A peine sortie du remake des municipales, les Louveciennois vont être appelés aux urnes les 22 et 29 mars prochains pour élire leurs conseillers départementaux. Comme d’ailleurs tous les Français.
Siège du Conseil départemental et de la Préfecture des Yvelines, à Versailles (Photo de Velvet – Wikimedia Commons)
Ce scrutin comporte de nombreuses nouveautés dans un paysage au flou persistant. Les cantons ont été redécoupés, on votera pour un binôme (une femme-un homme) uni pendant la durée de la campagne mais qui pourra agir séparément par la suite. Un temps on parlait de supprimer les départements au profit du couple régions et intercommunalités mais l’opposition des élus locaux (particulièrement des maires ruraux) a fait capoter le projet. En attendant, les compétences des départements sont en discussion au Parlement mais l’adoption définitive du texte devra intervenir après les élections (1). Curieuse méthode mais on finit par être habitué par la marche en crabe qui caractérise la réforme territoriale engagée par le pouvoir. Ainsi, les candidats se présenteront aux élections sans avoir de certitude sur les compétences du département ; ils auront du mal à nous présenter un programme précis…
Jusqu’à présent le Louveciennois votait dans le cadre d’un canton qui comprenait Marly-le-Roi, Louveciennes et Port-Marly ; dorénavant il votera dans le canton du Chesnay qui comprend les communes suivantes : Bailly, Bougival, La Celle-Saint-Cloud, Le Chesnay, Louveciennes et Rocquencourt.
Là aussi on ne manquera pas de s’étonner. Alors que dans le cadre de l’intercommunalité, Louveciennes est rattachée à « Saint-Germain Seine et forêts » (en compagnie notamment de Marly-le-Roi et de Port-Marly), là on votera avec des communes comme La Celle Saint-Cloud et Bougival qui ont rejoint « Versailles Grand Parc ». Certains diront que cela n’a pas d’importance, il ne s’agit que d’une circonscription électorale pour élire des conseillers qui vont gérer le département des Yvelines ; mais alors pourquoi voter dans le cadre d’un canton qui n’a pas de réalité « territoriale » ; jusqu’à présent, à l’occasion de chaque campagne, notre conseiller sortant nous vantait tout ce qu’il avait réalisé pour nous, dans notre environnement proche, une statue par ci, la rénovation d’un collège par là.
On se rappellera qu’au départ, on devait voter le même jour pour les élus départementaux et les élus régionaux, les élections régionales ont depuis été reportées en décembre pour des raisons de politique politicienne. S'il y avait eu concomitance des dates, on aurait voté le même jour pour les régionales selon un scrutin de liste, et pour les départementales selon un scrutin majoritaire binominal. On devine la tête des électeurs s’ils s’étaient trouvés devant un tel salmigondis.
Pierre Lequiller, le conseiller sortant, s’est retiré de la course, « avec beaucoup de regrets », après 36 années de présence au conseil général des Yvelines dont il était devenu premier Vice-Président (2) ; apparemment, il ne pouvait pas entrer en compétition sur les nouveaux terrains de jeu avec ses camarades de l’UMP ; dans le canton du Chesnay c’est Philippe Brillaut, le turbulent maire de la ville qui a été retenu, dans le canton de Chatou c’est Ghislain Fournier, le très policé maire la ville éponyme qui est candidat (3).
Une réforme due à Manuel Valls
C’est Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, qui a conçu le nouveau mode de scrutin des élections départementales. La loi du 17 mai 2013 qui en a résulté s’appuie sur un certain, nombre de principes qui aboutissent à ce système jugé « bizarre », le scrutin binominal majoritaire à deux tours n’a aucun équivalent dans le monde. Un journaliste du quotidien dit de référence y voit non sans malice une manifestation du génie français (4).
1. Le principe d’une élection au scrutin nominal dans le cadre d’un canton, et qui date de 1883, n’a pas été remis en cause. On a déjà souligné le peu de cohérence de ce mode de scrutin alors que dans le cas des élections régionales et municipales le scrutin de liste avec le principe majoritaire est de règle.
Qu’on ne dise pas qu’il fallait absolument maintenir la relation d’un élu avec son territoire, en l’occurrence le canton, dont personne ne connaît la délimitation précise notamment en Région parisienne. Dans le monde rural, l’élu cherche à utiliser habilement le département qui joue aussi le rôle d’arrosoir à subventions .
2. L’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives des assemblées départementales est une bonne chose. Actuellement les femmes ne représentent que 13,5 % des élus, 5 femmes seulement président aujourd’hui aux destinées d’un département sur un total de 101 collectivités…
Afin de garantir la parité homme/femme, les auteurs de la loi ont par conséquent subtitué au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours le scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours (un binôme, « un ticket » composé comme le dit la loi de « deux membres de sexe différent » et dont « les noms sont ordonnés dans l’ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l’occasion de l’élection »).
La contrainte paritaire est renforcée par l’obligation que le candidat titulaire et son remplaçant soient de même sexe.
Les candidats présentés en binôme devront souscrire, avant chaque tour de scrutin, une déclaration conjointe de candidature. Ils devront déclarer un même mandataire financier et disposer d’un compte de campagne unique.
Une fois l’élection acquise, les deux candidats du binôme exerceront leurs mandats de façon individuelle. Ils serontdélivrésde toute solidarité et pourront adopter, si cela leur chante, des positions divergentes sur tel ou tel sujet.
3. La mise en place de ces binômes devant se faire à effectifs constants (ou presque), le gouvernement a procédé au redécoupage des cantons en divisant par deux leur nombre, de 4 000 à 2 000, plus précisément à 2054 circonscriptions ce qui produira 4108 élus sur le territoire de la République.
La carte cantonale a également été remodelée pour réduire les écarts de population entre cantons, donnant désormais davantage de sièges aux circonscriptions urbaines.
4. Les conseillers départementaux seront élus pour une durée de six ans (jusqu’en mars 2021) et renouvelés en même temps, et non plus par moitié tous les trois ans comme dans le passé.
5. Pour être élu au premier tour de scrutin le 22 mars 2015, un binôme doit obtenir à la fois la majorité absolue des suffrages exprimés (50 % des suffrages exprimés plus une voix) et un nombre de suffrages égal à au moins 25 % des électeurs inscrits.
Si aucun binôme n’est élu au premier tour, les électeurs seront appelés aux urnes pour un second tour le 29 mars 2015.
Au second tour des élections, la majorité relative sera suffisante pour que le binôme soit élu. Toutefois, seuls peuvent se présenter au second tour les binômes ayant obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits. Si un seul binôme satisfait à cette condition, le binôme arrivé en deuxième position peut néanmoins se maintenir pour le second tour quel que soit son score. Dans le cas où aucun des binômes n’obtient un nombre de voix égale à 12,5 % des inscrits, les deux binômes arrivés en tête peuvent se maintenir au second tour quel que soit leur score.
Un dernier conseil pour la route
Malgré tout ce qui a été écrit, sur le côté bizarre de ce scrutin, il faut bien entendu voter. Les départements ne disparaîtront pas pour le moment de notre horizon et continueront à gérer des sommes importantes dans les secteurs que d’autres collectivités ne lui disputent pas (5).
FK
Les binômes présents au 1er tour du 4ème canton
« Le Chesnay »
- M. Claude Le Glatin + Mme Catherine Radix
Parti communiste français (PCF)
(remplaçants : M. Patrick Brody + Mme Cécile Stentzel)
- M. Pierre Basdevant + Mme Marie-Pierre Delaigue
Parti socialiste (PS)
(remplaçants : M. Clément Vignoles + Mme Martine Frachon)
- Mme Marie Durand-Smet (sans étiquette) + M. Bruno Hamon (divers droite)
(remplaçants : Mme Dominique Forget + M. Erwan Breton)
- M. Philippe Brillault + Mme Sylvie d’Estève
Union pour un mouvement populaire (UMP)
(remplaçants : M. Claude Jamati + Mme Nathalie Jaquemet)
- M. Xavier Harismendy + Mme Thérèse Mulliez
Front national (FN)
(remplaçants : M. Hervé de Wazières + Mme Sophie Souchère)
____________________________________________
(1) Projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République (Notre)
(2) Discours prononcé lors de ses adieux au conseil général des Yvelines
> https://www.youtube.com/watch?v=hwji6aE8iXo&feature=youtu.be
(3) Le canton de Chatou comprend les communes suivantes : Chatou, Croissy-sur-Seine, Marly-le-Roi, Le Port-Marly et Le Vésinet.
(4) « L’étonnante usine à gaz électorale prévue par l’exécutif pour les cantonales», Patrick Roger, Le Monde, 28 décembre 2012
(5) Actuellement, le département dispose de la clause générale de compétences qui lui permet d’intervenir dans tout domaine jugé d’intérêt départemental. Cette clause qu’on retrouve également dans d’autres strates de collectivité est très critiquée, à juste raison, car elle est la cause de gabegies et de doublons inadmissibles. La réforme en cours vise à la faire disparaître.
Les compétences du département s’exercent essentiellement en matière d’action sociale et de santé publique.
Il est question de transférer aux régions les compétences en matière de transports scolaires et des transports non urbains de personnes, de gestion des collèges, des voiries, des ports, d’aide aux entreprises en difficulté, … mais rien n’est acquis pour le moment et les partisans du département se défendront avec pugnacité.
Resteraient aux départements la gestion des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), le financement des opérations sous maîtrise d’ouvrage communale ou intercommunale, le soutien aux EPCI à fiscalité propre pour l’exercice de leurs compétences, le financement des opérations communales ou intercommunales d’investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural lorsque l’initiative privée est défaillante.
Le département resterait en outre compétent en matière de culture, tourisme et sports, ces trois compétences étant reconnues comme « partagées » entre toutes les collectivités.