Le nouveau maire de Louveciennes, Marie-Dominique Parisot, se trouve, comme ses prédécesseurs, confronté au défi représenté par une urbanisation accélérée de la commune. Deux facteurs l’expliquent : une pression immobilière liée aux besoins en logements en région parisienne, les exigences de production de logements sociaux imposées par la loi SRU.
Elle a confié à l’agence Artene pour l’architecture et à Nietz Studio pour les paysages des « études de faisabilité pour la définition d'un cahier des charges architectural, paysager et patrimonial ». Ces études ont porté sur l’aménagement d’une part, des quartiers du Coeur Volant et de la Croix de Marly, et d’autre part, du secteur du quai Conti. Ces études viennent d’être présentées dans le cadre d’une réunion publique le 12 octobre 2022 par Thibaut Faurie, architecte et co-gérant du Bureau d’études d’Artene (1).
Mme le Maire a souligné que « l’objectif de ces études est d’identifier le potentiel d’aménagement des parcelles encore disponibles afin d’établir un plan directeur qui pourra servir au développement de futurs projets tout en préservant les qualités patrimoniales et paysagères de ces secteurs. » Il s'agit de « donner un sens à l'urbanisme opérationnel jusqu'ici appréhendé à travers le seul prisme des permis de construire. » Il a été précisé que les travaux des bureaux d’études ont été conduits « en concertation avec l’ABF consulté au quotidien sur l’ensemble des projets d’urbanisme de Louveciennes ».
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Les études se sont révélées intéressantes même si sur plusieurs points elles ont été partielles, parfois peu convaincantes, voire décevantes.
Le projet des logements sociaux de l’Aqueduc semble scellé
Le présentateur s’est particulièrement attardé sur le secteur de la Croix de Marly. Il n’a pas abordé le futur quartier de l’Aqueduc, dont le sort est apparemment scellé, ni le devenir des terrains Picard, adjacents.
Certains dans le public se sont inquiétés des conséquences des nouvelles constructions prévues sur une circulation déjà très difficile.
Pour sa part, Gérard Nadot, Président du Comité de Quartier Coeur Volant-Villevert a rappelé sa proposition de construire une résidence seniors en lieu et place des 64 logements sociaux de l’Aqueduc ce qui permettrait à la fois de satisfaire à la loi SRU et de réduire l’impact sur la circulation. (La Tribune de Louveciennes avait publié cette contribution (2) ). Mme le maire lui a répondu que le dossier des 64 logements sociaux de l’Aqueduc était maintenant «trop avancé ». C’est donc bien le projet soutenu par l’ancien maire, Pierre-François Viard et son équipe, qui a été confirmé. Ce sont d’ailleurs les mêmes agences Artene et Nietz Studio qui ont réalisé le travail de conception. Il appartiendra au bailleur social Domnis de matérialiser le projet puisque c’est bien à cette société qu’une autorisation de vente de terrains communaux a été faite. La Tribune de Louveciennes a présenté ce projet immobilier portant sur 64 logements sociaux (3) ainsi que le débat qui s’en est suivi au conseil municipal le 6 juillet 2021. Marie-Dominique Parisot, alors dans l’opposition, tout en n’étant pas « contre ce projet mais contre la méthode adoptée pour le réaliser » avait émis de nombreuses critiques (4) : Une information tardive et insuffisante, une absence totale de concertation. Les conséquences du « fiasco » du premier projet non encore réglées. Une absence de bilan financier de l’opération.
On verra notamment à l’occasion du dépôt du permis de construire comment tous ces obstacles auront été franchis. A cet égard, le conseil municipal du 6 juillet 2021 autorisant la vente des terrains à Domnis a précisé que celle-ci devait se faire sous l’engagement de cette société de respecter « scrupuleusement » les préconisations formulées par Artene et Nietz Studio (5) : proscription du stationnement aérien, circulation entièrement piétonne, limitation des hauteurs des bâtiments,…
L’extension du secteur de la Croix de Marly
Revenons au secteur de la Croix de Marly. Dans le Plan local d’urbanisme il est question de « Secteur d’extension de la Croix de Marly » D’une contenance totale de 2,2 hectares, il est partagé entre des terrains propriétés de la ville et des terrains privés. Cet ensemble de terrains est actuellement desservi à partir d’un chemin rural en impasse, relativement étroit.
Les terrains étudiés sont situés entre la voie de chemin de fer, les logements sociaux (réussis) de la Croix de Marly et les maisons individuelles de la résidence des Rougemonts. Ces terrains comprennent les vergers des Rougemonts (appartenant à un propriétaire privé). Selon le Plan local d’urbanisme (PLU) de 2017 il est prévu de construire 50 logements collectifs (dont 75 % de logements sociaux) et 20 maisons individuelles (6).
La vue aérienne (source Artene) permet de bien visualiser le secteur. On voit clairement les logements sociaux de la Croix de Marly, la résidence des Rougemonts ainsi que les vergers.
Dans l’étude prospective, les auteurs des études imaginent comment les logements collectifs (50) et les maisons individuelles (20) s’intégreront dans le paysage. Comme cela a été dit il s’agit d’un secteur stratégique, en hauteur et bénéficiant d’une superbe vue. On promet de sanctuariser les Vergers des Rougemonts (ce qui n’est pas prévu dans le PLU), de conserver deux chemins ruraux et les franges végétales. En revanche, le projet d'élargir la voie d'accès aux nouvelles constructions, le long de la voie ferrée depuis le Chemin du Cœur Volant, n'est pas évoqué
Une vue d’artiste (source Artene) permet d’appréhender approximativement les évolutions projetées.
Selon Artene une typologie d’architecture doit être définie. Là où le bât blesse, ce sont les quelques exemples donnés. Qu’on en juge… avec les maisons. Déjà que Louveciennes n’a pas échappé à la laideur avec les « maisons » des Plains Champs, il est question de récidiver. Les immeubles ont meilleure allure mais le contraste avec les bâtiments de la Croix de Marly, à l'évidence moins denses et moins hauts, est saisissant.
Le secteur du Quai Conti
Le secteur du quai Conti et des berges de la Seine a été négligé par les maires successifs de Louveciennes. Il est heureux que le nouveau maire veuille aller de l’avant et disposer d’une vision d’ensemble de ce secteur. Le mieux pour décrire le secteur est de prendre un peu de hauteur. Cette photographie aérienne figurant dans l’étude Artene est très parlante : au premier plan on reconnaît une vue partielle de l’île de la Loge (avec notamment la piscine de la Banque de France), la Seine et son chapelet de péniches, l’étroite bande qui la sépare de la route (la RD113) puis sur la droite la partie urbanisée du quai Conti qui se termine (pour Louveciennes) par le restaurant Courtepaille.
L’état des lieux est clairement décrit :« La Seine est un marqueur identitaire fort du site. Elle a façonné ce paysage et est pourtant masquée par diverses limites (la D113 et sa circulation importante, les espaces privées des berges clôturés, les parkings, friches et bâtiments de services peu qualitatifs) » Il est prévu une urbanisation maitrisée, côté coteaux, avec notamment un front bâti le long de la RD 113 ; aucune indication n’a été donnée sur le nombre et le type de logements et de commerces envisagés. Il est dit qu’il faudra retoucher l’existant en définissant les gabarits tout en étant respectueux d’une typologie urbaine des bâtiments.
(NB La barre d’immeuble qui apparaît sur la droite fait déjà partie de la commune de Port Marly.)
Il est également envisagé un aménagement de la RD 113 avec une amélioration de la trame piétonne en modifiant le gabarit de la route (mais cela suppose l’accord du département) et la suppression de certains stationnements le long de la voie afin de créer une bande plantée et des matériaux aux sols harmonisés.
La réappropriation des berges, un objectif souvent affiché mais toujours repoussé
L’objectif d’une « réappropriation des berges » de la Seine est clairement affiché ; il s’agit là d’un voeu rituel qu’on entend depuis longtemps mais qui jusqu’à présent n’a pas connu un début d’exécution. Il y a 12 ans Pierre Issard, alors Président de l’association Racine, dans deux articles publiés par La Tribune de Louveciennes, nous alertait, photos à l’appui, sur l’état déplorable des berges de la Seine dans la traversée de Louveciennes (7). Sur une longueur de 750 mètres, ces berges étaient accaparées à de nombreux endroits d’une manière illégale par des propriétaires de péniches ou de maisons. Le chemin de halage ou de marchepied n’était par conséquent pas accessible. Certes dans le PLU de décembre 2017, l’objectif énoncé était de « se réapproprier les abords et les berges de la Seine, notamment pour assurer la continuité du chemin de halage ». Certes, le conseiller d’opposition socialiste interpelait régulièrement le maire pour lui demander de prendre les mesures administratives nécessaires afin que les berges de la Seine redeviennent un espace public. « La loi impose une servitude de marchepied ou de halage le long des cours d’eau. Il suffit de la faire respecter par les riverains qui se sont appropriés les berges de la Seine. » (8) Depuis la commune du Port Marly a montré magnifiquement comment il était possible d’aménager les bords de Seine au bénéfice de tous. Mais pour cela il faut une volonté politique sans faille qui a manqué jusqu’à présent. Les études prospectives si elles évoquent « un accès aux berges » sont très discrètes sur les obstacles qui s’y opposent actuellement. On a l’impression qu’on préfère parler de « vues sur les berges »….
Le dossier « SPR » avance mais il s’agit d’ un processus long
Au cours de la réunion, Madame le maire a fait le point sur le dossier « Site Patrimoine Remarquable » (SPR). Rappelons que le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables a pour objectif de protéger et de mettre en valeur le patrimoine architectural, urbain et paysager de nos territoires. Les sites patrimoniaux remarquables sont des servitudes d’utilité publique c’est-à-dire instituées par une autorité publique dans un but d’intérêt général. Mme le maire a annoncé que le dossier avance. On rappellera qu’après bien des réticences, l’ancien maire, Pierre-François Viard avait finalement lancé le 10 juillet 2019 le diagnostic préalable à la création d’un SPR ; la délibération votée à l’unanimité par le conseil municipal ne s’est cependant pas traduite par une action très vigoureuse, c’est le moins qu’on puisse en dire. Pour la nouvelle équipe il s’agit d’un dossier prioritaire. Le processus sera long et prendra de 4 à 6 ans. A l’heure actuelle, la commune a obtenu un avis favorable des ABF pour engager le dossier, ainsi qu’un avis également favorable de la DRAC. On est maintenant entré dans la phase de la définition du périmètre du SPR. La ville sera assisté par un bureau d’études. L’ABF est directement associé à l’élaboration du dossier SPR. Une concertation est en cours avec Marly-le-Roi qui est engagé dans la même démarche. Mme le maire promet que les associations et les riverains seront consultés. Le SPR une fois adopté, il en résultera des dispositions plus contraignantes, « tout ce qui se voit sera réglementé», entraînant des coûts supplémentaires qui pourront cependant être subventionnés.
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Pour conclure, on redira combien une présentation publique des travaux concernant l’urbanisme est utile afin de permettre le débat le plus large possible et ceci avant que des décisions irréversibles ne soient prises. Contrairement à d’autres sujets, les constructions ont ceci de particulier de s’inscrire dans le paysage pour de très longues décennies. Les ratés de l’architecture ne pardonnent pas.
FK
Références
(1) L’étude Artene est disponible sur le site internet de la Ville de Louveciennes > https://www.mairie-louveciennes.fr/Etudes-paysag%c3%a8res/941/
(2) Article du 12 mars 2020 > Un projet alternatif au programme immobilier de l’Aqueduc > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2020/03/un-projet-alternatif-au-programme-immobilier-de-laqueduc.html
(3) Article du 23 août 2021 > Le programme immobilier Aqueduc/Coeur Volant : les caractéristiques du projet > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2021/08/le-programme-immobilier-aqueduccoeur-volant-les-caract%C3%A9ristiques-du-projet.html
(4) Article du 28 août 2021 > Le programme immobilier Aqueduc/Coeur Volant : les critiques > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2021/08/le-programme-immobilier-aqueduccoeur-volant-les-critiques.html#more
(5) Délibération du mardi 6 juillet 2021 autorisant la vente à la société Esh Domnis d’un terrain communal. La majorité (à l’exception de Marie-Dominique Parisot, Stéphane Pihier, Christian Persiaux, Catherine Gonneau, Pierre-Jean Da Cruz) décide : « la vente d’un terrain d’une emprise de 10.000 m2 environ sis sur la parcelle AL 35 et d’une partie de la parcelle AL 33 à la société ESH DOMNIS sise 10, rue Martel Paris (75010) au prix de 2.400.000 € (Deux millions quatre cent mille euros) sous réserve de l’engagement de ladite société à respecter scrupuleusement les préconisations techniques formulées tant au plan environnemental qu’architectural par les Cabinets ARTENE et NIETZ STUDIO dans le cadre de l’étude de diagnostic faisabilité d’avril 2021 - portant sur le projet principal et l’option 2 de logements quartier coeur volant -, et sous réserve d’une retranscription de l’ensemble de ces prescriptions dans le permis de construire ; »
(6) Extraits du Plan local d’urbanisme - Décembre 2017 « Le programme Ce secteur est destiné à l’accueil de logements diversifiés. 70 logements maximum sont prévus au total comprenant une large part de logements locatifs sociaux. Deux ensembles de logements sont prévus sur le secteur ; ils se différencient par la typologie des constructions et des logements. Sont ainsi prévus : - dans la partie Sud, la plus proche du chemin du Coeur Volant, sur des terrains qui appartiennent presque exclusivement à la Commune, un ensemble d’une cinquantaine de logements comprenant 75% de logements locatifs sociaux4. Les constructions seront de typologie R+2+C, le dernier niveau pouvant être réalisé sous forme d’un attique plutôt qu’en comble. - dans la partie Nord du secteur, une vingtaine de maisons individuelles, de hauteur maximum de R+1+C, isolées ou accolées. Les stationnements devront être en nombre suffisant pour répondre aux besoins des constructions, tant pour leurs résidants que pour leurs visiteurs ; leur nombre ne devra pas être inférieur à 2 par logement en moyenne. L’aménagement de ce secteur fera l’objet d’une procédure de financement adaptée dès lors que les capacités des réseaux et des équipements seraient insuffisantes au regard du projet. »
(7) Article du 15 avril 2011 > Reconquête des berges de la Seine : Etat des lieux (1) http://louveciennestribune.typepad.com/media/2011/04/reconquête-des-berges-de-la-seine-etat-des-lieux-1.html
Article du 29 avril 2011 > Reconquête des berges : les propositions de Racine (2) http://louveciennestribune.typepad.com/media/2011/04/reconquête-des-berges-les-propositions-de-racine-2.html
(8) Article du 16 octobre 2014 > A quand la réappropriation effective des berges de la Seine ? > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2014/10/a-quand-la-r%C3%A9appropriation-effective-des-berges-de-la-seine.html
Très objectif. Effectivement il y a plus de questions que de réponses satisfaisantes.
Madame Parisot doit s'exprimer clairement et ne pas se réfugier derrière de soi-disants experts...
Rédigé par : GC | 06 novembre 2022 à 19:40
Beaux photos-montages mais l’ensemble est creux…et dangereux
Rédigé par : Philippe | 09 novembre 2022 à 14:43
C’est fou comme on aime la continuité à Louveciennes.
Artene et Nietz Studio travaillaient pour Viard, maintenant ils continuent avec Parisot. Pozzo-Deschanel, adjoint à l’urbanisme sussurait à l’oreille de Vanhollenbeke puis de Viard avant de quitter le conseil et d’être condamnée pour corruption.
Il ne faut donc pas s’étonner qu’on patauge toujours dans la même mélasse.
Rédigé par : Enervé | 12 novembre 2022 à 14:06
Soyons clairs.
S’il s’agit comme le dit l’auteur de l’article d’une étude « prospective », d’une « esquisse », il faut remercier madame Parisot d’associer les Louveciennois à la réflexion.
Maintenant s’il s’agit de justifier des décisions déjà prises, on en revient aux errements de l’époque Viard et Pozzo-Deschanel.
Nous n’en voulons pas.
Rédigé par : REFUS | 05 décembre 2022 à 09:58
Merci à madame le maire d'avoir organisé cette réunion qui était très intéressante.
J'espère qu'elle réussira (contrairement à son prédécesseur) à faire aménager les quais de Seine comme cela à été fait vers le club d'aviron du Port-Marly.
Rédigé par : Vincent | 26 décembre 2022 à 22:58