Le Plan local d’urbanisme (PLU) de Louveciennes révisé le 6 décembre 2017 vient d’être annulé par la Cour administrative d’appel (CAA) de Versailles dans un jugement en date du 12 juillet 2024.
Ce PLU avait été voté sous le mandat de l’ancien maire, Pierre François Viard, qui l’a porté avec l’aide active de son adjointe à l’Urbanisme, Anne-Laure Pozzo Deschanel et d’un bureau d’études (1).
La Tribune de Louveciennes a consacré de nombreux articles aux péripéties qui l’ont entouré, en commentant notamment l’avis défavorable de l’Etat concernant les choix faits en matière d’urbanisation de Villevert (2).
L’association de défense de l’environnement Racine a contesté de nombreux aspects de ce PLU en introduisant des recours, gracieux tout d’abord, sans succès, puis des recours contentieux (3).
La CAA de Versailles avait dans un jugement en date du 9 février 2023 retenu un des motifs avancé par Racine à savoir l’absence d’étude environnementale ce qui constitue une « illégalité ». Elle a cependant permis à la commune de régulariser cette illégalité en lui accordant 10 mois pour le faire.
La Mairie a estimé qu’il s’agissait là d’une simple formalité et a confié le soin de rédiger cette évaluation à un bureau d’études, Trans Faire, mandaté dans l’urgence. Celui-ci s’est acquitté de sa tâche en rédigeant 51 pages besogneuses comportant des affirmations méritant d’être discutées. Dans la foulée une enquête publique s’est déroulée, en mode mineur, entre le 8 janvier et le 8 février 2024 ; dans son rapport, le commissaire-enquêteur a donné un avis favorable à la régularisation en l’assortissant toutefois de deux recommandations (4).
C’est le 26 mars 2024 qu’a été soumis au conseil municipal par l’adjoint à l’Urbanisme, Christian Persiaux, « la régularisation » consistant à l’ajout au PLU de l’évaluation environnementale élaborée par Trans Faire, les recommandations du commissaire-enquêteur ayant été, pour leur part, écartées. Cette régularisation du PLU a été votée sans débat, à la quasi-unanimité des conseillers, à l’exception de l’opposant du gauche qui s’est abstenu (5).
La CAA de Versailles a relevé divers vices de procédures et a conclu que le PLU n’a pas été « régulièrement régularisé ». De ce fait on est est passé d’une annulation partielle à une annulation totale de la délibération du 6 décembre 2017 approuvant le PLU (6).
La CAA de Versailles dans son jugement met également à la charge de la commune l’obligation de verser à Racine (et autres) la somme de 3.000 € au titre des frais d’instance.
Et maintenant que va-t-il se passer ?
La commune de Louveciennes a la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Elle dispose de deux mois pour en décider. Cette voie risque d’être longue et coûteuse. Sera-t-elle victorieuse ? Il est difficile de le prévoir.
En attendant, le pourvoi en cassation n’est pas suspensif.
La commune se trouve renvoyée des années en arrière, au PLU de 2013, adopté à une époque où le maire était André Vanhollebeke, son adjointe à l’Urbanisme Anne-Laure Pozzo Deschanel et sa Directrice générale des services, Marie-Dominique Parisot, actuelle maire de Louveciennes (7).
S’ensuit que les permis de construire rendus possibles par le PLU 2017 (et qui ne l’étaient pas antérieurement) ne peuvent plus être délivrés, que les terrains de Villevert « mis en périmètre d’attente » en 2013 continueront à l’être jusqu’au dénouement de l’affaire (jugement cassé par le Conseil d’Etat ou un nouveau PLU à la suite d’une longue procédure).
Décidément l’urbanisme à Louveciennes est une chose délicate à manier dans un domaine où la complexités des règles et des procédures est élevée. Les compétences internes à la Mairie sont faibles d’où le recours constant à des conseils extérieurs, pas toujours avisés, et à des promoteurs retors. On a quand même connu à Louveciennes, sur des programmes immobiliers importants, des « prises illégales d’intérêts » sanctionnées sévèrement par le Tribunal correctionnel de Versailles. A-t-on véritablement tiré toutes les conclusions de ces affaires ?
La densification de Louveciennes est une chose trop sérieuse pour être laissée entre les mains d’une poignée de décideurs. Même si de larges débats ne sont pas toujours faciles à conduire, car des intérêts divergents s’y affrontent, ils sont nécessaires car les effets (ou les méfaits) de l’urbanisme sont largement irréversibles.
A cet égard, on peut regretter qu’il n’y ait pas eu un dialogue constructif entre la Mairie et l’association Racine, qui aurait, peut être, permis d’éviter tous ces retards hautement dommageables.
FK
(Les Plains Champs - Témoins de la nouvelle conception de l’urbanisme ayant cours à Louveciennes - Photo ER)
(1) Ont voté contre le PLU révisé de 2017 les 5 membres de la liste conduite par l’ancien maire, André Vanhollebeke, l’unique représentant de la gauche s’est abstenu.
(2) Notamment notre article du 11 décembre 2017 « La révision du PLU adoptée en dépit de l’avis défavorable de l’Etat et du département » >>> https://louveciennestribune.typepad.com/media/2017/12/la-révision-du-plu-adoptée-en-dépit-de-lavis-défavorable-de-letat.html
(3) L’association Racine est accompagnée dans ses recours par le CADEB, collectif d’associations de défense de l’environnement de la boucle de Seine/Saint-Germain, de la Fédération Patrimoine et Urbanisme et de divers particuliers habitant Louveciennes.
(4) # Article du 28 février 2024 « Sur une enquête publique discrète » >>> https://louveciennestribune.typepad.com/media/2024/02/sur-une-enquête-publique-discrète.html
#Article du 18 mars 2024 « Le commissaire enquêteur donne un avis favorable à la régularisation du PLU » > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2024/03/le-commissaire-enquêteur-donne-un-avis-favorable-à-la-régularisation-du-plu.html
(5) Article du 28 mars 2024 « Les recommandations du commissaire enquêteur globalement rejetés » >>> https://louveciennestribune.typepad.com/media/ 2024/03/les-recommandations-du-commissaire- enquêteur-globalement-rejetées-1.html
(6) Parmi les vices de procédure figurant dans le jugement on relève :
- que le maire n’a pas arrêté, avant l’enquête publique, un nouveau projet incluant l’évaluation environnementale ; « les conseillers municipaux n’ont donc pas été en situation d’apporter d’éventuelles modifications au projet de révision procédant de l’évaluation environnement et notamment de l’avis de la Mission régionale d’autorité environnementale » (MRAe) ; « leur approbation n’est intervenue qu’après l’enquête publique à un moment où ils ne pouvaient modifier ce projet… » ;
- que l’on n’a pas consulté à nouveau l’ensemble des personnes publiques associées, après l’évaluation environnementale au sein du PLU ce qui en l’espèce est susceptible d’avoir une incidence sur le sens de la décision prise, l’omission de cette procédure vicie la légalité de la délibération du 26 mars 2024 et par voie de conséquence celle du 6 décembre 2017. Cette irrégularité a par ailleurs affecté le contenu de l’information du public lequel a été privé lors de l’enquête publique de la position des personnes publiques associées à l’égard du projet modifié de révision du PLU.
(7) Le Plan local d’urbanisme de Louveciennes d’origine avait été approuvé par le conseil municipal en date du 11 avril 2013. Sur les 29 conseillers présents ou représentés, 21 avaient voté en faveur du PLU, 8 contre ; il s’agissait des deux conseillers de gauche, de quatre représentant du groupe d’opposition Osons (dont le chef de file était Pierre-François Viard qui allait conquérir la mairie en 2014) et de deux conseillers dissidents du groupe majoritaire.
>>> Voir notre article du 22 avril 2013 > « Le PLU surplombé par la loi SRU » > https://louveciennestribune.typepad.com/media/2013/04/le-plu-surplombé-par-la-loi-sru.html
Il convient de noter que postérieurement une modification simplifiée avait été apportée au PLU, le 26 mai 2016. Son objet : réadapter le zonage sur le secteur Aqueduc/Chemin du Cœur Volant pour permettre la réalisation d'une opération de constructions à destination de logement concourant à la mise en œuvre de la mixité sociale dans l'habitat.