L’art moderne plus que d’autres se nourrit de la provocation.
Sa manifestation la plus éclatante, au XXème siècle, a été le fait de Marcel Duchamp lorsque celui-ci avait présenté un « ready made » (1), baptisé Fontaine et qui était un urinoir en porcelaine acheté dans un magasin new-yorkais en 1917 ; sa seule intervention sur l’article avait été d’ajouter à la peinture noire l’inscription « R. Mutt 1917 » (un pseudonyme). L'œuvre fut refusée lors de la première exposition de la Société des artistes indépendants de New York et par la suite perdue…(2).
Dans la foulée, de nombreux artistes ou pseudo artistes se sont engouffrés sur cette voie.
Markus Lüpertz, un grand artiste, vient récemment de caractériser avec justesse cette tendance (3)
« Duchamp a d’abord été peintre. Il a échoué et, donc, est devenu un artiste moderne. Ce que je n’arrive pas à le faire, je le détruis : c’est sa position et voici une excellente explication de l’avant-garde. Duchamp, c’est le début de tout ce que l’on trouve aujourd’hui dans les musées – des variations à partir de Fontaine. »
Bien qu’il ne s’agisse pas de purs « ready made », une illustration de cet art de la provocation nous est offert par l’exposition au château de Versailles de six œuvres de l’artiste britannique d’origine indienne Anish Kapoor, à l’invitation de la Présidente de l’Etablissement public, Catherine Pégard. Ce n’est pas une première puisqu’une invitation est maintenant adressée chaque année à un artiste contemporain. Ces expositions passent rarement inaperçues, certaines sont plus médiatisées que d’autres car plus controversées.
Il en a été ainsi des expositions de Jeff Koons (2008) avec son homard, Takashi Murakami (2010) avec ses mangas, Joana Vasconcelos (2012) et ses œuvres colorées, ironiques, dont le fameux hélicoptère rose. D’autres expositions ont intrigué sans susciter de réactions violentes comme celles de Bernar Venet, Guiseppe Penone, Lee Ufan, … (4).
Les six œuvres présentées par Anish Kapoor
L’exposition comporte six œuvres monumentales et inédites, cinq ont été placées dans les jardins, une dans la salle du Jeu de Paume.
Dans les jardins face au château on trouvera deux sculptures-miroirs convexes (« C-Curve » et « Sky Mirror ») qui donnent une image déformée du ciel et du château, le déjà fameux « Dirty Corner » dont on reparlera en détail, et un malstrom liquide s’enfonçant dans la terre, un « Vortex » (« Descension »). Anish Kapoor a également placé dans un bosquet une sculpture-cube percée de boyaux rouges (« Sectional Body Preparing for Monadic Singularity »). Dans la salle historique du Jeu de Paume figure « Shooting in the Corner ».
Deux installations ont particulièrement choqué :« Dirty Corner » et «Shooting in the Corner ».
Dirty Corner (en français « coin sale ») est installé dans l'axe principal du parc, sur le Tapis vert, la sculpture de 60 mètres de long et d’une hauteur de 10 mètres s'ouvre en direction du château par une sorte de trompe. Certains ont parlé de tuba, d’un gigantesque cor tibétain, d’une vulve, …..La sculpture est entourée d'excavations et d'énormes blocs de pierre (en tout de 400 à 500 tonnes), certains peints en rouge sang.
Dans un entretien accordé au JDD, l’artistea clairement suggéré une connotation sexuelle de cette œuvre : « le vagin de la reine qui prend le pouvoir » (5). Plus tard il est revenu quelque peu sur ses propos en déclarant que chaque visiteur pouvait interpréter l’œuvre comme il le souhaitait.
(Dirty Corner d’Anish Kapoor – Photo Fabrice Seixas)
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