La campagne électorale qui s’ouvre et qui nous mènera au 15 et 22 mars prochains fera, n’en doutons point, l’objet d’un intense débat sur le futur de Louveciennes. Pour nous en tenir au strict domaine financier, on trouvera ci-après quelques éléments pouvant servir à la discussion.
(Yayol Kusama)
Les bases
- La situation de Louveciennes est financièrement satisfaisante. Il ne semble pas nécessaire de diligenter un audit au début du mandat prochain pour en avoir la confirmation.
- Cette situation n’est pas propre à Louveciennes. La Cour des comptes a confirmé la tendance à l’amélioration des finances publiques locales grâce à la stabilisation des concours de l’Etat succédant à une période de baisse, à une fiscalité locale dynamique (qui devrait s’accentuer en 2019 avec la progression très forte des valeurs locatives cadastrales de 2,2 %) et à la maîtrise des dépenses. Toujours pessimiste sur le comportement des élus, la Cour des comptes craint cependant que ce contexte favorable pourrait inciter les collectivités à relâcher leur effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement (1).
- Les dépenses de fonctionnement ont été globalement contenues. Cela est à mettre au crédit du maire, Pierre-François Viard, et de son adjoint aux finances, Pascal Hervier. Le maire a parlé à ce sujet d’ « un inlassable travail de réduction des coûts et d’optimisation des moyens. » Son adjoint aux Finances a expliqué sa méthode pour faire des économies : axer ses efforts sur les postes qu’il maîtrise en activant l’ensemble des dispositifs disponibles (négociation des contrats, réduction de la consommation de fluides, recentrage des commandes sur un nombre limité de références, recherche d’optimisation de la masse salariale, économies touchant les festivités, etc…).
- L’observateur extérieur a toujours autant de mal pour appréhender les charges de personnel, principal poste de dépenses (de l’ordre de 45 % du total). Aucune véritable analyse de ces charges importantes n’est proposée dans les différents documents de la mairie. Ce poste constitue une véritable « boite noire ». Cette volonté délibérée de non-transparence avait déjà cours sous la précédente municipalité. On ne dispose même pas du minimum : les effectifs répartis par service (sans parler d’une ventilation fonctionnelle pertinente des coûts par fonctions, par services, par politique). De deux choses l’une, où il s’agit d’une politique délibérée de secret sur une matière considérée comme inflammable (mais on se demande bien pourquoi), soit ces chiffres ne sont pas disponibles en mairie (et là on peut se demander comment on peut gérer….).
- Le montant des réserves (« résultats antérieurs ») est de plus de 2 M€ et permet de faire face à un accident conjoncturel.
- L’endettement est revenu à un niveau modéré (5,4 M€ fin 2019) ; depuis des années la commune ne recourt plus à de nouveaux emprunts. Louveciennes dispose ainsi d’une capacité d’emprunt renouvelée, qui peut être intéressante à une époque de taux bas. Encore faudra-t-il trouver des investissements « rentables » (au sens du secteur public).
- La trésorerie est à l’aise (6,4 M€ au 31 décembre 2018) ; elle n’est pas rémunérée et peut-être considérée comme excessive (il existe toutefois 1,6 M€ de « restes à réaliser » en investissement). Un débat récurrent oppose l’opposition au maire-adjoint aux finances ; pour l’opposition cette trésorerie doit être utilisée pour rembourser l’intégralité des dettes de la commune et ainsi économiser des frais financiers. Pour Pascal Hervier, le remboursement des emprunts n’est pas intéressant en raison de l’existence de pénalités imposées par les créanciers si on y procède.
Sujets d’incertitude
- Le site de Villevert (22 hectares), propriété du groupe Unibail-Rodamco-Westfield, est destiné selon le Plan local d’urbanisme à accueillir un centre commercial, des bureaux, un hôtel … et 350 logements dont 60 % de logements sociaux. Les informations qui filtrent sur ce dossier sont très lacunaires, le propriétaire refuse de s’exprimer, la mairie est dans l’expectative (mais dispose-t-elle de tous les moyens pour agir sur ce dossier ?). Certains disent que ce sont des problèmes d’accessibilité qui bloquent le projet mais on a du mal à le croire… En 2017, le maire promettait que le développement du site de Villevert apportera de nouvelles ressources fiscales. « Au total ce seront 20.000 emplois créés et plus d’un million de produit fiscal chaque année, pour revitaliser nos finances. » Ainsi « Louveciennes vivra une nouvelle ère de prospérité économique. » (2). Ces promesses tardent à se concrétiser.
- Après une période de stagnation voire de baisse de sa population (3), Louveciennes connaît et va connaître un accroissement substantiel du nombre de ses habitants. Les programmes immobiliers déjà réalisés (Plains Champs partie basse) ou en cours (Plains Champs partie haute, Tennis de la rue de Voisins, Résidence inter-générationnelle Gaudet) se traduisent ou vont se traduire à court-terme par plus de 800 arrivées. Ces nouveaux habitants seront consommateurs de services assurés par la commune (crèches, écoles maternelles et primaires, restauration scolaire, activités sportives, culturelles, aide sociale, service de l’état-civil,…) ; il s’en suivra mécaniquement une augmentation des charges (sous réserve des gains de productivité). Ces nouveaux habitants apporteront leur écot en terme d’impôts (taxe d’habitation ou son équivalent remboursé par l’Etat, taxe foncière payée par les propriétaires mais non par les bailleurs sociaux) et de recettes provenant de certaines prestations (par exemple la restauration scolaire). Comment se fera l’équilibre entre ces charges nouvelles et ces recettes supplémentaires ? Les financiers de la commune n’ont pas communiqué à ce sujet et les représentants de l’opposition n’ont guère été curieux.
- La loi SRU impose une très forte contrainte sur la commune qui est loin du pourcentage de logements sociaux imposé (soit 25 %). Les opérations immobilières en cours conduisent à une densification très forte voire déraisonnable. L’impact financier de cette loi n’est pas négligeable et témoigne d’un effort de solidarité, certes imposé : subventions aux bailleurs sociaux au titre des surcharges foncières, vente de terrains communaux aux bailleurs sociaux à des prix inférieurs au « prix du marché », pertes de recettes fiscales (taxe foncière) relatives aux nouvelles constructions sociales et dont l’exonération n’est pas compensée par l’Etat.
(Des immeubles sociaux réussis - Croix de Marly - Louveciennes)
Sur la réversibilité de la hausse d’impôt
- En proposant une hausse des impôts en 2016, le maire, Pierre-François Viard, avait déclaré à l’époque assumer « cette mesure impopulaire car elle est la seule solution pour assurer l’avenir de Louveciennes » ; il reconnaissait qu’il avait été conduit à « revenir sans ambiguïté » sur ses « engagements électoraux de non-augmentation de la fiscalité sur la durée du mandat » (4). Pour André Vanhollebeke, ancien maire, actuel opposant, cette très forte augmentation des impôts locaux n’était pas justifiée. Pascal Leprêtre, représentant de l’opposition de gauche (Louveciennes PLUS, PS) était sur la même ligne.
- Au vu de l’amélioration de la situation financière de la commune, on aurait pu penser que le maire s’oriente vers l’annulation de l’augmentation des taux d’imposition de 2016. Il aurait parfaitement pu argumenter de la manière suivante : en 2016, on manquait de visibilité en raison de la baisse continue des dotations de l’Etat, la situation est maintenant stabilisée ; dans ces conditions il est possible de proposer un allègement des impôts. Certes, une baisse du taux de la taxe d’habitation pouvait paraître inopportune au moment où l’on supprime totalement cette taxe pour 40 % des Louveciennois dès 2020 (5) et pour les autres en 2023 si les engagements de l’actuel gouvernement sont tenus par le futur gouvernement (…). L’Etat compensant la taxe d’habitation perdue, il n’y a en effet pas lieu de porter l’effort sur cet impôt. En revanche, Louveciennes compte de nombreux propriétaires occupant leur maison ou leur appartement, la baisse aurait pu ainsi s’exercer sur la seule taxe foncière. Il est étonnant qu’en période préélectorale le maire n’ait pas envisagé une telle mesure.
D’autres points pourraient faire l’objet de développements, comme les relations financières délicates avec la communauté d’agglomération. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Nous verrons également apparaître dans les prochaines semaines les propositions des diverses listes qui se présenterons à nos suffrages. La Tribune de Louveciennes et ses lecteurs auront l’occasion de les commenter.
François Kremper
- Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, fascicules 1 et 2 disponibles sur www .ccomptes .fr
- Document distribué à tous les habitants de Louveciennes - Révision du PLU - 1er trimestre 2017
- Evolution de la population de Louveciennes > 2014 = 7.404 habitants > 2015 = 7.335 habitants > 2016 = 7.266 habitants > 2017 = 7.274 habitants
- Louveciennes Echos, n° 58, Septembre 2016
- Les ménages dont les ressources sont inférieures à un certain plafond, soit selon le gouvernement 80 % des Français, ont vu leur taxe d’habitation réduite de 30 % en 2018, pourcentage porté à 65 % en 2019 avant une exonération totale en 2020. A Louveciennes toutefois, moins de 40 % de foyers fiscaux bénéficient du dégrèvement (plus précisément 38,48 % selon les chiffres de 2018). La commune pour sa part sera intégralement remboursée de ces pertes de recettes par l’Etat.
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