Après la formidable série The Wire qui se déroule dans les quartiers gangrenées par la drogue de Baltimore et dont nous avons souligné ici les grandes qualités (1), nous venons de découvrir une mini-série passionnante de 7 épisodes, Mare of Easttown qui nous offre une plongée dans l’Amérique profonde, une petite ville industrielle de Pennsylvanie. C’est la grisaille qui domine. Un décor de fils électriques qui pendent, des maisons en bois sans charme particulier. Une population vieillissante, frappée par le chômage, qui vit sur elle-même, coupée du monde ; d’une façon étonnante pour une série américaine les problèmes raciaux ne semblent pas prédominants, le chef de la police, la psychologue sont noirs et entretiennent des relations normales avec les blancs qui représentent, il est vrai, la majorité de la population.
(Kate Winslet dans Mare of Easttown)
On suit le travail quotidien de Marianne Sheehan, Mare pour tout le monde, femme-flic hantée par une affaire non résolue, la disparition, un an plutôt, de la jeune Katie Bailey. Ce qui lui vaut de subir les reproches permanents de la mère de la jeune fille, amie d’enfance de Mare.
Un nouveau drame survient. Une jeune femme, Erin McMenamin, est retrouvée morte, dénudée, dans la rivière, au milieu des bois. Agée de 17 ans, elle était la mère d’un petit garçon.
Mare est chargée de l’affaire ; on lui adjoint un jeune collègue prometteur de la police du comté, Colin Zabel, connu pour avoir brillamment résolu un « cold case ».
L’enquête sur le crime va se dérouler tout au long des épisodes, d’une manière passionnant.e avec toutefois un dénouement un peu artificiel
Mare Sheehan, est une femme divorcée, dans la quarantaine. Elle vit avec sa mère, Helen, sa fille adolescente, Siobahn, et son petit-fils de quatre ans, Drew, dont elle a la garde. Elle est bourrue, peu chaleureuse, capable parfois d’actions malhonnêtes. Elle est profondément marquée par le suicide de son fils ainé, Kevin qui était toxicomane. Elle a des relations difficiles avec ceux qui l’entourent. Avec sa mère pourtant enjouée, fantasque, avec sa fille aussi et ses problèmes d’adolescente. La garde de son petit-fils, à la santé fragile, lui est contestée par sa mère biologique mais qui elle aussi à des problèmes avec la drogue. Frank, son ex-mari, habite la maison en face de chez elle et songe à se remarier…
Il y a dans cette série tous les ingrédients d’un thriller policier, du suspense (notamment en fin de chaque épisode, ce que les américains appellent des cliffhangers), les indices s’accumulent, les fausses pistes se multiplient, les rebondissements sont nombreux, des suspects défilent dont la plupart appartiennent au cercle des connaissances de Mare. À Easttown, les habitants se connaissent. Mare y a toujours vécu.
L’originalité de la série repose surtout sur personnages bien caractérisés, authentiques menant une vie difficile dans une ville théâtre de nombreuses souffrances : addictions, adultère, filles-mères immatures, divorces, prostitution, violence. Des gens tourmentés et liés par des secrets et des non-dits.
Quelques personnages moins sombres apparaissent dans la série : la mère de Mare, nous en avons parlé, son partenaire affecté à l’affaire, très sympathique mais qui lui aussi porte un lourd secret, un écrivain devenu professeur à l’université avec qui Mare entame une relation.
(De gauche à droite, Mare, son jeune partenaire, le chef de la police d’Easttown).
Les intrigues parallèles s’intègrent dans l’histoire principale et aident à créer un tableau d’ensemble qui donne à sonder l’Amérique profonde. Celle de Trump ? Encore qu’aucune allusion politique n’affleure dans le récit.
L’interprétation magistrale de Kate Winslet
Mare of Easttown doit beaucoup à l’interprétation de Kate Winslet la vedette de cinéma, révélée par Titanic mais également l’interprète bouleversante de nombreux films (The Reader, Les noces rebelles, Le dieu du carnage, Wonder Wheel,…).
Elle avait déjà eu une première expérience des séries TV avec Mildred Pierce réalisé par Todd Haynes (le metteur en scène de Carol et récemment de Dark Waters) ; elle avait obtenu pour ce rôle un Golden Globe et un Emmy Award.
Le reste du casting est à la hauteur.
Bref, il s’agit d’une excellente série à regarder cet été.
« Mare of Easttown »
Minisérie de 7 épisodes créée par Brad Ingelsby et réalisée par Craig Zobel est disponible en intégralité sur OCS en France et MyCanal
(Mare of Easttown - Les créateurs)
(1) « The Wire, un chef d’oeuvre du genre » > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2020/07/the-wire-un-chef-doeuvre-du-genre.html
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