Le drame des réfugiés fuyant les zones de guerre de Syrie et d’Irak ne peut laisser insensible. Leur accueil en France et plus particulièrement au niveau de la commune n’a pas été absent du débat du dernier conseil municipal de Louveciennes (1). L’initiative du débat revient à Pascal Leprêtre (PS-PLUS). Dans son intervention, il s’est tout naturellement référé aux décisions prises au niveau national par Bernard Cazeneuve, Ministre de l’intérieur et au niveau régional, par le conseil d’Ile-de-France. Le 12 septembre dernier à Paris, lors d’une réunion avec les maires, le Ministre de l’intérieur a détaillé les moyens pouvant être mis en œuvre par les villes pour faciliter l’accueil des réfugiés, et a encouragé les initiatives locales permettant d’offrir un accompagnement complémentaire de celui organisé par l’État (2). Le 24 septembre, le conseil régional, dans son ultime séance plénière, a appelé les communes franciliennes ainsi que les acteurs concernés à se mobiliser pour l’accueil et l’hébergement des réfugiés, et a décidé la mise en œuvre d’un plan d’urgence exceptionnel (3).
Pascal Leprêtre s’adressant au maire, Pierre-François Viard, lui a demandé sa « position sur ce drame humanitaire et les mesures » qu’il « envisage de mettre en œuvre dans le cadre de cet effort national d’accueil des réfugiés. »
Le maire et Florence Esnault, maire-adjoint aux Affaires sociales, ont insisté sur les difficultés voire l’impossibilité d’accueillir des réfugiés à Louveciennes sans une aide substantielle de l’Etat, qui pour le moment fait défaut. Ils ne doutent pas de « la bonne volonté » des Louveciennois si l’Etat met les moyens.
Le maire estime tout d’abord qu’il faut avoir sur la question des réfugiés « une vision globale » et ne pas réagir d’une manière « émotionnelle ». Il évoque la conférence donnée à Louveciennes il y a quelques mois par un prêtre d’Irak et au cours de laquelle celui-ci avait dit que « Nous préférons rester sur nos terres ».
Pour l’exécutif communal, l’accueil des migrants pose des problèmes en termes sécuritaires, matériels et financiers.
Le premier aspect sur lequel insiste le maire est celui de la sécurité.
« Je ne peux faire causer le moindre problème à des personnes qui viendraient éventuellement sur le territoire de la commune et dont on ne connaît pas l’origine. J’ai lu récemment des articles qui pointaient le prosélytisme de certains imans sur des populations relativement fragiles ».
Il a également été fait état d’incidents cet été qui ont opposé des réfugiés (en fait des « faux réfugiés ») à la police municipale avec des « menaces de mort » et des difficultés dans le passé avec la communauté tchéchène (bagarres, refus d’envoyer les enfants à l’école).
Le deuxième aspect porte sur le logement. « La Mairie n’a pas de logements d’urgence, même pour les Louveciennois ». Florence Esnault cite le cas de femmes victimes de violences conjugales ou celui de personnes expulsées de leur logement et pour lesquels « nous sommes réduits à payer des chambres d’hôtel ».
Pour les logements sociaux, les droits d’attribution relèvent pour l’essentiel du Préfet. Le maire-adjoint souligne également la difficulté de dire à des gens qui sont sur une liste d’attente depuis 2 ou 3 ans, de laisser leur place à des réfugiés.
Le dernier aspect est financier. Le maire estime que nous n’avons pas actuellement les finances pour assurer dans de bonnes conditions de logement, de scolarisation… l’accueil des réfugiés.
« L’Etat a proposé 1000 € par réfugié, c’est se moquer du monde ! Si l’on veut les accueillir dignement c’est 13.000 € par réfugié et par an. Tant que l’Etat reportera le problème sur les maires, nous ne sommes pas d’accord ce qui ne veut pas dire qu’on n’est pas conscient de ce problème qui doit être étudié d’une manière plus approfondie. »
« Lors de l’accueil à l’aéroport, les représentants officiels sont là, on déroule le tapis rouge puis ensuite on les laisse dans la nature. (…) Ces réfugiés dont nous avons un certain nombre à Louveciennes sont mal logés, n’ont pas appris la langue car il n’y a personne pour s’en occuper, il n’y a pas les finances. (…) Passé le côté médiatique de la chose, personne ne répond du côté gouvernemental. (…)Accueillir de nouvelles personnes, oui à condition d’avoir les moyens et ne pas leur vendre du vent. (…) Les bonnes volontés, nous les avons, mais nous n’avons pas les infrastructures et des moyens financiers. Sinon, c’est complètement hypocrite, c’est se faire de la publicité… »
Le débat au conseil municipal s’est terminé sans début de solution. Celui qui l’a initié à savoir Pascal Leprêtre n’a pas repris la parole même lorsque Florence Esnault l’a interpellé en lui demandant : « Si vous avez une solution, moi je suis ouverte à toutes les propositions». A-t-il été convaincu pour autant par les arguments du maire et son adjointe aux Affaires sociales ? On peut en douter.
***
Tôt ou tard la question de l’accueil des réfugiés se reposera. Devant leur afflux on sent les responsables politiques perdus dans les chiffres, signe d’une grande confusion. Ainsi dans une même déclaration (5), Bernard Cazeneuve, Ministre de l’intérieur, l’un des hommes sérieux de l’équipe gouvernementale, indique que la France participera à la relocalisation de 120.000 migrants au niveau de la CEE alors qu’ils sont déjà 800.000 en Allemagne, que notre pays pour « soulager » notre voisin en accueillera (généreusement) dans les meilleurs délais 1.000 qui seront 30.000 dans les deux ans selon Manuel Valls. Peu d’observateurs pensent d’ailleurs que ce chiffre est réaliste, il sera nécessairement dépassé et largement (5). Aux réfugiés politiques s’ajouteront les migrants économiques venant de pays où la forte pression démographique ne donne pas de travail à tout le monde. Tout naturellement ils chercheront leur salut en Europe, peut-être moins en France où « l’inversion de la courbe du chômage » promise depuis des mois tarde à se produire.
FK
La photo est de l'AFP et représente un groupe de réfugiés dans un jardin de la région parisienne
(1) Séance du conseil du 25 septembre 2015
(2) Le samedi 12 septembre 2015 s'est tenue, à la Maison de la Chimie à Paris, une réunion d'information des maires, relative à l'accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile en France.
La politique de l'asile est une compétence de l’État, auquel revient la prise en charge des demandeurs d'asile. L’État prend en charge :
- l'hébergement : les demandeurs doivent se voir proposer des places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou en Accueil Temporaire Service de l'Asile (ATSA)
- le versement d'une allocation
- l'accompagnement administratif et social
- les besoins de soins, à travers la CMU (Couverture Maladie Universelle)
L’État entend également soutenir les communes qui souhaitent participer à la prise en charge des réfugiés. Un soutien exceptionnel et forfaitaire à la mobilisation des communes qui créeront sur leur territoire des places d’hébergement supplémentaires d’ici 2017, pour un montant de 1000 € par place d’hébergement.
Pour plus de précision, on se rendra sur le site dédié du Ministère de l’Intérieur >>>
http://www.interieur.gouv.fr/Accueil-refugies
(3) Le plan d’urgence pour l’accueil des réfugiés adopté par la Région IdF le 24 septembre comporte deux volets :
- 500.000 € en fonctionnement pouvant subventionner divers projets : l’accès aux soins, l’aide alimentaire, l’accompagnement psychologique des victimes, l’accès à l’hébergement d’urgence, l’accès au droit, l’interprétariat ; les bénéficiaires peuvent être les collectivités territoriales, les associations, les bailleurs sociaux, les autres acteurs du dispositif national d’aide ; les modalités : 50 % de la dépense subventionnable avec un maximum de 20.000 € ;
- 5.000.000 € en investissement pouvant subventionner divers projets : les travaux de rénovation, d’aménagement et/ou de lieux existants, l’acquisition, les travaux de construction et d’assemblage de structures modulaires acquises, l’achat d’équipements liés à un accueil d’urgence ; les bénéficiaires peuvent être les collectivités territoriales, les organismes gestionnaires des îles de loisirs de la région, les associations, les bailleurs sociaux, les autres acteurs du dispositif national d’aide ; les modalités : 50 % de la dépense subventionnable (jusqu’à 100 % de la dépenses subventionnable pour les îles-de-loisirs). Limite d’un montant maximum de 1.000 € par place d’accueil et/ou d’hébergement.
(4) A titre de comparaison, en Allemagne, le Bund (Etat Fédéral) va verser 670 € par mois/migrant auxquels s’ajoutera le versement du Land (400/500 €).
(5) Déclaration du 7 septembre 2015 de Bernard Cazeneuve, Ministre de l’intérieur (Extraits)
« Lors de sa conférence de presse semestrielle, le Président de la République a présenté ce matin l’action de la France face à la crise migratoire qui touche actuellement l’Europe. En particulier, il a annoncé que la France participera au processus de relocalisation de 120 000 réfugiés en besoin urgent de protection envisagé par la Commission européenne, suite aux initiatives prises conjointement par la France et l’Allemagne.
(…)
Par ailleurs, en vertu du principe de solidarité et sur une base strictement volontaire, le Président de la République a également annoncé que la France était prête à accueillir dans les meilleurs délais un millier de réfugiés, pour soulager les efforts actuellement accomplis par l’Allemagne. Je rappelle que l’Allemagne doit faire face à un afflux estimé par ses autorités de 800 000 demandeurs d’asile au cours de cette année, et qu’elle a eu à assumer ces derniers jours des arrivées exceptionnelles en nombre.