Après trois séances consacrées pour l’essentiel à l’installation du nouveau conseil municipal à la suite des élections de décembre, on est passé aux choses sérieuses lors de la réunion du 15 mars 2022 avec la présentation du Rapport d’orientation budgétaire (ROB) et du débat qui s’en est suivi (1).
(Le Rapport d’orientation budgétaire - Document Mairie de Louveciennes)
Stéphane Pihier, l’adjoint aux Finances, qui a commenté le ROB, a jugé que la situation financière de la commune était « très tendue » ce qui se traduira par un budget 2022 sous de fortes contraintes. Les dépenses de fonctionnement se trouvent affectées par le retour de l’inflation, les recettes de fonctionnement sont en contraction et leur maîtrise échappe à la commune, de nombreux investissements obligatoires sont à réaliser (comme les travaux d’accessibilité ou encore ceux nécessaires pour faire face au vieillissement du patrimoine, les écoles notamment).
Sur la base des budgets prévisionnels des exercices précédents, il a noté l’existence d’un déficit de fonctionnement et d’investissement « structurel », seule « la reprise des résultats passés permet d’assurer l’équilibre du budget ».
Cette affirmation est contestée par Benoît Nusbaumer (opposition, Avec Vous pour Louveciennes) : « les chiffres présentés sont tirés des budgets prévisionnels des années précédentes, ce qui n’est pas le bon format pour une analyse pertinente du passé, où seules les réalisations effectives ont du sens. Et celles-ci montrent clairement un excédent des recettes de fonctionnement sur les dépenses de fonctionnement ces dernières années, en particulier en 2019, 2020 et 2021. » Par ailleurs « parler d’un déficit structurel en investissements n’est pas très clair, car un investissement ne peut pas être fait sans être financé d’une façon ou d’une autre. » Et de conclure, « non la situation financière n’est pas très tendue (…) même si elle n’est pas très confortable. »
Pour la rédaction de La Tribune de Louveciennes, en analysant chaque année les budgets de la commune, on arrivait effectivement et systématiquement à une Marge brute d’autofinancement (MBA) négative (Dépenses réelles de fonctionnement supérieures aux recettes réelles de fonctionnement). Pourtant, lors de la présentation du compte administratif (retraçant les réalisations) la situation se rééquilibrait.
Ces retournements pouvaient s’expliquer par plusieurs facteurs : la prudence (voir l’extrême prudence) apportée à l’élaboration du budget : sous estimation des produits (sur les bases imposables, les droits de mutation, les redevances d’occupation du domaine public,…) ; une maîtrise des charges, voire une non-consommation des crédits ouverts ; la baisse des charges de personnel dont une partie est ponctuelle (remplacement plus lent que prévu des personnels démissionnaires, départ à la retraite de fonctionnaires aux rémunérations supérieures à ceux plus jeunes qui les remplacent)…
Stéphane Pihier maintient qu’ « un effet de ciseau se dessine » ; les plus anciens se rappelleront que la fragilité des finances de la commune est un sujet récurrent. En 2014 déjà un audit avait pronostiqué qu’on allait dans le mur en 2017….. Cette prévision s’est avérée erronée, il est vrai qu’une hausse des taux d’imposition de 12 % en 2016 a pu aider.
Il est vrai aussi qu’aux facteurs défavorables se sont rajoutés pour les responsables la nécessité de prendre en compte les effets de la pandémie (2) et maintenant de la guerre sur le continent européen qui non seulement apportent leur lot de malheurs mais désorganisent aussi les économies. Les situations de crise (sanitaire, militaire, terroriste, sociale, ) s’enchaînent. Il convient bien entendu de rester vigilant.
La commune n’a plus la maîtrise sur ses recettes fiscales
La commune a perdu, comme toutes les autres collectivités locales françaises, la maîtrise de ses recettes fiscales et ainsi de les faire évoluer en fonction de ses besoins.
C’est ainsi que la taxe d’habitation (TH) va être progressivement supprimée avec son abandon en 2023. La ressource est remplacée par une compensation de l’Etat (3), mais dont la pérennité est douteuse. Cette suppression qui fait évidemment plaisir à tous les bénéficiaires est une erreur car on abandonne le lien entre les services rendus par une commune et la contribution de ses habitants (4). Dans le système ancien c’est le conseil municipal qui votait les taux (entre certaines limites) et pouvait les faire évoluer en fonction des besoins.
La taxe foncière (TFPB) restera pratiquement le seul impôt sur lequel, le conseil municipal, pourra se prononcer en votant les taux (22 % des recettes fiscales avec 2,474 M€).
A cet égard, en 2022, les valeurs locatives augmenteront, sur décision de l’Etat, de 3,4 %. Bonne nouvelle pour les finances communales mais augmentation mécanique de la pression fiscale sur les propriétaires. On observera qu’à Louveciennes, la plupart des propriétaires résident dans leur maison ou leur appartement.
Le maire, Marie-Dominique Parisot, refuse d’augmenter les taux sur la TFPB car il lui paraît injuste de faire financer par les seuls propriétaires (souvent résidents) les services de la commune.
En revanche, pour le moment, compte tenu des « incertitudes », il n’est plus question de diminuer la Taxe foncière (5).
Lyderick Watine (opposition) fait remarquer que « la promesse de la baisse de la taxe foncière » figurait dans le programme électoral de la nouvelle majorité ce qui « a pu tromper certains électeurs », pour Pascal Leprêtre (opposition de gauche) il s’agissait d’une « promesse inconsidérée ».
Autre point d’irritation : Les logements sociaux bénéficient d’une exonération de la TFPB sans compensation de l’Etat. On est devant un système hypocrite, qui a été étonnamment peu dénoncé. L’hypocrisie ne porte pas sur l’exonération qui peut se concevoir si on veut aider les bailleurs sociaux mais sur la non-compensation. Le gouvernement Castex a toutefois fait un petit geste, la loi de finances vient en effet d’introduire une compensation pendant 10 ans pour les pertes de recettes de la TFPB des logements sociaux agréés entre 1/01/2021 et 30/6/2026. Mais ceci concerne pour le moment très peu Louveciennes. Le parc de logements sociaux de la ville est et reste pour le moment grandement exonéré.
L’Attribution de compensation représente le reversement par la Communauté d’agglomération « Saint-Germain Boucles de Seine » (CASGBS) aux communes qui en font partie de la différence entre la fiscalité économique qu’elle perçoit et les charges supportées en raison de ses compétences (6). Le montant attribué à Louveciennes pour l’exercice 2022 s’élève à 5,087 M€ et sera en principe maintenu dans les 4 années à venir. L’attribution de compensation représente 43 % des recettes fiscales de la commune ce qui est un indice de la forte dépendance de la commune à cette ressource (ce qui n’est pas le cas de toutes les communes de l’agglomération). L’ancien maire de Louveciennes avait beaucoup misé sur le développement de Villevert, censé apporter des ressources nouvelles à la CASGBS et dont une quote-part appréciable était promise à Louveciennes. Les dernières nouvelles sur ce front ne permettent pas d’être optimiste : interrogé sur l’avenir de Villevert, le maire, Marie-Dominique Parisot, a informé le conseil que la vente des terrains (appartenant à Unibail) à des promoteurs immobiliers n’est toujours pas concrétisée, « nous sommes dans une incertitude totale ».
La continuité dans les programmes d’investissement
Stéphane Pihier a rappelé que la commune a vendu des terrains notamment pour répondre aux obligations en matière de logement social (Plains Champs, tennis de la rue de Voisins, terrain Gaudet). Les recettes liées à ces ventes du ont généré depuis 2014 près de 14 M€ d’entrées en caisse. A l’avenir de telles cessions seront rares. La trésorerie (non rémunérée) reste à ce jour pléthorique : 6 M€.
Les investissements 2022 sont pour l’essentiel identiques à ceux prévus par l’équipe précédente : le pôle médical du centre du village, les travaux d’accessibilité, les travaux dans les écoles (réhabilitation du préau Doumer, sécurisation des cours des écoles, aménagement de la cuisine centrale), la video-protection, la réfection des bulles de tennis au Parc des Granges Du Barry, …. Une inflexion est à noter : les terrains de foot à 5 sont remplacés par « un terrain multi-sports ».
S’agissant des investissements propres au programme de la nouvelle majorité on citera :
- l’audit technique du patrimoine communal,
- l’étude de programmation du quartier de l’Etarché,
- les études de réhabilitation des berges de la Seine,
- la création d’un verger partagé et d’un jardin des plantes aromatiques au Parc des Soudanes,
- une étude environnementale du quartier de l’Aqueduc,
- le démarrage du SPR,
- l’organisation d’une grande fête annuelle,…
Comme l’a dit l’Adjoint aux Finances, il s’agit d’un « budget de transition ». De nombreuses études ne sont pas encore achevées notamment sur les investissements dits « structurants ».
Le ROB comporte un plan prévisionnel d’investissements pour les années 2023, 2024 et 2025 pour des montants respectifs de 3,793 M€, 3,678 M€ et 2,403 M€. Il s’agit là d’enveloppes. Pour les écoles les montants globaux envisagés sont de 2,1 M€, pour l’accessibilité (3ème et 4ème tranche) 1,1 M€, pour le site de l’Etarché 2,7 M€, pour la rénovation énergétique 0,750 M€ … Mais tout ceci reste à préciser.
Aucun nouvel emprunt n’est prévu dans l’immédiat
L’encours de la dette est en diminution et s’éteindra, en principe, en 2032. Le niveau d’endettement par habitant est de 488 € à fin 2021 contre une moyenne de 787 € pour des communes comparables. Le chemin parcouru ces dernières années en matière de désendettement est remarquable. La commune à la suite d’investissements massifs réalisés dans le passé avait un endettement particulièrement élevé, Une politique de désendettement, entamée par André Vanhollebeke et poursuivie sans discontinuité par Pierre-François Viard, nous a fait passer dans « une zone de confort ». Stéphane Pihier n’exclut cependant pas de recourir à l’emprunt si des investissements « structurants » le nécessitent et si la capacité d’autofinancement se révèle insuffisante.
Les 7 élus des deux oppositions ont voté contre le rapport d’orientation budgétaire (ROB) qui a bien entendu été adopté par la majorité détenant 22 sièges sur les 29 composant le conseil municipal.
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La prochaine étape sera la présentation et le vote du budget 2022, ceci impérativement avant le 15 avril. Stéphane Pihier dont c’était une première a produit un rapport d’orientation budgétaire d’une grande lisibilité, très pédagogique et ceci en dépit de quelques problèmes de méthodes qui ont été évoqués. Il reste à procéder aux compléments indispensables. Il y a ceux que les opposants d’alors (qui sont devenus la majorité actuelle) adressaient à Lyderick Watine lors de sa présentation du ROB 2021 (7), il manque également l’information minimale sur les effectifs de la commune, sans parler de leur répartition par services (8).
FK
(1) Le ROB est mis à la disposition du public à l’hôtel de ville, dans les quinze jours suivants la tenue du débat d’orientation budgétaire. Le public est avisé de la mise à disposition de ces documents par tout moyen.
(2) Le coût de la pandémie pour Louveciennes est estimé à 600.000 €.
(3) Plus précisément la commune perçoit la taxe foncière qui était attribuée au département ajustée de coefficients correcteurs. Les valeurs de référence pour la compensation de l’Etat ont été fixées en 2019.
(4) La Tribune de Louveciennes a consacré trois articles à « La suppression programmée de la taxe d’habitation », articles du 8, 18 et 30 octobre 2018.
(5) Stéphane Pihier a indiqué qu’un point de TFPB représentait 25.000 €. Il est donc (ou plutôt il était donc) possible de diminuer l’impôt, même d’une manière symbolique, sans grever exagérément les comptes et tenir ainsi une promesse électorale récente.
(6) Les compétences assurées par la CASGBS sont les suivantes : Développement économique, Mobilité : transport et circulation, Tourisme, Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), Environnement avec les ordures ménagères, Eau et assainissement.
(7) Lors de l‘examen du ROB 2021 présenté par Lyderick Watine ses opposants ont pointé un certain nombre de manques :
- l’absence d’éléments sur l’évolution de la démographie de la commune. «Quelles sont les prévisions de croissance attendues, sachant que toute évolution de la population a un impact sur les besoins en équipements, en services ou sur les rentrées fiscales ? »
- « l’incomplétude » du ROB dans lequel ne figurent pas certains éléments importants et obligatoires ( structure de la dette avec répartition des emprunts à taux fixe et à taux variable, aucune prévision de recettes associées au programme pluriannuel d’investissements et des travaux, absence des perspectives d’évolution de la fiscalité, …).
- Ces manques n’ont pas été corrigés dans le ROB 2022.
(8) Dans les communes de 10 000 habitants et plus, des éléments d’information sur le personnel sont obligatoires : ils portent suivants sur :
- La structure des effectifs ;
- Les dépenses de personnel comportant notamment des éléments sur la rémunération tels que les traitements indiciaires, les régimes indemnitaires, les nouvelles bonifications indiciaires, les heures supplémentaires rémunérées et les avantages en nature ;
- La durée effective du travail dans la commune ;
- L’évolution prévisionnelle de la structure des effectifs et des dépenses de personnel pour l’exercice auquel se rapporte le projet de budget.
Des éléments d’information qui peuvent être complétés, si les élus le souhaitent, de précisions sur la démarche de gestion prévisionnelle des ressources humaines de la commune.
Rien n’interdit à une commune de Louveciennes (dont la population est inférieure à 10.000 habitants) de s’en inspirer.
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La video de la séance du conseil municipal du 15 mars 2022 est à retrouver sur le site de la Mairie de Louveciennes.
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