Série de l’été (1/6) - Prologue
Louveciennes était connue jusqu’à présent pour son aqueduc, son histoire, les personnages illustres qui y ont habité, les tableaux des impressionnistes accrochés dans les plus grands musées, ses espaces boisés, ses sites classés et ses authentiques châteaux (Château du Pont, Château de Voisins, Château de Madame Du Barry,…).
Au début de ce XXIème siècle, à l’heure de la mondialisation et d’internet, un buzz d’enfer s’est fait autour d’un château nouvellement construit dit « Château Louis XIV », en fait un pastiche du merveilleux château de Vaux-le-Vicomte, de Nicolas Fouquet, surintendant des finances qui fut brutalement destitué et emprisonné par le roi-soleil.
Nous avons été informés à satiété par la presse nationale et internationale, les chaînes de télévisions, les réseaux sociaux, sur la magnificence du nouveau château, sur son prix astronomique, sur son promoteur et son propriétaire, un prince du Moyen-Orient.
A son tour, La Tribune de Louveciennes succombe à cette manie d’informer sur la vie des « peoples » avec peut être l’excuse de s’intéresser, depuis sa création, à ce qui touche de près à la commune, et après tout, ce fameux château y est installé.
(Le château Louis XIV de Louveciennes - Photo Plendi)
Nous vous proposons cinq articles sur ce thème.
Le terrain sur lequel vient d’être édifié le château « Louis XIV » a une histoire qui débute en 1699. A cette date, Louis XIV décide la création sur le territoire de Louveciennes du camp du Régiment du Roy. Le but du monarque est double : d’une part s’assurer de la présence à courte distance de Versailles, d’un corps de soldats pouvant mettre de l’ordre en cas de troubles dans la ville royale, mais aussi d’hommes susceptibles d’abandonner leur uniforme pour se transformer en terrassiers, dans le cadre du nouveau cycle d’aménagement du parc de Marly. A la mort de Louis XIV, le camp est abandonné et le terrain revient à l’état de friche. Par la suite, la propriété changera souvent de main. En 1880, son propriétaire d’alors, Charles Emile Clerc fait construire une grande demeure qu’on appellera le château du Camp. Dans les années 1990, la demeure, inhabitée, sera mise en vente et le restera longtemps. Entretemps, elle sera pillée, squattée et taguée avant de trouver une nouvelle vie, grâce à Emad Khashoggi. Cette histoire nous est racontée par Jacques et Monique Laÿ et tirée de leur ouvrage - incontournable - « Louveciennes Histoire et Rencontres ».
>>> Le camp du Roi-Soleil
>>> Emad Khashoggi, un passionné des demeures du XVIIème siècle
« C’est un projet de longue date que j’avais conçu et dessiné il y a plus de quinze ans. Je l’ai gardé en espérant pouvoir trouver un jour le terrain idéal… » C’est en 2008 qu’Emad Khashoggi découvre la propriété du Camp, son histoire et son emplacement unique, à quelques kilomètres de Versailles et de son château.
Pour son projet, Emad Khashoggi épaulé par l’équipe de sa société la Cogemad a réuni les compétences nécessaires pour le mener à bonnes fins. Pierre Bortolussi, architecte en chef des monuments historiques a prodigué ses conseils notamment pour les façades et les toitures, Jean-François Régis, l’architecte-paysagiste a fait de même pour les jardins.
Il s’appuie sur des entreprises spécialisées dans la restauration de monuments historiques. 24 des entreprises partenaires sont labellisées Entreprise du Patrimoine Vivant et ont à leur actif des restaurations comme le Grand Palais, l’opéra Garnier, le Château de Versailles.
Les travaux vont durer deux ans et demi, ce qui est exceptionnel court surtout si on le compare au vrai château de Vaux-le-Vicomte dont la construction s’est étalée sur près de cinquante ans. Il est vrai qu’avec les techniques et les matériels modernes tout va beaucoup plus vite. Mais si les bases sont en béton, le reste a été réalisé comme à l’époque. Ainsi la charpente a été assemblée à l’ancienne avec un système de tenons et de mortaises, puis recouverte d’ardoises d’Angers, pour la façade, 13.000 éléments de pierre taille de Saint-Maximin ont été posées, les bas-reliefs ont été sculptés à la main.
Le bâti et les décors ont été réalisés simultanément. 120 ouvriers et artisans en moyenne travaillaient chaque jour sur le chantier.
>>> Le château Louis XIV, du rêve à la réalité
Achevé en 2012, « le château Louis XIV » a mis trois ans pour trouver un acquéreur. La propriété n’a été vendue qu’en septembre 2015 par la société française spécialisée dans l’immobilier de luxe, Daniel Feau, membre du réseau Christie’s. La vente s’est faite au prix de 300 millions de dollars soit 275 millions d’euros selon une annonce faite par l’agence Bloomberg. Pendant de longs mois, les médias et les réseaux sociaux ont titré, à satiété, sur « le château le plus cher du monde ». A l’époque, rien n’avait filtré sur le nom du nouveau propriétaire, si ce n’est qu’il était originaire du «Moyen-Orient ». C’est en décembre 2017, que le New York Time (NYT), après une longue enquête journalistique a mis fin au suspense en dévoilant que l’acquéreur, à travers des sociétés écrans, était Mohammed Ben Salman, prince héritier du royaume d’Arabie.
>>> Le château Louis XIV a trouvé son acquéreur, le prince héritier du royaume d’Arabie
Le château Louis XIV de Louveciennes se présente comme une copie pleinement assumée du château de Vaux-le-Vicomte avec quelques emprunts faits au château et aux jardins de Versailles.
Copie, pastiche, imitation, réplique, est-ce que cela à un sens au début du XXIème siècle ? On peut légitimement s'interroger sur la question de la frontière entre une copie respectable et une copie flirtant ou pleinement kitch.
>>> Le château Louis XIV : interrogations autour de la signification d’une copie
Bonne lecture.
(Château Louis XIV - La nuit - Photo Cogemad)