Le Préfet des Yvelines vient d’émettre un avis défavorable sur le projet de Plan local d’urbanisme (PLU) révisé qui lui a été soumis (1). En cause : l’insuffisance du nombre de logements sur le site de Villevert. Il en veut 600 au lieu des 350 prévus dans le PLU révisé. Il veut également qu’on limite à 35 % le pourcentage de logements sociaux contre les 60 % inscrits dans le projet. Le Préfet n’a pas jugé utile d’indiquer comment il est arrivé à ce chiffre de 600. Ce chiffre n’est certes pas nouveau, il avait été donné antérieurement, mais oralement, des chiffres bien supérieurs avaient également circulé.
En 2014 déjà, le PLU d’origine avait également donné lieu à un avis défavorable du représentant de l’Etat, « compte tenu des choix retenus pour le site de Villevert ». A l’époque cependant le Préfet avait longuement motivé son avis (2).
Cette fois, les impacts dus à la réalisation de 600 logements sont superbement ignorés (impacts en matière de circulation, de commerces, d’équipements et de services publics, …). Bref la copie délivrée donne l’impression d’un travail bâclé.
Voyons les choses de plus près.
L’avis défavorable a été transmis au maire de Louveciennes, Pierre-François Viard, par un courrier en date du 7 avril 2017 (3).
On apprend que le Préfet avait mis en garde le maire avant l’approbation du PLU révisé par le conseil municipal en décembre 2016. En effet, dans une lettre daté du 22 avril 2016, le Préfet lui faisait des propositions, consistant à organiser en « deux phases l'aménagement des logements sur le site de Villevert, comportant une première phase de 350 logements, puis une seconde phase de 250 logements conditionnée à une étude d'impact de la première phase. Cette proposition permet de ne pas consommer l'intégralité du foncier prévu dans la partie résidentielle du programme pour réaliser les 350 premiers logements. » Il proposait également « un taux de logements sociaux de 35 % sur l'ensemble de l'emprise, compatible avec ce type de quartier. »
Constatant qu’aucune modification n’a été apporté dans le sens qu’il souhaitait, le Préfet conclut en ces termes : « « je suis au regret de vous faire savoir que j'émets un avis défavorable sur ce projet, dont j'attends qu'il puisse évoluer substantiellement dans le sens de la proposition que j'ai formulée. »
On peut également relever un passage dans le courrier où il est dit que « l'orientation d'aménagement et de programmation sur le secteur de Villevert doit être largement retravaillée sur son volet résidentiel. En effet, la programmation de logements envisagée sur ce secteur est incompatible avec les objectifs que porte l'État en termes de densité de logements et de mixité sociale dans cette partie du territoire. Il est nécessaire d'y assurer une meilleure mixité de l'offre, et donc du peuplement (sic) ». Le Préfet demande par ailleurs au maire de « démontrer le besoin à l’échelle intercommunale d'une résidence dédiée prévue sur ce site. »
Consolation. Le Préfet salue la qualité technique du projet de PLU, « notamment la clarté de la rédaction et la précision de ses OAP » (Orientations d’Aménagement et de Programmation).
La position de l’Etat exprimée par son représentant, appelle de nombreux commentaires :
1. La compétence en matière d’urbanisme appartient aux élus locaux depuis 1983 et non à l’Etat, le préfet ne peut s’opposer à un PLU que si celui-ci contrevient à la loi (pour l’essentiel au code de l’urbanisme) et s’il est incompatible avec le Schéma directeur de la Région Ile-de-France. Si sur certains points mineurs, le Préfet a demandé quelques corrections en fonction de telles ou telles prescriptions existantes, en revanche il ne s‘appuie sur aucun texte légal précis pour récuser le choix de 350 logements et pour lui préférer celui de 600 logements.
2. Le Préfet parle « d’objectifs que porte l’Etat en termes de densité de logements et de mixité sociale ». Il convient de distinguer entre l’objectif qui est de l’ordre du souhait et l’obligation légale qui expose à des sanctions en cas de non-respect. Le précédent Président de la République avait comme objectif l’inversion de la courbe du chômage, personne n’a prétendu que le fait de ne pas y arriver était illégal même si cela était coûteux pour lui en termes politiques. L’Etat, la Région, la Métropole du Grand Paris se sont donnés comme objectif la construction de 70.000 logements par an en Ile-de-France ; cet objectif n’a pas été atteint durant de longues années, il semble que selon des selon les chiffres les plus récents l’objectif est en passe d’être dépassé. On comprend que pour atteindre l’objectif des 70.000 logements, le Préfet et le Sous-préfet de Saint-Germain aient jeté leur dévolu sur un espace « libre » comme Villevert et privilégient l’habitat de préférence à la vocation économique, qui elle migre vers des terrains du Nord et l’Est parisien. La mixité sociale en revanche se traduit par des objectifs mais également par des obligations légales bien connues, le respect du taux de 25 % de logements sociaux en 2025.
3. Il est souvent fait référence à l’article 121.1 du code de l’urbanisme qui comporte les grands principes que doivent s’efforcer de satisfaire les différents acteurs intervenant en matière d’urbanisme (4). La portée juridique effective c’est-à-dire contraignante de ces grands principes est incertaine. Déjà en 1992, le Conseil d’Etat dans son rapport général mettait en garde contre les législation trop bavardes (et depuis elles se sont succédées). Il écrivait qu’ « il faut éviter d’introduire dans les projets (de loi) des dispositions généralement consacrées à des déclarations de principe ou à la présentation de la philosophie du texte. En effet, les lois ont pour objet d’autoriser, d’ordonner, d’interdire, de créer des droits et des obligations. Non seulement l’énoncé des principes généraux alourdit le débat, mais une fois adopté, il peut créer des difficultés juridiques. »
4. Le Préfet néglige le fait que les terrains de Villevert appartiennent à une société privée. Il s’agit là d’un tropisme habituel des représentants de l’Etat qui considèrent qu’en France tout appartient ou tout doit être contrôlé par l’Etat.
5. Le fait de construire 600 logements à Villevert avec un maximum de 35 % de logements locatifs aidés entraîne mécaniquement un besoin de réaliser sur d’autres sites 210 logements sociaux à moins de réviser en profondeur les projets sur les autres zones.
6. Le Préfet ignore superbement les conséquences très négatives d’une urbanisation massive sur la vie des Louveciennois : la circulation et le stationnement deviendront impossibles, les finances de la commune déjà mises à mal par l’Etat s’aggraveront,…
7. L’enquête publique en cours va certainement montrer le peu d’enthousiasme des habitants de Louveciennes pour les propositions du Préfet.
Et maintenant ?
Deux possibilités s’offrent au maire de Louveciennes :
soit repousser l’adoption définitive du PLU pour étudier les arguments et les propositions de l’Etat,
soit, sûr de la justesse de ses positions, choisir « un passage en force ».
FK
(1) Cf notre article du 13 janvier 2017 « L’urbanisation de Villevert selon le PLU révisé » >>>>>http://louveciennestribune.typepad.com/media/2017/01/lurbanisation-de-villevert-selon-le-plu-révisé.html
(2) Nous avons publié sur le sujet un article le 1er novembre 2011 auquel on peut se référer >>> http://louveciennestribune.typepad.com/media/2011/11/plu-avis-défavorable-du-préfet.html
(3) La lettre du Préfet est signée par délégation par le Secrétaire général, Julien Charles, et a pour en-tête la « Direction Départementale des territoires - Service Planification ». La lettre est suivie de trois annexes : Remarques principales, Remarques complémentaires, Remarques de rédaction du règlement. L’avis peut être consulté sur le site de la Mairie comme d’ailleurs ceux de toutes les personnes publiques associées
>>>> http://www.mairie-louveciennes.fr/download/CADRE_VIE/REVISION_PLU/Avis_PPA/ppa_etat_7.04.2017.pdf
(4) L’article L121-1 du code de l’urbanisme :
« Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable :
1° L'équilibre entre :
a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ;
b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;
c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ;
1° bis La qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville ;
2° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements et de développement des transports collectifs ;
3° La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature. »
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