L’association Louv’Science a réalisé une étude très argumentée sur une question essentielle conditionnant largement l’avenir à savoir la place de la science dans nos sociétés alors qu’elle fait l’objet de critiques nombreuses souvent injustifiées d’ailleurs.
Nous avons choisi de publier de larges extraits de cette étude qui incite à la réflexion et pourquoi pas à l’action. Quatre articles y seront consacrés.
Après avoir constaté, chiffres à l’appui, à l'existence d'une véritable désaffection pour les métiers de la recherche, l’étude s’intéresse aux causes et notamment à la notion de progrès qui fait l’objet d’une remise en question ; s’agit-il d’une allergie proprement française où est-elle plus générale ? ; enfin pour ne pas rester sur une note négative sont esquissées des stratégies à la fois institutionnelles et pédagogiques pour inverser les tendances négatives.
De gauche à droite : Jacques Ramette (Président), Michel Herry (VP) et Bernard Andrier de l’association Louv’Science
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Il est devenu habituel de penser que le public et en particulier les jeunes, se sont détournés de la science et que les métiers de la recherche manquent d’attractivité. On parle ainsi de désaffection pour les sciences. Si la baisse des vocations scientifique est avérée (nous le verrons ci-dessous), sommes-nous sûr qu’il s’agisse bien là d’affect ? Après tout on peut très bien juger la science admirable, voir le récent enthousiasme créé par l’atterrissage du robot Philae sur la comète « 67P Churyumov-Gerasimenko », et la trouver trop difficile d’accès, trop laborieuse à maîtriser. L’immédiateté dans laquelle nous vivons, les sollicitations multiples des médias en continu, ne laisse que peu de place à l’aventure scientifique faite de pugnacité souvent sur le très long terme.
Pour se démontrer, tout savoir a besoin de durée. Or, l’heure est au culte de l’intensité de l’instant, à l’émotion en direct, à la valorisation de la satisfaction immédiate des désirs. Que vaut la parole d’un chercheur face aux nouvelles stars qui occupent le devant de la scène : mal payés, travaillant dur, il ne représente plus un modèle face à la cohorte des sportifs, acteurs et autres chanteurs qui défilent dans les médias.
La loi de l’audimat contraint les grandes chaines de télévision généralistes à n’évoquer la science que sous l’angle de l’actualité-spectacle ou de la caricature. Du coup la science disparait du paysage et ses applications technologiques ont beau être omniprésentes, elle demeure à la marge des esprits.
De nombreux chiffres, quelquefois difficiles à relier les uns aux autres, traduisent une crise de vocations scientifiques, et de nombreux rapports ont tenté d’éclaircir le phénomène depuis le début des années 2000.
Pourtant, l’attrait de la formation scientifique en second cycle reste stable relativement aux effectifs globaux de bachelier. On peut noter, par exemple, que le nombre de bacheliers scientifiques (Série S) est stabilisé autour de 135.000 au début des années 2000 et puis augmente légèrement pour finalement atteindre ces dernières années 150.884 en 2012 puis 157.229 en 2013 (1), après avoir marqué un fléchissement certain de 140.497 à 122.148 entre 1994 et 1998 selon Pierre Arnoux (2). Depuis le début du siècle la part de bacheliers scientifiques dans l’ensemble des bacs généraux oscille entre 48 et 52%, et toutes séries confondues y compris bacs pro entre 25 et 28%.
Depuis 2005, en revanche, selon la nomenclature du ministère de l’éducation nationale on s’aperçoit que les nouveaux entrants à l’université dans les disciplines « Sciences fondamentales et application » et « Sciences de la nature et de la vie », qui orientent vers les métiers de la recherche, sont en baisses constantes excepté l’année 2013 – 2014. Cette baisse semble s’effectuer au bénéfice de la discipline Plurisciences.
Si on regarde, non plus les seuls entrants, mais l’ensemble des effectifs étudiants dans les formations scientifiques sur la période 2004 – 2013, on note que :
- Le poids des formations scientifiques universitaires baisse de 64% à 56,5%.
- Cette baisse est significative dans la discipline « sciences fondamentales et application » passant de 45 à 38,8% en poids et -6,6% en effectif entre 2004 et 2013.
- Pendant la même période les effectifs des « sciences de la vie, de la santé, de la terre, et de l’univers » stagnent.
- Ceux des « plurisciences » s’envolent (+81,8%) et ceux des formations de santé (médecine, odontologie, pharmacie,…) augmentent de 30,1%.
- Les effectifs des classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieurs (CGPGE) et les effectifs des écoles d’ingénieurs progressent respectivement de 11,4% et 43,7%. Le poids des écoles d’ingénieurs augmente de 7,3% sur la période et celui des classes préparatoires stagne. Les classes préparatoires ne sont plus les seules voies d’accès aux grandes écoles.
Cette évolution compense tout juste la diminution enregistrée à l’université. Et on sait que les débouchés des écoles d’ingénieurs, ne prédisposent plus à coup sûr aux métiers de la science et de la technologie, et ont un très large spectre concurrençant les formations financières, économiques et de gestion.
Quels enseignements ?
L’un des premiers enseignements concerne la stabilité relative du flux global de bacheliers scientifiques.
Par ailleurs on constate que la baisse de fréquentation des formations scientifiques ne se situe ni au niveau du lycée ni de l’entrée dans le supérieur.
En revanche c’est au niveau des disciplines scientifiques conduisant aux métiers de la recherche que se situe la véritable désaffection. Ceci traduit des craintes fortes sur les formations longues jugées risquées relativement aux formations dotées de paliers de sortie qualifiants et ouvert aux études, (se traduisant par une préférence accrue des IUT aux Deug). Rappelons que la voie de la recherche scientifique depuis le Deug conduit au Master (Bac+5) puis au PHD (Bac+8) souvent suivi d’un ou deux Post-Doc seules possibilités d’atteindre enfin une situation stable.
Au moment où les classes d’âge nombreuses de l’après-guerre partent en retraite, on peut légitimement s’inquiéter de leur remplacement dans les laboratoires de recherche.
Quelle serait la cause de cette désaffection ? Quels en seraient les remèdes ?
C’est ce que nous verrons dans les trois prochains articles.
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(1) Les chiffres donnés dans ce texte peuvent être vérifiés indépendamment : ils proviennent directement des études de la Direction de l'Evaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale, et en particulier de la publication "Repères et Références Statistiques'' (RERS), 2014, accessible sur le web à l'adresse : http://www.education.gouv.fr/ .
(2) De la désaffection pour les études scientifiques, par Pierre Arnoux, Revue Skhole, http://www.skhole.fr
Louv’Science est une association à but non lucratif selon la loi de 1901, déclarée le 23 mai 2014 à la sous-préfecture de Saint Germain en Laye. Elle dispose d’un bureau de sept membres : Jacques Ramette : Président, Michel Herry : Vice-président, Guillemette Resplandy-TaÏ : Secrétaire, Bruno Vollaire : Trésorier, Guy Féran, et Frank Grodenic
Vous pouvez les contacter au 01 39 18 00 95, sur [email protected]. ou sur le site de la mairie sous l’onglet portail des associations :
http://www.mairie-louveciennes.fr/index.php/Louvscience?idpage=271&clearcache=1
""Quelle serait la cause de cette désaffection ? Quels en seraient les remèdes ?""
Il serait bienvenu pour nos décideurs, y compris municipaux, d'avoir un peu d'audace.
Nous avons la chance à Louveciennes d'avoir une marraine politique, utilisons la (après les régionales bien sur) pour promouvoir un grand projet sur le territoire communal. Notamment celui d'un grand campus universitaire, mais pas seulement.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louveciennes#Projets_d.27am.C3.A9nagements
Rédigé par : cyberic | 16 septembre 2015 à 15:44