En ces temps de crise sanitaire, période frustrante pour l’amoureux du grand écran privé de ses plaisirs, l’offre des plateformes de « streaming » est loin d’être négligeable, elle recèle même des pépites. A admirer certes sur des écrans de dimension plus modeste comme le téléviseur ou l’ordinateur.
« La mission » est une de ces pépites qui vient d’être mise en ligne par Netflix. Il s’agit d’un western, genre devenu rare, mais qui vient de connaître récemment quelques belles réussites comme le « True Grit » (2010) des frères Coen ou « Les frères Sisters » (2018) de Jacques Audiard.
Le film « La mission » réalisé par Paul Greengrass a comme principal acteur Tom Hanks (qui s’est illustré, tout le monde s’en souvient, notamment dans « Forrest Gump », « Saving Private Ryan », « Pentagon Papers » ) et la jeune comédienne allemande Helen Zengel.
L’action se déroule au Texas, en 1870, une année charnière. La guerre de Sécession est terminée depuis cinq ans mais les fractures sont nombreuses. Les Noirs libérés sont loin d’avoir acquis leurs droits civiques et économiques, les Blancs dont le racisme reste ancré dans les esprits gardent une rancoeur contre les troupes d’occupation du Nord, les tribus indiennes, encore présentes, sont pour la plupart d’entre elles sur un pied de guerre.
Jefferson Kyle Kidd, ancien capitaine dans l’armée de la Confédération, donc du côté des vaincus, gagne sa vie, en allant de ville en ville, faire des lectures publiques. Devant des gens, la plupart analphabètes, et moyennant la participation d’une pièce de 10 cents, il lit et commente les articles des journaux en passant en revue « les nouvelles du monde ». Très bon comédien, il manie tour à tour l’humour et la gravité. Le public se passionne pour les nouvelles locales (épidémie de méningite, nouvelles liaisons ferroviaires) mais hurle dès que sont évoquées des informations relatives au Nord du pays.
Sa route va croiser celle d’une jeune fille de 10 ans, Johanna Leonberger, d’origine allemande, élevée depuis plusieurs années par la tribu indienne des Kiowa à la suite du massacre de ses parents. Rescapée après un raid de l’armée contre le campement de la tribu, elle va être renvoyée contre son gré chez sa tante et son oncle, à 600 km de là, dans une communauté allemande.
Jefferson Kyle Kidd, après avoir tenté de la confier aux autorités, accepte, par obligation (morale), de la ramener au domicile de sa parenté. La gamine de 10 ans, Cicada en kiowa, qui ne parle pas anglais, se montre très farouche et n’est pas disposée à retrouver les siens. Ce duo séparé par l’âge, par la langue, entame alors un périple de 600 km de Wichita Falls à Castroville où réside la famille qui reste à Johanna. Ils vont affronter de nombreux obstacles, naturels comme le désert, mais bien plus dangereux, une société violente (les bandits, les propriétaires terriens, les Indiens). Sans dévoiler toutes les péripéties, Kidd apparaît dans la bonne tradition du western comme un homme solitaire qui accomplit sa mission de manière généreuse.
Certains critiques ont reproché au film sont côté conventionnel. C’est vrai. On retrouve les scènes classiques du western : la carriole qui tente d’échapper à trois cavaliers aux idées malfaisantes, une roue se brise, la carriole verse dans le fossé ; une fusillade dans la sierra au milieu d’imposants rochers ; la marche à pied épuisante dans le désert…. Mais tout cela est magnifié par la qualité du travail du directeur de la photo, Dariusz Wolski, et la belle partition musicale de James Newton Howard. On retrouve le charme classique du western et c’est un plaisir.
Les plus cinéphiles auront remarqué la référence à John Ford : à la scène de La Prisonnière du désert (1956) où Ethan (John Wayne) porte dans ses bras sa nièce Debbie La Commanche (Natalie Wood) répond celle où Jefferson Kyle Kidd, en plein désert, porte une Johanna épuisée.
Si Paul Greengrass n’a pas renouvelé le western, il s’est inscrit dans une tradition qui conforte la mythologie d’un monde où le bien finit par l’emporter malgré les épreuves.
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REFERENCES
La Mission («News of the World »), de Paul Greengrass, avec Tom Hanks et Helena Zengel. Film adapté d’un roman de Paulette Jiles (Des nouvelles du monde, La Table ronde, 2018). >>> Sur Netflix
La bande-annonce >>> https://www.youtube.com/watch?v=Rk4rXmgbxZM
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