Louveciennes, comme d’autres communes d’Ile-de-France, fait face à une forte pression immobilière encore accrue par la loi SRU ce qui conduit à une densification dangereuse. Les lois de protection de l’environnement, lorsqu’elles sont appliquées, semblent peu efficaces. Parmi les outils à la disposition des communes pour faire face à des évolutions négatives, il existe l’AVAP qui une servitude d’utilité publique créée par la loi du 12 juillet 2010 appelée « Grenelle II » et qui mériterait d’être introduite à Louveciennes.
Jean-Claude Gonneau, l’auteur de l’article qui suit, habite à Louveciennes depuis près de vingt ans. Il est Délégué régional des Vieilles Maisons Françaises, une des principales associations de défense du Patrimoine reconnue d’ intérêt public en 1958, Délégué Régional de la Fondation du Patrimoine pour la Région Hauts-de-France et par ailleurs membre de la Commission nationale des Monuments Historiques (2011-2015).
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En cette fin d’été 2016, les Louveciennois ont probablement été surpris d’apprendre à leur retour de vacances qu’un nouveau projet domiciliaire de 60 à 90 logements était prévu au pied des Arches sur un terrain longtemps considéré comme non-constructible. Que s’est-il passé ? L’Architecte des Bâtiments de France n’a rien trouvé à redire à ce projet alors qu’en principe son rôle est de faire respecter les décisions de classement.
Me direz-vous, cela gêne-t-il beaucoup au moment où la commune a des difficultés financières ?
Oui, bien sûr. Il apparaît que cette décision est éminemment discutable puisqu’il existe une alternative qui n’aurait en aucun cas affecté les Arches et dont on peut légitimement s’interroger sur le fait qu’elle n’ait pas été mentionnée ou étudiée par le conseil municipal.
Les touristes qui vont à Rome ou en Egypte sont régulièrement choqués par les constructions intempestives qui parfois prennent appui sur des bâtiments plusieurs fois centenaires et parfois millénaires, mais jusqu’à présent, ceci n’arrivait pas en France. Cet état de fait regrettable est en train d’arriver près de chez nous, dans les Yvelines, un département qui s’enorgueillit légitimement de son patrimoine. A ce rythme, que restera-il de « Louveciennes, mon village », célébré par Monique et Jacques Laÿ.
Que devient le « Pays des Impressionnistes » à l’heure des Intercommunalités aveugles et des objectifs soviétiques de logements sociaux qui rappellent furieusement le Gosplan de l’ Union Soviétique dont on peut juger les effets destructeurs, aujourd’hui encore sur la Russie.
Ne faudrait-il pas envisager de doter à Louveciennes d’une AVAP, disposition au coût modeste mais aux effets très bénéfiques ?
Rappelons brièvement ce qu’est une AVAP (Aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine).
Une AVAP est une servitude d’utilité publique créée par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, communément appelée « Grenelle II ».
Une AVAP peut être créée sur des quartiers, des espaces bâtis, des sites non bâtis ou des paysages, situés autour de monuments historiques ou non, pour des motifs d’intérêt culturel, architectural, urbain, paysager, historique ou archéologique. Ces espaces peuvent n’avoir jamais fait l’objet d’une mesure de protection.
Elles ont pour objet la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable.
Ayant un objet voisin des autres dispositifs de protection relevant du patrimoine naturel ou bâti, elle ne s’y superpose généralement pas.
La ferme de la Mi-côte – Etat actuel – Photo de Jean Claude Gonneau
La ferme de la Mi-côte avant sa destruction – Photo JM Laÿ (*)
A la base d’une AVAP, un diagnostic
Annexé intégralement au dossier. Son absence constitue un vice de forme. Il comprend deux parties, l’une relative au patrimoine architectural, urbain, paysager, historique et archéologique, l’autre à l’environnement.
La seconde partie relative à l’environnement reprend et complète en tant que de besoin l’analyse environnementale du Plan local d’urbanisme (PLU).
L’existence d’une AVAP à Louveciennes aurait permis au conseil municipal de prendre en compte ce monument historique majeur que sont les Arches et aurait conduit naturellement à envisager une alternative au site choisi. Le conseil municipal devrait se souvenir que ses décisions doivent aussi être prises dans l’intérêt de tous les Louveciennois et que négliger son patrimoine historique majeur au nom de considérations de très court terme est une mauvaise action. C’est aussi une infraction à l’article 7 de la loi sur l’Environnement qui stipule que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». Cet article 7, en pratique, fait obligation de consultation du public et à tout le moins des associations qui portent la voix du public.
Il nous semble urgent que le conseil municipal revienne sur la décision hâtive prise le 7 juillet 2016, date qui ne permettait pas à la population d’être informée et de réagir dans les temps. C’est une mauvaise habitude fréquente et peu démocratique que de lancer des enquêtes publiques au début des vacances de sorte qu’à leur retour de vacances les citoyens concernés ne puissent pas utiliser les délais de recours déjà épuisés. Nous aurions souhaité que l’équipe en place ne reprenne pas à son compte les pratiques douteuses utilisées ça et là, à Bougival notamment, pour le déclassement d’un terrain non-constructible derrière la Maison du Contrôleur de la Machine.
Jean-Claude Gonneau
(*) Jacques et Monique Laÿ consacrent dans leur récent ouvrage « Louveciennes Histoire & Rencontres » de nombreuses pages à l’histoire très intéressante de la ferme de la Mi-côte (pages 259 à 267).