La Tribune de Louveciennes

Dédié aux amoureux de Louveciennes

L’ouvrage très attendu de Jacques et Monique Laÿ « Louveciennes, Histoires & Rencontres » vient de paraître aux Editions Riveneuve. Nos historiens nous avaient déjà enchanté dans le passé avec « Louveciennes, mon village », ouvrage de référence paru en 1989. Ils récidivent et d’une manière encore plus ample, 501 pages, de textes enlevés, des photos anciennes ou actuelles, des documents historiques à foison, une iconographie précieuse,... Sa lecture procure un plaisir auquel tout Louveciennois ou amoureux de Louveciennes ne manquera pas de s’adonner. L’avant-propos de Pierre-François Viard, maire de Louveciennes, que nous reproduisons ci-après, résume bien le contenu et la qualité du livre de Jacques et Monique Laÿ.

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Vous tenez entre les mains, un ouvrage unique et précieux qui réconcilie la recherche historique la plus rigoureuse et l'oeuvre de mémoires la plus singulière. Il vous entraînera à la découverte du destin exceptionnel du village de Louveciennes mais aussi à la rencontre des femmes et des hommes, célèbres ou anonymes, qui ont marqué notre histoire et construit une identité encore bien vivante.

« Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine. » L'oeuvre de Jacques et Monique Laÿ honore cette pensée de Marguerite Yourcenar.

À la fois, érudit et captivant, mêlant habilement sans jamais les mélanger, l'objectivité documentaire et la créativité littéraire, la richesse des sources et le foisonnement des souvenirs, l'Histoire en majuscules et les anecdotes minuscules, ce livre se lit comme un roman.

Au fil des pages et des chapitres, ce sont les siècles qui défilent, des temps carolingiens à l'époque actuelle, en passant par la flamboyance du Grand siècle et les heures sombres de l'Occupation. C'est aussi une galerie de portraits édifiants, tendres ou truculents qui se dessine et nous plonge dans l'intimité du passé. Les noms des rues où nous habitons prennent sens, les paysages qui nous entourent trouvent de la perspective, comme dans le magnifique chapitre sur la plaine de Villevert qui vous entraînera des champs de bataille de 1870 jusqu'à la découverte de la carte à puce.

Vous rencontrerez des rois, des généraux, des écrivains, des artistes… et même un futur président américain. Vous découvrirez aussi ceux à qui l'Histoire n'a pas toujours rendu justice de leur talent, comme la brillante Arvède Barine.

Les jeunes années d’Anaïs Nin

Après l’évocation des relations tumultueuses entretenues par Anaïs Nin avec Henry Miller, Nicole Volle nous raconte l’enfance d’Anaïs marquée par l’abandon du père, ses années de formation puis le mariage avec le très et trop sensible Hugh Guiler.

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L’enfance 

Barcelone, 1914 : sur le pont du bateau qui l’emmène aux États-Unis, avec sa mère Rosa, et ses deux jeunes frères Thorvald et Joaquin, une petite fille de 11 ans, Anaïs, pense à son père, passionnément admiré, et qui les a abandonnés. Elle s’imagine « n’avoir pas su le garder. »

Elle commence à écrire, en français, une longue lettre à l’absent, lui contant les péripéties du voyage et ses propres sentiments. C’est l’amorce de son Journal, où elle se réfugiera quotidiennement pour, dit-elle, « penser mes propres pensées, me raccrocher à moi-même, à mon âme. » L’abandon du Père est la clé de la personnalité d’Anaïs. 

Anaïs Nin est née à Neuilly, le 21 février 1903. Sa mère, Rosa Culmell, d’origine danoise, a été élevée dans la haute société cubaine. « Ma mère était une jeune fille du monde. Son père était le consul danois à La Havane… Elle avait une belle voix et étudiait le chant… Elle était pleine de vie et d’entrain. » Compositeur et pianiste espagnol de renom, Joaquin Nin, le père d’Anaïs, sillonne les routes de France et d’Europe au gré de ses concerts, et les déménagements rythment la vie de la famille. Grand séducteur, homme égoïste et futile, il jette sur sa fille des regards ambigus : « il aimait prendre des photos de moi, tandis que je me baignais. Il me voulait toujours nue. » Plus tard, il l’appellera « la laide petite fille », et elle n’aura de cesse, toute sa vie, « de plaire à mon père, de plaire au monde entier », pour être aimée et rassurée. Rosa, qui était cantatrice, a abandonné sa carrière pour se consacrer à son mari et à ses enfants. Mais les nombreuses liaisons du père créent une vive tension dans la famille. 

En 1913, Anaïs tombe gravement malade : « pour ma convalescence, nous sommes allés à Arcachon où Papa se trouvait déjà…Quelques mois plus tard, Papa nous quitta, apparemment pour une autre tournée de concerts, mais en réalité sans la moindre intention de retour. « 

Réfugiée un temps avec ses enfants à Barcelone, Rosa part retrouver ses sœurs à New-York et compte sur une forte communauté musicale pour vivre. Dès son arrivée, Anaïs juge la ville inhospitalière. Son journal, qui est son moyen de survie, ne la quitte plus. Rosa la surnomme la petite fille qui écrit trop. Souvent malade, Anaïs s’absorbe dans ses lectures : « je lisais avidement, avec ivresse et par ordre alphabétique, les livres de la bibliothèque. » Mais la vie est rude aux États-Unis. Anaïs a 15 ans, et doit arrêter ses études pour gagner un peu d’argent. Elle sera mannequin. Elle n’est plus la fervente petite catholique espagnole de son enfance, ayant « perdu mes illusions », écrit-elle, sur un Dieu qui n’exauçait pas mes prières (le retour de mon père). À 19 ans, Anaïs est une belle jeune fille, gracile, romantique et prude, qui oscille entre la soif d’aventures et le désir d’introspection. Elle découvre son grand pouvoir de séduction. 

La fiancée, la jeune mariée

Dans un bal, Anaïs a rencontré le beau et sensible Hugh Guiler.

Né à Boston, issu de la haute bourgeoisie protestante, il a étudié la littérature anglaise et l’économie à l’Université de Columbia, et travaille à la National City Bank of New-York. Il écrit des poèmes et tient, lui aussi, un journal. Anaïs et Hugh se fiancent en secret malgré l’hostilité des deux familles. Les parents d’Hugh envoient leur fils en Europe, Rosa fait partir sa fille à Cuba.

Le 3 mars 1923, ils se marient dans une petite église de La Havane. Anaïs a 20 ans. Elle aime son mari mais elle doit affronter lesdémons d’une imagination trop sensible, et se rendre à l’évidence. « Un homme gentil au cœur noble m’ennuie,  mes préférés sont pleins de défauts. »