Une injustice fiscale pénalise les communes et dont on peut s’étonner que les élus à l’Assemblée Nationale et au Sénat, ainsi que les grands Maires n’en est jamais fait un sujet d’intérêt et de combat.
En effet, les bailleurs sociaux (HLM) bénéficient d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de 15 à 25 ans ce qui diminue sensiblement les ressources financières des communes à un moment où on leur demande de produire plus de logements sociaux (pour satisfaire notamment à la loi SRU) et que par ailleurs la taxe d’habitation est supprimée. Aucun lien financier n’existe plus entre la commune et de nombreux bénéficiaires de ses services. Cela concerne également, bien entendu, les communes, généralement plus pauvres, dotées d’un parc de logements sociaux important (1 ).
(Logements sociaux - La Croix de Marly - Louveciennes)
On peut parfaitement comprendre que l’Etat veuille, dans le cadre d’une politique sociale, aider les bailleurs HLM mais la compensation devrait être la règle. Très timidement le gouvernement Castex a fait un premier pas vers la compensation mais celle-ci reste pour le moment dérisoire et compte tenu des délais de construction et de livraison ne trouvera véritablement à s’appliquer qu’en 2024. (2)
Dans les débats budgétaires ce dossier est rarement abordé de front. Il est vrai qu’il est difficile d’y intéresser les médias et le grand public à l’heure où l’on raffole de polémiques stériles sur des sujets puérils ou grotesques.
A intervalle régulier, on nous annonce une grande réforme des finances locales, rendue encore plus indispensable depuis la suppression de la taxe d’habitation. Une telle réforme, si elle aboutit, ne produira pas ses effets à court terme. Commençons donc par généraliser la compensation de la TFPB dont bénéficient les bailleurs sociaux.
Nous avons contacté sur ce sujet un certain nombre d’élus de la majorité comme de l’opposition. Pris par leurs querelles subalternes, ils n’ont pas eu le temps de nous répondre ; ils n’ont pas non plus accusé réception de notre courrier, c’est croire que leurs attachés parlementaires ou membre de cabinets sont débordés.
La seule réponse argumentée nous est venue d’un élu d’expérience, Philippe Laurent, maire de Sceaux, vice-président de l’Association des Maires de France.
« Votre lettre du 7 octobre dernier a retenu toute mon attention. Je ne peux que vous donner raison sur la déconnexion importante entre une partie des citoyens et la commune, induite par la disparition de la taxe d’habitation.
Comme vous le savez, les associations d’élus – et moi-même en particulier - se sont toutes élevées contre cette suppression, sans réussir à se faire entendre du pouvoir exécutif. J’ai même été candidat aux élections législatives, précisément pour porter notamment cette parole au Parlement. Sans succès.
Il en résulte que le seul levier restant à la disposition des conseils municipaux reste la taxe foncière sur les propriété bâties (hormis une majeure partie des logements sociaux).
Les débats au Parlement étant malheureusement ce qu’ils sont, toutes les questions relatives à la fiscalité locale et notamment à la juste compensation des exonérations de foncier bâti des logements sociaux ont été promptement balayées du débat. Il y a de moins en moins d’élus au Parlement ayant une connaissance fine et surtout historique des relations financières très complexes entre l’Etat et les collectivités locales. Gilles Carrez, notamment, ne siège plus à l’Assemblée.
Je ne suis donc pas très optimiste, au moins à moyen terme, sur une amélioration des choses … et contrairement à ce que vous me faites l’honneur de penser, ce que je peux éventuellement argumenter pèse bien peu face aux véritables ukases des hauts fonctionnaires de Bercy, qui sont les véritables maîtres du pays et face auxquels même les ministres ne semblent avoir aucune prise ! »
Décidément une véritable avancée dans ce dossier paraît mal engagée.
Et pourtant la Cour des comptes s’est clairement exprimée dans un référé en date du 1er juin 2017 en faveur d’une suppression de cette exonération et son remplacement par « des subventions ciblées tenant compte de la situation des territoires et des organismes concernés » (3). Elle fait justement remarquer que cette exonération « entraîne pour les collectivités concernées une moins-value fiscale d’autant plus qu’elle comprend plus de logements sociaux sur son territoire (…) les collectivités financièrement les plus pénalisées par la mesure d’exonération de la TFPB sont souvent celles où le besoin de financement de logements sociaux est le plus important. De surcroît, le montant de l’exonération par logement social dépend du taux local de la TFPB : il peut donc varier d’une collectivité à l’autre sans aucun lien avec les besoins de financement de nouvelles opérations de logement social. »
A cet égard, la réponse du gouvernement Castex a été nettement insuffisante et n'a pas été amplifiée depuis.
FK
Notes techniques
(1) En application de l’article 1384 A du CGI, les opérations de construction de logements locatifs sociaux bénéficient d’une exonération totale de la TFPB de 25 ans à compter de l’année qui suit leur achèvement, à condition d’être financées, à hauteur d’au moins 50 % au moyen de prêts locatifs aidés ou réglementés (PLA-I, PLUS, PLS, prêts action logement) ou de subventions de collectivités territoriales ou de l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Cette exonération s’applique également aux logements locatifs sociaux résultant d’opérations d’acquisition-amélioration. Elle a été portée à 30 ans lorsque l’immeuble répond à certains critères de qualité environnementale. De la même façon, les dépenses réalisées en vue d’adapter les logements sociaux aux normes d’accessibilité sont déductibles de la TFPB.
Cette exonération « longue durée » bénéficie aujourd’hui à 20 % du parc de logements sociaux. D’après le rapport produit par le Gouvernement, le montant de la TFPB exonérée en 2016 est estimée à 404 M€. L’allocation compensatrice est de l’ordre de 34 M€. La perte de recettes pour les collectivités territoriales est considérable (source : Rapport sur la refonte de la fiscalité locale - Mai 2018 - Mission confiée à Dominique BUR et Alain RICHARD)
(2) La loi de finances pour 2022, dans son article 177, prévoit une compensation partielle et temporaire des exonérations de la TFPB au titre des logements sociaux :
- elle s’applique aux logements agréés par les Préfets entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2026 ;
- elle est limitée aux 10 premières années d’exonération.
(3) Le référé de la Cour des comptes
Dans son référé du 1er juin 2017, « Les dépenses fiscales en faveur du logement social », la Cour des comptes propose de remplacer le régime d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur du secteur immobilier social par des subventions ciblées.
Le Ministre de l’action des comptes publics (à l’époque Gérald Darmanin) dans sa réponse « partage le constat de la Cour quant à la nécessité de s’interroger sur la pérennité des exemptions fiscales dont bénéficie le secteur. » Il émet en revanche des réserves quant à la mise en place d’un nouveau dispositif de subventions ciblées aux organismes d’HLM alors qu’il en existe déjà un certain nombre.
Quant au Ministre de la cohésion des territoires (Jacques Mézard devenu depuis membre du Conseil constitutionnel….) il n’est pas favorable à cette mesure.
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