n’appréciait pas, deux ans après ses obsèques il fut transféré dans son parc, Mme Joffre assumant seule les frais de ce transfert, comme, en 1931, elle assuma seule le coût de construction du mausolée.
L’allée qui conduit à ce mausolée depuis le chemin des Gressets est bordée de pins d’Alsace (Hochwald) et de Suisse qui symbolisent les troupes qui montent la garde devant le Vainqueur de la Marne.
Actuellement le mausolée abrite également Mme Joffre (Henriette Rosalie Penon, 1863-1956), Mme Germaine Laffilée, sa fille, (1905-1975), Jean-Jacques Laffilée (1889-1970), architecte en chef des Monuments historiques, gendre du Maréchal.
Au lieu du fossé dont le Maréchal voulait entourer sa propriété, il acceptera la grille monumentale que lui offre Louis Loucheur, le ministre, qui demeure au Pavillon de Musique de Madame du Barry.
Jacques et Monique Laÿ
La référence
# Jacques et Monique Laÿ « Louveciennes mon village », 2ème édition, 1989
En bonus, une photo représentant le Maréchal Joffre décorant le pompier Leduc sur la place de l’église en présence du Professeur Tuffier, l’éminent cardiologue, alors maire de la commune. Elle donne une idée de sa vie à Louveciennes et de ses liens avec les villageois.
Merci beaucoup de cet article. Il faudrait aussi pouvoir écrire l'histoire plus contemporaine de la propriété Joffre, les efforts de M. Griot pour obtenir qu'elle devienne un musée, ce qui en est advenu après la mort de ce dernier...
J'en profite pour souligner que nous sommes nombreux à attendre la suite du livre "Louveciennes mon village" qui reste LA référence pour les Louveciennois.
Rédigé par : Pascal | 21 mai 2014 à 14:17
Il semblerait que cette magnifique propriété soit en vente...
Rédigé par : Antoine | 22 mai 2014 à 09:03
Elle était à vendre comme nous l'avions signalé en août 2013 ici https://twitter.com/Louveciennes/status/363196229854822400
Mais depuis, elle a semble-t-il été vendue, en tous cas l'annonce n'existe plus: http://www.bellesdemeures.com/immobilier/achat-de-prestige/78/bien-maison/#expiree
Tout aussi intéressante fut l'histoire de la succession. Mais il faudrait un historien pour démêler la réalité des rumeurs.
Rédigé par : Pascal | 22 mai 2014 à 18:53
On pouvait imaginer qu’avec le Maréchal Joffre enterré dans sa propriété de Louveciennes, la mairie aurait commémoré le héros de la bataille de la Marne. Cette victoire française a changé la guerre de 1914-18. D’une guerre offensive, elle est devenue la terrible guerre de tranchées mais la France n’était pas envahie.
La municipalité d’André Vanhollebeke, avait mis en place les préparatifs pour cette commémoration en travaillant avec le ministère de l’armée, programmant des conférences pour les enfants et les adultes, une exposition, une cérémonie devant le mausolée et des manifestations avec les anciens combattants. Malheureusement la nouvelle municipalité n’a pas jugé pertinent de maintenir ce programme et Louveciennes a perdu une occasion d’accomplir son devoir de mémoire.
Rédigé par : Caroline de Bailliencourt | 17 septembre 2014 à 21:51
Madame de Bailliencourt, chère Caroline,
La nouvelle municipalité a prévu un programme de commémoration du Centenaire de la Grande Guerre qui est très dense :
1) du 27/09/14 au 01/03/2015, une exposition dédiée au musée-promenade;
2) le 14/10/14, des animations échanges par Guy Camensuli, Président de l'UNC suivies du ravivage de la flamme;
3) du 14/10/14 au 07/11/14, une exposition dédiée à la Bibliothèque;
4) Une sélection de livres dédiés à la Bilibothèque tout au long du mois de novembre;
5) le 15/11/14, l'heure du conte sur la Guerre;
6)le 15/11/14 encore, une rencontre avec un écrivain à la Bibliothèque sur le même thème;
7) Du 24 au 30 novembre, salle Renoir, une exposition sur la musique pendant la Guerre;
8) les 25 et 26/11/14, diffusion d'un documentaire en salle Camille Saint-Saëns;
9) Le 28/11/14, toujours dans cette même salle, une Lecture-spectacle suivi d'une conférence;
10) le 29/11/14, dans le Hall de la bibliothèque, un concert en lien avec l'exposition;
11) les 29 et 30/11/14, la diffusion de 2 films sur la guerre.
Sans parler des cérémonies commémoratives du 11/11/14 aux monument aux morts et au Mausolée du Maréchal Joffre.
Il me semble, Mme de Bailliencourt, chère Caroline, que vous pouvez être rassurée, la nouvelle municipalité accomplira bien son devoir de mémoire.
Rédigé par : Boleslas Palewski | 21 septembre 2014 à 11:38
Vous ne manquerez pas de noter que je faisais référence uniquement à la très décisive bataille de la Marne du 5 au 12 septembre et donc à son héros, le maréchal Joffre qui a vécu et est enterré à Louveciennes. C’est à sa mémoire que nous avons un devoir.
Rédigé par : Caroline de Bailliencourt | 22 septembre 2014 à 11:50
La nouvelle équipe en place n'aura de cesse de démolir ce que l'équipe de Vanhoellebeke a fait parce que c'est elle qui l'avait fait ou voulait faire. c'est du détricotage. Affligeant
Rédigé par : suzanne | 22 septembre 2014 à 22:02