C’est dans un contexte difficile que le nouvel Adjoint aux Finances, Stéphane Pihier, a présenté le Budget 2022 de Louveciennes. Il a souligné les fortes incertitudes qui dominent l’actualité : l’impact de la pandémie toujours présente, les effets de la guerre en Ukraine, la remontée très forte de l’inflation.
Le vote du budget 2022, a été approuvé lors de la séance du Conseil du 14 avril soit un jour avant la date limite prévue par les textes. Ce retard peut s’expliquer cette année par le changement de l’équipe municipale mais très certainement aussi par des arbitrages délicats ; le compte administratif de l’exercice précédent, qui était jusqu’à présent toujours voté en juin, l’a été cette fois-ci en avance ce qui a permis une comparaison intéressante entre les réalisations de 2021 et les prévisions de 2022.
Les documents soumis au conseil municipal sont d’excellente qualité, très détaillés, très pédagogiques. Quelques progrès restent toutefois à faire : l’analyse des impôts reste partielle, aucune donnée pertinente n’est produite sur la répartition des effectifs par services (pourtant les charges de personnel représentent la moitié des dépenses de fonctionnement), aucune information, ne serait-ce que résumée, ne figure sur l’emploi des 1,350 M€ de subvention accordée au Centre communal d’action sociale.
(Stéphane Pihier présente le budget lors du conseil municipal, à sa gauche, Marie-Dominique Parisot, le maire, à sa droite, Isabelle de Tonguedec, maire-adjoint aux Travaux - Photo Captation video)
Dans l’analyse financière approfondie que nous publions par ailleurs - et à laquelle nous renvoyons le lecteur intéressé (1) -, la marge d’autofinancement prévisionnelle s’élève à 72.631 €, une misère si l’on considère qu’en bonne gestion, elle devrait couvrir l’annuité du remboursement de la dette (2).
Certes, le budget a été élaboré avec beaucoup de prudence et il n’est pas impossible, qu’on se retrouve, comme par le passé, avec une marge positive beaucoup plus large en fin d’année en raison d’une sous-estimation des recettes fiscales et d’une moindre consommation des crédits.
On peut également noter qu’à court terme la situation financière est loin d’être dramatique car la commune dispose de réserves importantes (4,4 M€) qui permettent de voir venir.
Une certaine vision pessimiste ou réaliste (?) du maire, Marie-Dominique Parisot, et de son adjoint aux Finances, les a conduit à reporter la baisse de la taxe foncière, promise dans leur programme électoral, qui date pourtant d’à peine quatre mois. Les excédents passés permettaient pourtant de faire un geste. On ajoutera également que la taxe foncière augmentera mécaniquement de 3,4 % en raison de la forte revalorisation des bases décidée par le gouvernement.
Madame le maire s’est expliqué sur le sujet. « En décembre dernier, au moment où nous avons annoncé dans notre programme une décision de faire une baisse raisonnée de la taxe foncière, personne ne pouvait se douter que la guerre serait déclarée en Ukraine et de ses conséquences économiques telles que nous pouvons les percevoir aujourd’hui. »
L’exécutif municipal a ainsi préféré reporter l’engagement d’une baisse de la taxe foncière dans l’année ou les années à venir. Mais qui dit que de nouvelles incertitudes ne viendront pas s’inviter alors dans l’actualité ?
Il y a un point sur lequel Stéphane Pihier a entièrement raison, c’est que Louveciennes, comme d’ailleurs les autres communes françaises, perd progressivement la maîtrise de ses recettes et particulièrement de ses recettes fiscales. La taxe d’habitation (TH), qui assurait le lien entre la contribution financière des habitants et les services rendus par la commune est supprimée progressivement et le sera totalement en 2023. Le gouvernement a mis en place un mécanisme de compensation devant assurer la neutralisation de la réforme, mais rien ne garantit la pérennité d’un tel engagement (3).
La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) reste pratiquement le seul impôt local à la disposition des communes. Il présente pourtant des inconvénients qu’on prêtait déjà à la TH (des valeurs locatives disparates servant de base de calcul). Par ailleurs on observe que les bailleurs sociaux bénéficient de larges exonérations (15 à 25 ans) au moment où on demande aux communes de favoriser les logements sociaux. La question n’est pas de contester l’aide apportée au logement social mais la non-compensation de cette perte de recettes supportée par les communes. Le gouvernement Castex a certes fait un premier pas vers la compensation mais celle-ci reste pour le moment dérisoire et compte tenu des délais de construction et de livraison ne trouvera véritablement à s’appliquer qu’en 2024 (4).
Le budget d’investissement 2022 se démarque très peu des précédents (5). Il pouvait en être difficilement autrement.
En effet, de par leur nature, les investissements se réalisent souvent au-delà d’un exercice. C’est ainsi que les « restes à réaliser » sur les programmes antérieurs s’élèvent à 1,578 M €.La nouvelle équipe ne les a pas remis en cause, pour l’essentiel ; c’est ainsi que seront poursuivis les travaux relatifs à la Maison médicale du centre du village, la mise en place d’une nouvelle phase de la video-protection……
S’agissant des nouveaux programmes (4,657 M€) l’essentiel est constitué par la reprise de programmes particulièrement lourds comme les rénovations des bâtiments scolaires ou encore les travaux d’accessibilité pour les handicapés, déjà portés par l’ancienne municipalité, programmes qui de toutes façons sont nécessaires ou prévus par la loi. Stéphane Pihier parle de « dépenses contraintes qui ne peuvent être différées ».
On trouve également au chapitre des nouveaux investissements déjà prévus par l’ancien maire la rénovation des bulles de tennis et des terrains de jeux pour les jeunes.
Quelques inflexions sont à noter qui sont la marque de la nouvelle équipe, il s’agit souvent de dossiers négligés par l’ancienne (la mise en place du dispositif Site patrimonial remarquable, l’aménagement des berges de la Seine,…).
D’autres dossiers sont encore en phase d’études comme la rénovation des bâtiments publics (on attend l’audit), l’aménagement du quartier de l’Etarché (avec la réhabilitation du gymnase, la création d’une maison des associations), les programmes de logements sociaux sociaux,… sans parler d’une étude d’impact de l’aménagement des terrains de Villevert, pour le moment retardé.
Le financement des programmes de 2022 se fait sans grosses difficultés et notamment sans recours à de nouveaux emprunts.
Les opposants ont refusé le budget
Les 7 membres des oppositions (les 6 membres de « Louveciennes avec vous » et l’unique représentant de la liste de gauche) n’ont pas approuvé le budget qui leur a été soumis. Ils se sont expliqués en séance.
Benoît Nusbaumer au nom de Avec Vous Pour Louveciennes a contesté « la consommation » dans le BP 2022 de l’intégralité des excédents antérieurs « ce qui nous semble dangereux car il ne laisse aucune réserve pour les exercices à venir dans le cadre d’une nécessaire vision pluriannuelle et pour faire face à d’éventuels besoins imprévus en cas de nouvelle crise, sanitaire ou autre. Il est difficile d’appeler le BP 2022 un « budget de transition », alors qu’il consomme en une seule année la totalité des réserves dégagées lors des années précédentes !
Nous préconisons une priorisation des investissements prévus en 2022 afin de se limiter dans un premier temps aux investissements urgents ou prioritaires et d’étaler sur les années à venir ceux moins prioritaires, ou de ne les effectuer en 2022 qu’en cas de rentrées plus importantes que prévu, notamment grâce à d’éventuelles cessions d’actifs non identifiées au BP. »
Lyderick Watine, l’ancien Adjoint aux Finances, a fait remarquer que malgré « la situation ubuesque » dans laquelle se trouvait la commune en 2021 « l'équipe municipale précédente et les services… ont remarquablement bien tenu les cordons de la bourse, tant en fonctionnement qu'en investissement ».
S’agissant du budget 2022, s’adressant à la nouvelle majorité il a déclaré qu’ « une partie de la difficulté de votre début de mandat tient à votre propre posture en 2021 ! Nous sommes frappés par l'incohérence de votre action, en l'espace de douze mois, avec le recul. Ce qui ne vous convenait pas vous va très bien maintenant. La vérité d'hier n'a plus cours, et il nous faudrait tous l'accepter gentiment ? Tout ce psychodrame pour finir par mettre en œuvre peu ou prou la même série de projets que nous vous avions proposés l'an dernier. » Sur la baisse des impôts promise en 2022 maintenant repoussé à 2023, il a remarqué, ironiquement, « les Louveciennois qui ont cru cet engagement de campagne en sont pour leurs frais. »
Il a aussi relevé que 205.000 € seront consacrés à des d’études consacrées à l’Aqueduc et à Villevert « mais à ce stade nous n'en savons rien sinon qu'il s'agira d'études environnementales et architecturales qui devront permettre d'avoir une vue d'ensemble. Est-ce que vous auriez des choses à nous apprendre, sur Villevert et sur l'Aqueduc ? » Et d’une manière plus générale il s’interroge «
Tous les investissements que vous proposez peuvent-ils réellement être mis en œuvre en 2022 ? »
Pascal Leprêtre (PS, opposition de gauche), de retour au conseil après une éclipse de quelques mois, a joué son rôle d’ opposant méticuleux, en multipliant ses observations et ses critiques. Parmi celles-ci on retiendra son souhait de voir à l’avenir le débat d’orientation budgétaire et le vote du budget se tenir avant le début de l’exercice (comme le fait une ville comme La Celle Saint-Cloud), de revoir les modalités de calcul de la subvention à l’Ogec (enseignement libre), d’avoir un retour d’expérience sur la mise en place de la vidéo-protection, de disposer d’un échéancier précis sur les travaux en matière d’handicap….sans oublier la chasse aux couverts en plastique dans les cantines scolaires et les crèches, une de ses observations récurrentes.
Pour ce qui est du souhait de voir le débat et le vote budgétaire réalisés avant la fin l’exercice à venir, Madame le maire précise que c’est difficile pour Louveciennes car le résultat de l’’exercice N-1 doit avoir été arrêté car il est nécessaire pour équilibrer le budget. Elle est en revanche d’accord pour revoir les modalités de calcul de la subvention à l’Ogec. Pour ce qui est de l’évaluation de l’efficacité de la video-protection, Christian Persiaux, maire-adjoint notamment en charge de la Sécurité, a estimé que s’il est difficile de faire un bilan quantitatif, il signale que le dispositif a permis l’arrestation d’un gang de voleurs de pièces de voitures qui sévissait à Marly, Louveciennes et Bougival.
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Pour l’adjoint aux Finances, Stéphane Pihier, compte tenu de leur prise de fonction récente, le budget présenté est nécessairement un budget de transition. L’empreinte de la nouvelle majorité ne se verra nettement que dans les mois à venir. Pour le moment le budget ne traite que marginalement (sous la forme d’études) les grands dossiers : l’aménagement de Villevert, les programmes de logements sociaux rendus obligatoires par la loi SRU,.… En attendant les habitants verront concrètement le résultat de certaines décisions : la réfection de la voirie et des trottoirs (permise par une enveloppe de 600.000 €) sans parler de la route de la Princesse financée par le Département, des signaux écologiques comme l’aménagement d’un verger partagé, la végétalisation du cimetière ancien, l’extension des jardins familiaux.
FK
(1) Cf Article du 29 avril 2022 > Que révèle le budget de fonctionnement 2022 > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2022/04/que-révèle-le-budget-de-fonctionnement-2022.html
(2) L’interprétation des résultats de l’exercice, en fonctionnement, n’est pas évident en raison de l’existence d’écritures d’ordre et de cette particularité curieuses qui consiste à réinjecter les résultats antérieurs (excédents) au niveau de la section de fonctionnement.
Nous avons utilisé de préférence la notion de marge brute d’autofinancement (MBA) qui consiste à comparer les Recettes « réelles » de fonctionnement aux Dépenses « réelles » de fonctionnement. Dans les rapports de la Cour des comptes, cette notion est appelée Épargne brute et « correspond à l’excédent des recettes réelles de fonctionnement sur les dépenses réelles de fonctionnement. »
(3) Jusqu’à la réforme fiscale portant sur la suppression de la Taxe d’Habitation (TH) les calculs étaient simples et compréhensibles.
Le montant de la recette fiscale provenant de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) était le résultat de l’application du taux voté par le CM à une base constituée par les valeurs locatives des propriétés bâties, établies par l’Administration fiscale.
Ce mécanisme a été modifié. Pour compenser la perte de recette due à la suppression de la TH, les communes se voient attribuer le taux départemental de la TFPB soit pour les Yvelines 11,58 % qui s’ajoute au taux voté par la commune (12,40 %). De plus, afin d’assurer une neutralité de la réforme de la TH, un dispositif de compensation a été mis en place, dit "coefficient correcteur" consistant à prélever les communes dont le produit de TFPB est supérieur à la perte de la taxe d’habitation perdue pour reverser à celles qui récupèrent un produit de TFPB inférieur.
(4) La loi de finances pour 2022, dans son article 177, prévoit une compensation partielle et temporaire des exonérations de la TFPB au titre des logements sociaux :
- elle s’applique aux logements agréés par les Préfets entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2026 ;
- elle est limitée aux 10 premières années d’exonération.
(5) Cf Article du 2 mai 2022 > Un budget d’investissement à la fois contraint et en transition > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2022/05/un-budget-dinvestissement-à-la-fois-contraint-et-en-transition.html