Construire des logements sociaux à Louveciennes constitue une obligation légale (afin de respecter la loi SRU), c’est également souhaitable pour répondre à des besoins souvent exprimés afin de faciliter les parcours résidentiels, intégrer les jeunes générations, sécuriser des seniors. La « Résidence de la Haute-Barre », intergénérationnelle, apporte à cet égard une solution dont le fonctionnement sera observé avec intérêt.
Le manque actuel et futur en médecins généralistes libéraux, s’il n‘est pas propre à Louveciennes, constitue une préoccupation d’une population vieillissante qui souhaite avoir proche d’elle ces praticiens. Le rôle du médecin traitant, dans l’immense majorité des cas un généraliste, est un maillon essentiel du système de santé puisqu’il est chargé de coordonner le parcours de soins des patients. La création annoncée de deux pôles médicaux, l’un au centre commercial des Clos, l’autre au coeur du village se veut une réponse pour faire face au déficit en médecins généralistes.
Florence Esnault, maire-adjoint aux Affaires sociales, Anne-Laure Pozzo-Deschanel, maire-adjoint à l’Urbanisme et Henri Douady, conseiller municipal délégué à l’accessibilité et membre de la Commission action sociale et politique familiale nous ont accordé un entretien qui donne l’occasion d’approfondir ces dossiers.
Une première à Louveciennes
Les éléments juridiques, financiers, architecturaux de la « Résidence de la Haute-Barre » qui sera réalisée sur les terrains Gaudet, ont été rendus publics à l’occasion de la séance du conseil municipal du 21 février 2019 et que nous avons présentés dans un article de La Tribune de Louveciennes (1).
(Résidence intergénérationnelle de la Haute-Barre - vue partielle - rue du Général Leclerc)
Rappelons que le projet porte sur 44 logements sociaux, que c’est le bailleur social Immobilière 3F, qui après un appel d’offre, a été retenu pour réaliser cette opération, et que la commune lui vendra les terrains pour 1,9 M€.
La demande de permis de construire a été déposée le 1er mars 2019 et comme le précise la maire-adjoint à l’urbanisme « il sera délivré au plus tard fin juin. Comme il s’agit d’un établissement recevant le public (ERP), notamment en raison de l’existence d’une salle commune, les délais d’instruction sont très longs. La commune espère vendre le terrain courant juillet, les travaux pourraient débuter en fin d’année. La mise en service est prévue fin 2020/1er trimestre 2021.»
La résidence avec ses 44 logements sociaux se compose de la manière suivante : 9 studios (30/35 m2), 27 deux pièces (42/48 m2) et 8 trois pièces (62/67 m2). 9 de ces logements seront plus particulièrement destinés à des personnes âgées avec des aménagements spécifiques (ce qui ne veut pas dire que seuls 9 logements seront réservés aux séniors). Quelques ajustements restent possibles. On constate que ces logements offrent des surfaces tout à fait correctes. La résidence disposera d’un gardien qui habitera sur place.
L’ensemble comprend également, un nombre a priori suffisant d’emplacements de stationnement (46 en sous-sol, 6 en extérieur). Il faut cependant introduire un bémol en ce sens que les locataires d’une HLM ne sont pas obligés de louer un parking, « la loi ne le permet pas ».
Florence Esnault a souligné la qualité du travail de l’architecte qui « a bien compris l’esprit de Louveciennes. Elle est très réactive, très astucieuse. »
Le concept de « résidence intergénérationnelle » consiste à réunir dans une même résidence des personnes de différents âges, des jeunes, des séniors, des couples, des couples avec enfant…. Florence Esnault et Henri Douady, sont allés voir de près comment fonctionnait ce type de résidence notamment à Jouy-en-Josas et à Ivry-sur-Seine. « Nous avons demandé à l’association « Génération » qui a une compétence affirmée de nous accompagner, en amont pour la définition exacte du projet puis d’assurer la gestion. » 3 F reste le propriétaire comme pour des HLM classiques.
La résidence se veut «un microcosme représentatif de la population. Si l’on veut que la résidence vive et ne soit pas une annexe d’une maison de retraite, il faut respecter un équilibre. 20% est le taux de séniors conseillés. Dans les maisons visitées, celle d’Ivry par exemple, ce sont les couples jeunes souvent avec enfant, qui sont moteurs. »
La participation à la vie collective est souhaitée. Sont prévus pour diverses activités, sur une surface d’environ 90 m2, une salle de réunion, une kitchenette, une mini-bibliothèque, un bureau. On soulignera que la Mairie a tenu à ce que que cet espace soit également ouvert vers l’extérieur, ouvert à tous les Louveciennois. « Une synergie entre l’association et le CCAS, la Maison Amanda, le pôle jour de la Maison Saint-Joseph est envisagée. »
Dans cet esprit, il est prévu le recrutement d’un animateur dont le salaire sera assumé par Immobilière 3F, sans que cela ne se répercute ni sur les charges des locataires, ni sur les finances de la commune.
Quels seront les bénéficiaires de ces logements ?
Il s’agit de logements sociaux qui s’adressent à des personnes sous conditions de ressources. Sans entrer dans les détails, on retiendra qu’il existe quatre catégories de logements aidés, suivant les prêts et subventions accordés aux organismes, lors de la construction de l’immeuble :
- le PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) réservé aux personnes en situation de grande précarité ;
- le PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) correspond aux HLM traditionnelles ;
- le PLS (Prêt Locatif Social) et le PLI (Prêt locatif intermédiaire) attribués aux familles dont les revenus sont trop élevés pour pouvoir accéder aux locations HLM traditionnelles et trop bas pour se loger dans le secteur privé.
Les candidats sont sélectionnés dans le cadre d’ « une commission d’attribution » composée du bailleur, d’un représentant de la Mairie, d’un représentant du Préfet. En fonction des ressources qu’ils ont apportées, les financeurs (Etat, collectivités, Action logement anciennement 1 % logement) disposent d’un contingent de logements qu’ils attribuent aux candidats en fonction de leur situation familiale, de leurs revenus et de leur état de précarité… Dans le cas de la résidence de la Haute Barre, la répartition entre les catégories de logements aidés sera la suivante : PLAI (10), PLUS (23) et PLS (11). Environ 80 personnes habiteront cet ensemble. Sur la question de la mixité sociale, « les problèmes ne viennent pas nécessairement de populations fragiles contrairement à ce que certains pensent » tient à faire remarquer Florence Esnault.
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Du manque de médecins généralistes à la création de pôles médicaux
Le risque de désert médical à Louveciennes a été évoqué (2), cette notion est cependant fortement contestée par Henri Douady qui fait remarquer que si l’on « tient compte de l’ensemble Louveciennes-Bougival, le chiffre de 3 généralistes à Louveciennes est porté à 10 médecins soit 1 médecin pour 1400 habitants» ; la commune reste néanmoins confrontée a un manque de médecins généralistes, à sa porte, qui risque de s’aggraver. Il convenait de réagir. Comme le souligne, Henri Douady, qui a lui même exercé de longues années à Louveciennes en tant que médecin généraliste, les conditions d’exercice de la médecin libérale ont profondément changé, les jeunes médecins ne veulent plus exercer isolément, ils souhaitent avoir des horaires compatibles avec le mode de vie actuel. Le besoin en spécialistes, en revanche, ne se pose pas. Ces médecins sont nombreux aux alentours, en libéral ou dans les hôpitaux (Mignot, Foch) et cliniques (Parly II, Clinique de l’Europe).
L’idée de départ était d’attirer des médecins généralistes dans le cadre d’une Maison médicale, modèle qui s’est développé en France, elles sont de l’ordre de 800 actuellement.
Florence Esnault a retracé les trois ans de travail qui ont abouti à la solution retenue. « Lors du diagnostic initial, les praticiens, les généralistes, les paramédicaux voulaient une très grande maison médicale située au milieu de la commune sauf que c’est compliqué, on n’avait pas de local après avoir fait toutes les démarches possibles. Au final on s’est aperçu que les besoins de la population allaient plutôt vers la création de deux pôles. L’Agence régionale de santé (ARS) a validé nos propositions et va nous accorder des subventions. Pour eux, c’est nouveau mais ils ont constaté qu’entre l’âge de la population, sa répartition topographique, un pôle au coeur du village, un autre près de la gare, au centre commercial des Clos, étaient la solution qui devait s’imposer.»
Au centre commercial, la commune disposait des locaux vides de l’ex halte-garderie, au-dessus de la pharmacie des Clos. Ces locaux d’environ 180 m2, avec de larges baies vitrées, permettent l’installation de 2 généralistes voire 3, restent une ou deux surfaces possibles pour des paramédicaux. Des professionnels se sont déclarés intéressés, des néo-Louveciennois, qui ont été impliqués dans le projet. « On ne veut pas comme dans certaines maisons médicales se retrouver avec un coach de vie, un nutritionniste … et pas de généralistes.»
Ces locaux continueront à être la propriété de la commune ; ils seront aménagés en respectant notamment les normes ERP (« Etablissement recevant le public »). Ainsi un ascenseur sera construit.
Ce pôle pourrait commencer à fonctionner courant de l’année 2020. La mairie se refuse toutefois de donner une date précise car les processus d’agrément sont souvent longs et peuvent réserver des surprises (découverte d’amiante par exemple).
S’agissant du pôle du coeur du village, deux généralistes exercent déjà sur place, chacun à mi-temps ce qui offre « une amplitude d’intervention importante». En revanche, les nouveaux locaux ne sont pas encore trouvés, et à ce stade, « on en est à la faisabilité. Tous les locaux ne se prêtent pas à la transformation en cabinet médical, se pose notamment la question de l’accessibilité.» (3)
Sur un plan financier, la commune restera propriétaire des locaux, elle retirera un loyer de la part des occupants ; elle a prévu d’investir 700.000 € en 2019 et un montant équivalent en 2020. Elle pourra obtenir des subventions pour l’immobilier et les agencements.
Les généralistes, en tant que libéraux, seront libres d’organiser leur cabinet comme ils l’entendent. On peut toutefois souhaiter qu’une certaine coordination se réalise entre eux et qu’on ne se trouve pas, comme on a pu l’observer ailleurs, avec des médecins individualistes qui n’arrivent pas à s’entendre sur leurs dates de vacances ou sur l’utilisation de logiciels communs.
En résumé, la Mairie n’a pas retenu la solution d’une « maison médicale », certes plus ambitieuse, regroupant tous les médecins généralistes, souvent salariés, des spécialistes, des paramédicaux, un secrétariat. Elle a préféré une solution plus modeste, de nature immobilière, solution qui consiste à créer et donner en location des surfaces très bien aménagées qui doivent permettre d’attirer des médecins généralistes de qualité. Florence Esnault souligne que « ce sont des gens qui veulent être ensemble mais conserver leur liberté. Ils seront décisionnaire. La Mairie ne s’immiscera pas dans le fonctionnement.»
Les deux pharmaciens de Louveciennes ont été également inclus dans la concertation ; les pharmacies ne sont plus aussi florissantes que par le passé, elles subissent des pressions sur leur marge et la concurrence de plus grandes surfaces comme l’une des pharmacies de Parly 2.
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Le sort incertain de la résidence Montbuisson
Les personnes âgées qui étaient hébergés dans la résidence médicalisée Montbuisson de 59 lits, gérée par le groupe Domusvi, ont quitté Louveciennes pour gagner un lieu plus moderne, plus adapté à Noisy-le-Roi.
(La résidence Montbuisson)
Depuis cette date, les locaux sont inoccupés. Leur sort est en suspens. Comme le précise Anne-Laure Pozzo-Deschanel, le Plan local d’urbanisme prévoit 100 % de logements sociaux à cet emplacement. « Les bâtiments sont plutôt à garder. » Des bailleurs sociaux ont été sollicités pour faire des propositions de rachat aux propriétaires. La difficulté réside dans le fait que si les pièces communes appartiennent à Domusvi, les différentes chambres sont la propriété d’une trentaine de personnes et que les propositions qui leur ont été faites leur paraissent généralement insuffisantes. « Ils ont pourtant déjà récupéré leur investissement qui était d’ailleurs défiscalisé. » Il est vrai qu’une vente effectuée à un bailleurs social se fait à un prix de moitié inférieur à celui qui serait obtenu d’un promoteur privé.
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Sur quelques aspects de l’offre de santé
Ont également été évoqués quelques aspects du suivi des patients des maisons de retraite implantées à Louveciennes (Saint-Joseph 120 places, Clairefontaine-Le Coeur-Volant 102 places). Henri Douady, indique que chaque établissement EHPAD dispose d’un médecin coordinateur « qui est un peu le directeur médical ; son rôle est de coordonner les soins et d’informer le personnel mais il n’est pas prescripteur. Il n’a pas le droit de soigner sauf en cas d’urgence. Chaque résident à son médecin traitant libéral. Chaque médecin à sa clientèle. On peut dire que la personne est mieux pris en charge dans ces maisons que si elle était chez elle, on envoie très peu aux urgences. »
A une question portant sur l’absence d’un laboratoire d’analyse médicale à Louveciennes (celui de la rue Vigée Lebrun ayant été fermé depuis de longues années) il a été précisé que les conditions ont beaucoup changé. « Vous n’avez plus de laboratoires d’analyses de petite taille, vous avez des préleveurs qui sont adossés à de gros labos. Sans aller nécessairement chez le préleveur le plus proche, celui de La Celle Saint-Cloud (Caravelle), il est tout à fait possible de confier le soin d’une prise de sang à une infirmière. »
Entretien réalisé en mairie mardi le 10 avril 2019
(1) Cf l’article du 15 mars 2019 « Une résidence intergénérationnelle à Louveciennes » >>>>>>>> https://louveciennestribune.typepad.com/media/2019/03/une-résidence-intergénérationnelle-à-louveciennes.html
(2) Cf l’article du 31 janvier 2016 « Louveciennes, prochain désert médical ? » >>>> https://louveciennestribune.typepad.com/media/2016/01/louveciennes-prochain-d%C3%A9sert-m%C3%A9dical.html
(3) Une des pistes non évoquée par nos interlocuteurs mais qui circule est la transformation en cabinet médical des locaux du restaurant grec, place de l’église, fermé depuis quelques mois. Ces locaux appartiennent à la commune, plus précisément à la SEM de Louveciennes,….. ; pour la pratique médicale des aménagements substantiels sont à prévoir notamment en terme d’accessibilité.